Aucun résultat pour cette recherche

Critique(s)/Commentaire(s) Publiques de
GTT

Voir ses 2 films notés
  • BIRDMAN : OU (LA SURPRENANTE VERTU DE L'IGNORANCE) (2014)
    Pour ma part, plus le film avançait, plus il devenait fortement passionnant ! Et honnêtement, j'avais peur que le film me fasse ce qu'il a fait aux détracteurs. Une oeuvre expérimentale qui est écrasée par son propre dispositif.Or le film réussit l'exploit de faire oublier ce dernier pour nous plonger dans une visualisation concrète du fil ténu entre réalité et fantasme. Rêve et cauchemar.Tout en se différenciant complètement dans la forme (mais alors complètement), Birdman peut rejoindre la thématique de "où s'arrête l'art, où commence la vie" que l'on pouvait voir dans des films aussi brillants que "Le Carrosse d'Or" de Renoir, "Sunset Blvd." de Wilder ou encore les exercices séduisants de Jacques Rivette. Et Iñárritu d'y foncer tête baissée, mais toujours conscient de ce qu'il montre à l'écran. Outre la virtuosité resplendissante de la mise en scène, le film réussit à déployer un rythme d'une teneur impressionnante, aidée par une bande-son, se mettant en symbiose avec les mouvements mentaux et physiques des personnages.Dans la recherche de l'espace, les décors exigus font place à de grandes bouffées d'air extérieures, qui n'empêchent pas d'y voir un New York comme lieu incroyablement vivant et culturel, mais également sans horizon possible, où toutes les voies, emplies de monde, de bruit et de folie ramènent irrémédiablement le personnage dans les lieux de sa rédemption, de sa création et de sa renaissance. Jusqu'à un envol aussi évident psychologiquement que dans cette fameuse suspension d'incrédulité qui est sans cesse remise en question au coeur même du film.L'utilisation des couleurs est sans cesse élaborée. Les couleurs primaires y ont un sens dramatique et se mêlent brillamment aux constrastes des clairs-obscurs comme autant de passages entre subjectivité palpable et perte de repères.Je n'ai finalement pas trouvé le film théorique. Il se tient à son sujet, par la réflexion que son propre protagoniste se fait sur lui-même et le monde qui l'entoure. C'est une oeuvre mentale et réellement labyrinthique, parsemée d'éclats de fantastique, de romance, de poésie ravageuse et salvatrice. Les mises en abîmes s'enchaînent avec une aisance déconcertante.Je pense que c'est une oeuvre qui va gagner en richesse, lors d'une révision. Quant à l'interprétation, elle est magistrale. Du puissant Mickael Keaton, au moindre petit rôle."Birdman" est une oeuvre hybride, mais constamment brillante. Entre cynisme et émotions totalement investies. Entre comédie et drame psychologique. Entre mensonge et vérité. Entre l'art et la vie qui la constitue (ou vice-versa).
  • TREE OF LIFE (2011)
    Note : 19/20
    Dieu que je ne suis pas d'accord avec votre critique, même si je reconnais sans problème qu'on ne puisse pas adhéré au film en lui-même. De là à dire que c'est mauvais, c'est extrême. Avant de parler du film en particulier, je voudrais que c'était une de mes plus insolites expériences dans une salle de cinéma... Une queue monstre avant d'entrer, avec des adolescentes fans de Brad Pitt, des gamins de 8 ans en pagaille et mêmes des personnes s'attendant à un film d'action (si, si !!! Authentique !!!). Résultat, après dix minutes de film, au moins 40 personnes ont quitté la salle, avec des jets sur l'écran de bouteilles, des cris et des "C'est nuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuul". Passé cette introduction, le film. Malgré ce remue-ménage, j'avoue avoir également eu du mal à entrer dans le film lors des 10 premières minutes. Mais après, inexplicablement, j'ai été vite pris par une sorte d'hypnose cinématographique, qui m'a littéralement scotché et laissé bouche bée... Je suis sorti avec la sensation à la fois dérangeante et plaisante d'avoir vu une oeuvre extrêmement intime, une vision tellement personnelle de ce que l'on voit à l'écran que ce partage proposé par Malick m'a bouleversé. Il est inutile de le nier, le film est visuellement extraordinaire. Chaque plan est d'une méticulosité hallucinante. Il m'apparaît évident que les richesses de l'image sont innombrables et impossibles à les déceler entièrement, qu'il y en a beaucoup à dire. Lorsque Malick filme l'évolution de la vie, pour moi on atteint le pur cinéma : des images, un rythme musical savant et la profession de foi du film. Une séquence dans tout cela est particulièrement splendide (beaucoup la trouveront ridicule) : un espèce de raptor semble prendre pitié d'une éventuelle proie blessée. Moment troublant qui semble annoncé un parallèle avec ce que l'on verra plus tard dans le film (l'aîné des frères qui prend conscience de sa domination sur son cadet)... La vie du personnage joué par Sean Penn (qui se balade dans les architectures de New York) est mis en parallèle avec le milieu dans lequel travaillait son père (une industrie des années 50). Lors de son enfance, le père lui dit de ne pas suivre sa voie. Dès lors, on sait que la vie de Sean Penn est en train de se rater et le travail de réminiscence et de deuil qu'il se procure l'aidera probablement à comprendre à trouver une issue. "I do what I hate, se dit Jack enfant. Les plus beaux moments du film sont pourtant ce qui paraissent les plus simples. L'évolution de l'enfance de Jack se met donc en corrélation avec l'évolution de la vie. Choisissant évidemment une narration enchevêtrée et elliptique, Malick réfléchit sur une portion de vie, qui ne doit pas être éloignée de la sienne. Tout ce qui touche au cocon familial est, en ce qui me concerne, superbe. J'ai rarement ressenti et vu une telle justesse dans l'observation des comportements. On croit dur comme fer à la description de cette famille. Jack, bébé, en gros plans magnifiques, un travelling qui suit les premiers pas de l'enfant, les premiers balbutiements vocaux = amour exclusif. L'arrivée d'un frère = curiosité puis jalousie colérique, sublimement rendu dans ce film, je trouve... Les relations contradictoires du père avec ses trois enfants (en particulier avec Jack) sont également impeccablement croquées. Brad Pitt est exemplaire de sobriété et contraste bien avec la Mère, devenant volontairement une incarnation de Pureté, une image déifiée, une représentation de la Bonté, qui marque à juste titre les souvenirs de Jack.La simplicité est ici transcendée par la puissance des mouvements de caméra et me donne l'impression de voir ces séquences pour la première fois. Du coup, mon adhésion aide à être touché. Je prends comme exemple la séquence où Brad Pitt tient son fils par le cou et/où l'épaule : ils sont filmés de dos, la caméra les suit de manière fluide. On entend le fils renifler, il pleure car son père lui reproche qu'il a mal tondu la pelouse en lui montrant les endroits en question... Puis soudain, le gosse le serre dans ses bras. Bouleversant... La question paternelle est remise en question. Quand on a le travail, on est responsable et on se sent dominateur, quand on ne l'a plus, on se repentit car on sait qu'on n'est plus un modèle.Puis l'enfant Jack devient un adolescent, et la bifurcation comportementale se fait discrètement jusqu'à une petite séquence dont je ne dévoilerais pas le contenu, mais qui tient le spectateur en haleine, avec un sens du suspense aussi bref que magistral... Le dernier quart d'heure du film (à mon sens, le plus sur le fil) est, encore une fois à mes yeux, éblouissant, car cela atteint quelque chose que JE me suis déjà imaginé une fois atteint un certain âge : préserver l'image de mes parents, de mes frères et soeurs, à leur plénitude... C'est de ces moments que je considère "The Tree of Life" comme une oeuvre magnifique car elle renvoie à une vision totalement intérieure, entièrement personnelle, extrêmement intime... et dont je me sens proche... En tout bien tout honneur, je ne comprends pas comment on peut trouver cela mauvais ou à considérer le film comme tel, alors que j'accepte aisément qu'on déteste le film pour des raisons autres que cinématographiques.
    Note : 19/20
    Pourquoi parler de prétention, parce que le film évoque et rapproche deux évolutions de la vie, dont une dimension à la fois philosophique, mystique et scientifique ? Il y a ambition et non prétention dans son sens péjoratif.Je suis l'auteur de la critique notée , écrite plus haut. Bien avant que le film se targue d'être récompensé par une Palme.Il ne sert à rien de juger un film par rapport à ses récompenses. Aujourd'hui je salue qu'on puisse encore faire du cinéma comme cette oeuvre déroutante mais aussi intime...En tout cas, on peut trouver un sens dans chaque séquence, chaque plan de "The Tree of Life". Je n'ai pas encore toutes les clés des richesses assénées par cette oeuvre, mais je ne pense pas être quelqu'un de prétentieux, ni quelqu'un d'élitiste.Surtout que le film radicalise toutes les idées thématiques, formelles du cinéaste Terrence Malick et apparaît comme un film sur la transcendance (mouvement philosophique qu'a réellement étudié le cinéaste).Attention, je peux comprendre qu'on s'ennuie ferme dans le film ou qu'on déteste le style du cinéaste.
  • AVATAR (2009)
    Je bondis par rapport à l'avis (réactionnaire ? ) précédent.Plus que jamais, la technique de la "performance capture" ne doit son efficacité qu'au seul talent de ses comédiens. Images de synthèse ou pas, toutes les émotions, toutes les expressions et toutes les idées passent grâce uniquement à un jeu de comédiens. D'ailleurs, le tournage du film, en ce qui concerne les comédiens, ressemblaient beaucoup plus à un atelier de théâtre. Les acteurs répétaient et jouaient une séquence entière sans avoir less continuels problèmes de mise en place technique (travellings, éclairages, traces sur le sol à respecter) et par conséquent étaient plus libres sur le plateau.Le cinéma a le droit d'évoluer, le numérique est une réalité et cela ne signifie aucunement la "mort du cinéma" (voir entre autres exemples "Collateral" de Michael Mann dont les qualités artistiques visuelles n'auraient pas pu voir le jour en pellicule). D'autant qu'il y aura encore des films en pellicule, pour le bonheur de ceux qui acceptent tous ces différents formats (les vrais cinéphiles quoi !)"Avatar" reste un film, bien heureusement, car il y a un vrai langage cinématographique, n'en déplaise à certains. Il y a un découpage technique, une structure de narration, il y a du sens dans chaque taille de plan, dans chaque composition de cadre, dans chaque élément sonore. L'informatique est un outil, un support pour raconter une histoire par le biais d'une écriture propre à l'art du cinéma.Quant à l'histoire, avant de tomber dans le moule du côté "mode écologique", il faut rappeler que Cameron l'a écrite il y a quinze ans, où ce n'était pas encore le sujet d'actualité le plus brûlant.
    Ce qui me scandalise c'est de lire des choses où l'on voit que l'auteur (de la critique précédente) ne sait pas de quoi il parle :Si "Avatar" est à mes yeux une oeuvre cinématographique plus que réussie, elle le doit, entre autres, à son visuel. Cameron raconte tout par l'image, retrouvant une pureté du cinéma muet qui, n'en déplaise à certains, mettait l'image au pinacle. Ce qui est devenu rébarbatif, c'est de voir que les gens confondent les termes : scénario, intrigue, récit sont des mots différents et on voit bien qu'on mélange "à tous les rateliers". Mais également confondre effets spéciaux (trucages qui se font directement sur le plateau) et effets visuels (postproduction).Ainsi le scénario de ce film est bien construit et bien écrit, il n' y a pas de séquences inutiles, tout participe à raconter une aventure initiatique basée sur les fondements les plus essentiels et universels de la mythologie. Quand je lis que le "scénario n'a pas de profondeur", c'est qu'on a pas pris la peine d'aller plus loin de ce que les images montrent ou de ce que l'histoire raconte. Il serait vain de ma part d'énumérer toutes les richesses de ce film (que je ne suis pas le seul à avoir vues, j'insiste avant qu'on me traite de "pédant" ou de "prétentieux"). Mais le film est plus réfléchi qu'il n'y paraît. Ainsi le processus d'identification est bien amené, nous avons un personnage principal en fauteuil roulant (c'est-à-dire nous spectateurs de salle assis sur nos fauteuils) qui va avoir droit à s'immerger dans un Avatar (et nous spectateurs d'immerger et de découvrir avec lui le monde de Pandora via la 3D). Donc Cameron ne se contente pas d'impressionner avec son support technologique, mais il réfléchit sa substance en une mise en abîme intelligente. Que l'imbrication de l'action et du spectaculaire concrétise des idées abstraites (Jake Sully poursuivi par un Thanator et qui se jette dans la cascade, c'est littéralement le saut vers l'inconnu), qu'il y a une mise en place de questionnements d'origine philosophique (le rapport entre la nature et la culture se substitue mythologiquement à la situation identitaire entre le père et la mère) Mère Nature (Eywa et Pandora) contre le Père Culture (le colonel Quaritch qui d'ailleurs n'hésite pas à se patronymer Papa envers ses soldats et ses machines). Que le plan crucial à un moment dans le film entre une Na'vi et un être humain répond encore une fois à la mise en abîme de Cameron, nous prouvant à nous spectateurs que nouvelle technologie et traditionnalité peuvent s'accorder en une harmonie légitime. Même la faune et la flore de Pandora ont bénéficié de recherches scientifiques plausibles.Et je ne parle pas de la mise en scène extraordinaire de Cameron. Séquences d'action avec une gestion de l'espace hallucinante, qui pousse la tridimensionnalité du cadre avec une classe et une élégance folles (si on voit le film en 3D, il n'y a qu'un seul moment où un objet nous "vient" sur nous dans tout le film, on n'est pas dans une gimmick pour enfants capricieux.)Encore une fois, on a le droit de ne pas aimer un film comme "Avatar" (heureusement), mais il semble indéniable que le film ne se limite pas aux critiques qu'on lui reproche (comme de surfer sur une mode "écolo" alors que le scénario a été écrit il y a plus de 15 ans où ce n'était pas le sujet de prédilection de cette époque, ou encore la "pauvreté" et autre "manque de profondeur" scénaristique est, pour moi, totalement faux, tellement la mise en scène transcende les idées par les plans et que leur compositions (travail sur la sémiologie, le découpage, le mouvements) sont réelles et digne d'un maître-narrateur tel que James Cameron.
  • BURN AFTER READING (2008)
    A l'instar du brillant et sous-estimé "Intolerable Cruelty", "Burn after reading" est à réévaluer d'urgence. La raison de son insuccès vient sûrement que ce film en mode plus "léger" vient après ce chef-d'oeuvre qu'est "No Country for Old Men" et que la comparaison est "écrasante". Pourtant, "Burn after reading" est une brillante et cinglante comédie d'espionnage, comportant un rythme constamment controlé, culminant dans un dernier quart d'heure ébouriffant. Les frères Coen poursuivent leur vision de l'idiotie de leurs compatriotes en établissant une oeuvre hilarante, mais également très dérangeante. Comme dans "Fargo", l'enchaînement des siuations (parfois à l'intérieur d'une même séquence) donne un ton ambigu jouissif, qui malmène la position du spectateur ne sachant pas s'il faut rire à gorge déployée ou être terrorisé par l'absurde du récit. Les personnages sont parfaitements écrits et interprétés dans une fougue comique de bon aloi, cependant les Coen amènent un constat terrifiant de la condition humaine, le pouvoir ne comprend rien et les innocents payent cher l'incompréhension et le manque de contrôle des autorités.Les clowns de service qui n'ont pas beaucoup de jugeote parviennent à dérégler un système qui n'arrive pas à démeler les fils tortueux du récit, à identifier un citoyen lambda ou à comprendre les motivations des molécules qui composent l'atome.Superbement intéressant, une oeuvre majeure des frères Coen, contrairement à ce que l'on pourrait penser.
  • AVIATOR (2004)
    "The Aviator", au départ oeuvre de commande, devient un film puissamment personnel et ce dès les premières minutes d'un film où se rejoignent coup sur coup les signes christiques d'un nouveau "martyr", victime de sa folie obsessionnelle et paranoïaque. Scorsese conjugue glamour, romance et nostalgie dans une première heure fascinante, regorgeant de vivacité aux tonalités colorimétriques séduisantes : en effet le cinéaste et son directeur photo utilisent le procédé trichromique du Technicolor de l'époque (les trois couleurs primaires).Puis le film bifurque vers la lente ascendance semée d'embûches autant physiques que morales d'un Howard Hughes, devenu personnage captivant, avant une séquence finale terrible et évocatrice qui en dit long.Film spectaculaire, intimiste et psychologique, "The Aviator" porte la marque incontestable du maître à travers une mise en scène puissante, énergique, picturalement impressionnante, jamais gratuite dans ses effets.Et Leonardo DiCaprio est parfait !
  • INTOLÉRABLE CRUAUTÉ (2003)
    C'est un des film des frères Coen les plus sous-estimés, en ce qui me concerne. "Intolerable Cruelty" participe brillamment à la thématique des deux frangins qui, pour établir les fondements de leur société contemporaine, vont puiser avec bonheur dans les genres qui ont fondé la culture américaine. Ici c'est la magnifique résurgence de la "screwball comedy", avec son rythme surprenant, le débit en rafale des répliques, des dialogues savoureux, des comédiens doués et une mise en scène ciselée, observatrice de comportements référentiels. Il n'y a qu'à voir la présence physique de George Clooney qui renvoie à Cary Grant (tout comme il renvoyait à Clark Gable dans "O Brother, where Art thou ?" ou encore Billy Bob Thornton à Humphrey Bogart dans "The Man who wasn't there").Outre le divertissement particulier qu'il procure, cette réappropriation respectueuse et jubilatoire reforme les fantômes culturels du passé.
  • À TOMBEAU OUVERT (1999)
    Voici encore un Scorsese étrangement estimé dans sa filmographie...Adapté d'un roman de Joe Connelly par un des plus brillants collaborateurs du cinéaste, Paul Schrader himself, on se dit que la mise en chantier de "Bringing out the Dead" se veut un retour en source new-yorkais depuis "The Age of Innocence", cinq plus tôt, (et depuis 1988 avec Schrader) ...Oeuvre nocturne, avec un personnage déphasé qui cherche la rédemption... Un programme qui semble être étudié pour un cinéaste qui a déjà exercé (brillamment) dans cette voie. Sauf que le présent film est curieusement "discret" lorsqu'on évoque son cinéma. Ce qui fait la beauté du film, en ce qui me concerne, c'est la force incroyable de la mise en scène. Scorsese, en suivant le parcours d'un ambulancier insomniaque "christique", met en place, à l'instar de "Taxi Driver", une vision géographique et sociologique subjective à son protagoniste. "Bringing out the Dead" est une oeuvre singulièrement intense, ne confondant jamais vitesse et précipitation... Elle est un curieux mélange entre une nostalgie des années 70 dans le sujet et son traitement des années 90, dont l'aboutissement formel qu'était "Casino" en est un bon représentant...C'est un film qu'on peut avoir déjà vu mais qui marque l'évolution cinématographique du cinéaste... Le parcours christique de Frank Pierce (Nicolas Cage, dans un de ses plus beaux rôles), dont le métier est évidemment une voie de salut, est renforcé par la rencontre avec Mary (forcément), jouée par une tendre Patricia Arquette... La vision de la ville, métamorphosée par les yeux cernés de notre personnage principal, se transforme en paysage spectral, dont le fantôme d'une morte, avec laquelle il se sent responsable de son état, apparaît inlassablement, accentuant la fatigue morale, plus que physique de Frank.La ville de New York se définit plus comme le Barnum d'un "After Hours", dans lequel le héros tente de soigner les maux, c'est-à-dire d'accepter tous les péchés de ses habitants. L'oeuvre contient de plus des moments d'humour culottés (les personnages secondaires sont frappés du ciboulot), qui fait de ce film, par moments, une comédie noire et cynique survoltée, complètement folle.Puis "Bringing out the Dead", au départ oeuvre de commande, devient un film personnel. Parce que les obsessions du cinéaste sont présentes, mais aussi parce qu'il aborde un élément que le cinéaste a bien connu et qu'il a réussi (semble-t-il) à combattre : la dépression. Le regard que pose Scorsese sur son personnage est compatissant, ne faisant jamais de ce dernier un guignol ridicule ou un loser pathétique. Il lui imprègne une grâce, un charisme qui lui donne une aura de martyr compréhensible et éthique, dont l'incommensurable fatigue transmet une certaine admiration...Ce film magnifique est donc porté par une énergie irrésistible, sans oublier des pauses contemplatives saisissantes. C'est un film porté par un rythme qui semble se modeler sur les appareils médicaux qui boostent la partie cardiaque d'un patient mal en point, on réfléchit puis on nous envoie une dose d'adrénaline réveillant notre attention pour qu'on ne lâche pas cette histoire électrique et belle qui demeure, malgré les éléments habituels des oeuvres de Scorsese, une oeuvre singulière, qui ne ressemble à aucune autre et qui plus est parfaitement interprétée...
  • BOOGIE NIGHTS (1997)
    Plus qu'une radiographie du milieu X, "Boogie Nights" demeure une radiographie d'une époque contestataire, qui renvoie aux soubresauts de la décennie des années 90 (et au-delà car le message semble bien parti pour être intemporel). A travers une mosaïque de personnages composant un film choral dont Anderson est passé maître avec Robert Altman, cette oeuvre iconoclaste, brillamment mise en scène et interprétée, délivre un puits de moments charnière d'une certaine caste du show-business, celle de l'apparat et des caprices, de l'attirance et de la répulsion, des préjugés et des privilèges. Cette chronique n'empêche aucunement le cinéaste de se réfléchir lui-même son rôle d'artiste à travers le personnage de Burt Reynolds.Foisonnant, passionnant, virtuose, "Boogie Nights", aidé par de remarquables comédiens demeure une oeuvre intense où se bousculent les émotions diverses.
  • CASINO (1995)
    Une oeuvre flamboyante, audacieuse, puissante où Scorsese tente tout le possible et l'imaginable pour une galerie de portraits sans concessions. Sa prodigieuse énergie narratrice, son montage éclaté, ses lumières chaudes en font une expérience cinématographique rare et intense.Une merveille, magnifiquement interprétée.
  • PULP FICTION (1993)
    La Palme d'or la plus audacieuse de ces 25 dernières années est attribuée à ce chef-d'oeuvre ! Tarantino approfondit toutes les composantes de son cinéma après le génial coup d'essai qu'est "Reservoir Dogs", dans une oeuvre où références, hommages, sous-culture, humour et amour se fondent harmonieusement (et avec une énergie rare) pour se créer un style propre au cinéaste, qui se livre à une débauche d'idées jouissives, parfaitement rendues par les procédés cinématographiques.Toutes les émotions se télescopent dans "Pulp Fiction", passant de la sincérité à l'esbroufe volontaire, de l'horreur à l'humour très noir.Une galerie de personnages (et d'acteurs) impressionnante qui reste dans toutes les mémoires permet à Tarantino d'enchevêtrer une belle performance narrative, dans laquelle le sens du cadre, de la photo et de la mise en scène ne semblent jamais en porte-à-faux !
  • EDWARD AUX MAINS D'ARGENT (1991)
    Un des rares films dont la grâce est inexpliquable ! "Edward Scissorhands" est un chef-d'oeuvre féerique et le plus personnel des longs-métrages de Burton !Rempli de sous-entendus sexuels et constamment satirique sur une certaine forme de société, ce bijou est une déclaration d'amour à l'artiste reclus et rejeté, un véritable conte de fée, dans lequel Burton met en place un élément récurrent de ce genre littéraire : le doux-amer.Ainsi, Edward est un artiste fabuleux inventé par Dieu / Vincent Price, à la fois créature de Frankenstein et ange, amoureux fou et sage, éternel enfant.Le film est beau, tendre, rageant, drôle, une claque de poésie, un émerveillement qui met mal à l'aise autant qu'il nous séduit avec un vrai sens de l'attraction.Magnifique !
  • LES AFFRANCHIS (1990)
    Film profondément conscient des émotions partagées, "Goodfellas" est une oeuvre remarquable par sa narration, incessamment inventive, ses parfaites ruptures de ton, la limpidité d'un scénario complexe et riche, l'interprétation parfaite et sa mise en scène alliant sens de la reconstitution, superbe maîtrise des prises de vue, montage hallucinant. Le film régale par sa peinture d'un milieu dans lequel Scorsese filme celui-ci comme un domaine de travail, illégal et dangereux, où la violence, omniprésente, peut dépasser les limites de l'insoutenable.Autant on peut rire de certaines séquences (le facteur qui morfle ou le début), autant l'on est conscient de la limite de l'humour lorsque la violence devient gratuite par rapport aux personnages (les réglements de compte paranoïaques de De Niro, le meurtre très dérangeant du jeune serveur...).Fascinante réflexion qui enrichit encore plus un film magistral et une pierre angulaire dans le film de gangsters.
  • LE GRAND BLEU (1987)
    De profondis ...Deux hommes engloutis par leur passion marine. Le tragique de cette histoire de profondeurs, Même dépourvu de violence est déchirant ... et Rosanna Arquette semble bien perdue dans cette histoire d'hommes et d'hommes peu communs ... Une superbe histoire, d'autant plus bienvenue à une époque où le cinéma se répète beaucoup, trop ... Luc Besson se confirme ici comme l'un des cinéastes les plus frais de sa génération ... D.W. GRAPHITE.
  • AMADEUS (1984)
    La pièce de Peter Shaffer était suffisamment intelligente pour faire de son adaptation une œuvre au moins intéressante. Mais ce que Milos Forman a ajouté, ce n'est pas qu'une mise en scène d'un classicisme somptueux, c'est aussi une nouvelle façon d'explorer les méandres de personnages irrationnels.Entre les aliénés de "One Flew over the Cuckoo's Nest", Larry Flynt ou Andy Kaufman, on sait que le cinéaste a souvent eu une prédilection pour les êtres fous.Or, grâce au matériau d'origine, il en a deux pour le prix d'un. D'un côté nous avons Salieri, le compositeur reconnu de son vivant, talentueux et professionnel et de l'autre, nous avons l'exubérant et le génie créatif de Mozart, jeune insolent, naïf et vulgaire.Dès lors, après un début captivant où l'on voit le personnage de Salieri, très âgé, qui témoigne à un jeune prêtre, après une tentative de suicide, de l'importance qu'a eue Mozart dans sa propre vie, Forman nous montre bien que le reste de l'intrigue (qui se constitue de flash-backs) ne sera uniquement que le point de vue de Salieri. Donc il est déjà inutile d'essayer de se montrer historien pour juger de la caractérisation qu'est donnée à Wolfgang Amadeus Mozart.Mais ce qui rend le film véritablement passionnant, c'est bel et bien la manière dont Forman arrive à retranscrire, sans aucune esbroufe ou effet gratuit, la puissance de la musique (par extension la puissance créatrice) en une remarquable correspondance son/image. Cette adéquation, qui pourrait devenir conventionnelle, se révèle constamment juste, car elle apporte une intensité émotionnelle et une identification très forte avec le personnage de Salieri.Un homme talentueux, reconnu, extrêmement connaisseur de son art, d'une courtoisie rare, arrivé au sommet de la hiérarchie, d'un professionnalisme impeccable, qui va croiser un homme aux antipodes de sa personnalité mais qui va l'éblouir par son prodige musical. Un homme dégoûté par son propre échec, qui prouve que le talent n'est rien face au génie, qu'il n'arrivera jamais à toucher le Sublime, la Beauté.Ce constat d'une amertume rare peut se répercuter dans n'importe quel domaine et c'est ce cachet qui donne force, modernité et universalité à ce grand film."Amadeus", au-delà de sa splendide reconstitution historique, de la qualité de l'interprétation, de la force dramatique de la pièce d'origine, est une œuvre magistrale, où la férocité du trait n'exclut pas un humour vivifiant, où la violence des sentiments se mêlent avec la pureté créatrice.
  • IL ETAIT UNE FOIS EN AMERIQUE (1983)
    Monumentale, c'est l'adjectif qui convient le mieux à cette oeuvre. Leone s'est donné corps et âme à cette colossale vision subjective d'une rêverie "opiumisée" autour d'une Amérique reconstruite.A la fois film de gangsters, tragédie grecque, chronique mélancolique de l'enfance, mélodrame, film fantastique, Leone a toujours suggéré que le pesonnage de De Niro (grandiose) aurait pu rêvé tout ce que l'on a vu, agrémentant ce qu'est le cinéma selon le Maître, une vision kaléidoscopique des sentiments, où le temps est manipulable à souhait, où les plaisirs de la vie (le sexe, l'amitié, manger) côtoient les maux de l'existence (contexte sociopolitique, violence physique et mentale, trahison) en même temps qu'une propension à l'irréel (Elizabeth McGovern qui ne vieillit pas, la disparition finale et énigmatique de James Woods) ainsi que la dilatation du temps (la cuiller que Noodles tourne interminablement dans un silence qui ne l'est pas moins, la sonnerie du téléphone qui traverse le temps et l'espace).Indiscutablement, une oeuvre majeure, à la mise en scène d'une beauté extrême, à l'interprétation exceptionnelle, au scénario d'une complexité inouïe. Sans oublier l'inestimable musique du génial Morricone.Comme l'a dit Leone, "Once Upon a Time in America", c'était "Il était une fois le cinéma" !
  • SCARFACE (1983)
    Reprenant le principe de la déchéance après une fulgurante arrivée au sommet du film de Hawks, De Palma met en scène un formidable polar, à la fois politique, véridique et complètement viscéral. Sur un scénario, effectivement remarquable, d'Oliver Stone, De Palma assaisonne d'une manière élaborée le penchant de l'excessif, vecteur si important dans son cinéma, et on peut dire que ce thème trouve une sorte d'apogée dans ce festival de musique typique du "mauvais goût", de couleurs criardes, de dialogues cinglants et de décors flamboyants.Tout est en accord avec le milieu décrit, celui d'un gangstérisme surpuissant et fou, dont la violence est la seule issue possible pour pouvoir avoir les comptes réglés.Le film est aidé également par une interprétation parfaite, avec bien entendu un Al Pacino monumental, mais également Steven Bauer ou encore Michelle Pfeiffer."Scarface" de Brian de Palma est un chef-d'oeuvre de et sur l'excès.
  • LA GUERRE DU FEU (1981)
    C'est un film qui me tient particulièrement à cœur pour une raison très simple : l'universalité. Sans vouloir lancer une polémique du plus bel aloi, je dois dire que ce film d'Annaud est le long-métrage le plus universel de l'histoire du cinéma. Par son contexte d'abord, il y a l'époque de l'âge de pierre, avec ses tribus entre nature et culture, par les phases de découverte, l'Homme découvre ainsi les éléments fondamentaux qui nous différencie de l'animal (faire l'amour, faire le feu, le rire, la domestication) et enfin par le langage, inventé par Anthony Burgess, qui permet de passer le film dans tous pays, dans toutes cultures économiques et religieuses. Nous avons affaire alors à un film d'aventures exceptionnel, magnifiquement mis en scène et interprété, un chef-d'œuvre d'atemporalité, une réflexion brillante et profonde sur un constat amer, c'est en retournant quasiment dans les bases de l'Histoire de l'Homme que l'on arrive à le comprendre entièrement !
  • RAGTIME (1981)
    Milos Forman est un de ses cinéastes européens qui ont une particularité assez rare, c'est d'avoir l'œil étranger qui convient pour peindre mieux que les Américains même les États-Unis. Avec "Ragtime", le cinéaste raconte l'histoire, au début du 20e siècle, d'une ville américaine, à travers les tensions multiraciales. Tout bête.Sauf que le film va bien plus loin. Il s'agit d'abord d'une œuvre qui joue sur les stéréotypes des intrigues contre le racisme pour devenir à la fin une œuvre archétype sur ce thème.A travers une mise en scène somptueuse et des personnages tous bien étoffés, "Ragtime", dans toute sa complexité, enchaîne les morceaux d'anthologie. Non pas que le film soit spectaculaire, mais plutôt remarquable dans cette science d'enchaîner les moments forts, où les émotions sont parfaitement identifiées par un spectateur humaniste digne de ce nom. Tout ceci pourrait paraître convenu ou lourdingue, mais c'est bel et bien l'exploit de ce film de procurer sensations fortes avec la plus limpide manière de les monter, de les présenter, de les faire évoluer. Et le film de devenir un portrait précis de l'Amérique, intelligent sans tomber dans le didactisme ou la reconstitution tape-à-l'œil, avec ce fameux Ragtime, genre musical qui me plaît énormément, qui habille l'ensemble et en donne des vertus magnifiques.Un des plus beaux films de Forman, parfaitement interprété et qui en plus se targue d'avoir l'ultime apparition de James Cagney, une dernière fois immense dans son rôle de préfet de police.
  • LILI MARLEEN (1980)
    Une oeuvre troublante, envoûtante, haletante. Fassbinder mêle avec une évidence remarquable petite et grande Histoire. Le rôle du spectacle, et par extension de l'art, sert de révélateur. Comme une passerelle entre le rêve et l'évasion, entre la douceur d'une chanson et la violence des combats, entre la passivité des personnages et la mouvance d'un pays en pleine décadence méritée. Et des comédiens excellents parachèvent la beauté de ce film profond, direct et parfaitement accessible.
  • RAGING BULL (1980)
    Revu avec toujours autant de plaisir et d'admiration cette oeuvre majeure de Martin Scorsese..."Raging Bull" est une biographie superbement transcendée par la rage d'un cinéaste, en pleins questionnements existentiels. Rarement un réalisateur fut aussi interchangeable avec son personnage principal et l'histoire de La Motta contient autant de douleurs, de cruauté, de tristesse, d'énergie et de désespoir que tout ce qui pouvait trotter dans la tête de Scorsese...La quête de rédemption à travers un chemin christique impressionnant (le clou en est la défaite de LaMotta face à Robinson où son "sacrifice" évoque superbement Jésus, avec les bras en croix, la couronne de sang, coulant sur les bras et les jambes, les flashs des photos évoquant la foudre et le "Poing de Dieu" de Robinson qui érige le personnage en une Figure de Martyr) fonctionne si admirablement, car tout est fait sans nuire au propos du récit...La performance de De Niro (au-delà de tous les mots) a considérablement aidé Scorsese pour parfaire ce chemin identificateur. Fond et forme sont les éléments qui permettent au cinéaste de se sortir mentalement autant que physiquement d'une période noire qui, paradoxalement (quoique), a permis au cinéaste d'être au sommet de son art et de trouver une nouvelle envie de faire du cinéma, laquelle ne le quittera probablement jamais...C'est un film bouleversant...
  • APOCALYPSE NOW (1979)
    "Apocalypse Now" est une oeuvre puissamment cauchemardesque. Le chef-d'oeuvre absolu de Coppola est un festival de lyrisme, de violence et de poésie de la cruauté !Plusieurs lectures peuvent se dessiner dans ce film, d'une richesse proprement hallucinantes.Ce que je trouve absolument prodigieux, c'est la démonstration étincelante de la quête d'un homme qui suit le cours inverse de l'évolution de la vie !On passe d'une chevauchée en hélicoptères, aux assauts de la jungle puis au corps à corps pour délivrer avec génie la renaissance d'un homme qui tue son alter ego pour pouvoir resurgir, tel un phénix, de ses cendres apparues à cause de l'enfer qu'est la guerre.Visionnaire, d'une folie expérimentale inégalée (aujourd'hui on ne peut plus faire de film comme celui-là), l'oeuvre est portée par des personnages archétypaux et totalement remarquables de profondeur, interprétés à la perfection !
  • RENCONTRES DU TROISIEME TYPE (1977)
    Il est si jouissif de comprendre un cinéaste et de percevoir dans sa filmographie une oeuvre qui regroupe absolument toutes ses thématiques, sans que l'une n'écrase l'autre. Elément rarissime, Spielberg écrit lui-même le scénario ce qui renforce encore plus l'impact intimiste originel du cinéaste et son emprise pure et dure sur son film."Close Encounters of the Third Kind" est un film de science-fiction merveilleux qui est un des points culminants du genre.Lorsque Roy Neary (THE personnage spielbergien) est le témoin actif d'une rencontre de premier type, sa vie ordinaire change.Resté dans l'âme un grand enfant, cet événement déclenche en lui une pulsion régressive, dans un sens non péjoratif, ce qui est remarquable ici.Plus le film avance, plus Neary choisit de rester dans son état d'enfance, profitant d'une vie de merveille et d'imagination, d'innocence et de découverte, bref la recherche volontaire de l'échappatoire vers quelque chose d'inconnu mais d'apaisant.L'enfance y est un sujet puissamment incarné dans le film et Spielberg le montre de plusieurs manières. Neary ne peut plus avoir les épaules pour diriger une famille (ce qui amène des séquences familiales d'une très grande violence morale et d'une terrible amertume éthique). Que dire du professeur Lacombe (joué par François Truffaut) qui, au-delà de l'exploit scientifique, cherche l'émerveillement enfantin de la communication dépassant les frontières. Et puis il y a concrètement l'enfant avec Barry, celui qui se fait "enlever" dans une séquence au suspense d'une redoutable efficacité. C'est bien connu l'inconnu fait peur au début et cette séquence culte en demeure une parfaite représentation. Enfin, ce sont les extraterrestres eux-mêmes qui choisissent de prendre la forme d'enfants mignons à craquer ; loin d'être niaise, cette forme répond avec une cohérence admirable à l'émerveillement de cet état de vie.La religion, ensuite, puisqu'on peut y voir une parabole mystique sur Moïse et les Dix Commandements, avec un travail époustouflant sur la lumière et sur les effets (spéciaux et visuels qui n'ont pas vieillis aujourd'hui encore).La présence de la Seconde Guerre mondiale, puisque l'énigme du film se concentre également sur cette page d'histoire et que seule la force créatrice du cinéma permet l'utopie de ramener des gens d'un conflit important aux yeux de Spielberg.La réussite relève véritablement du génie dans la mesure où tout se tient.La musique de John Williams devient un élément important de l'histoire, comme dans Jaws où la partition était le personnage du requin, puisqu'elle signifie universellement la communication qui permet la pacification.Quant à la mise en scène de Spielberg, elle est brillantissime, évoquant toutes les formes d'émotion avec un égal talent.Loin d'être un film gentil, "Close Encounters of the Third Kind est un film déprimé qui a besoin de l'outil cinéma pour croire et rêver, une évasion artistique dantesque dont Spielberg a besoin et a envie de partager.Il signe un chef-d'oeuvre profond, d'une grande complexité mais accessible à tous !
  • NEW YORK, NEW YORK (1977)
    Martin Scorsese en cette année 1977 est devenu très important. Après des courts-métrages et des premiers longs où s'affirmaient un style personnel, surtout avec "Mean Streets", il est consacré avec ce pur chef-d'oeuvre qu'est "Taxi Driver"... On peut voir dans ces films-ci, ainsi que les précédents, un style naissant, contenant très subtilement une incroyable cinéphilie, noyée dans une vision autonome d'un cinéma convulsif, instinctif, formel, dépressif...Après sa Palme d'Or très justement donnée, Scorsese assoit un peu plus son statut et peut légitimement avoir plus de liberté, il continue sur sa lancée pour mettre en scène ce qui est à la base une commande, comme "Taxi Driver" d'ailleurs... En regardant le pitch de "New York, New York", on pourrait légitimement craindre ou douter qu'un cinéaste aussi "urbain" que Scorsese réussisse un mélodrame un tantinet musical, sur fond de reconstitution et du travail le plus "artificiel" en studio...Et pourtant, avec l'ensemble de sa filmographie présentée aujourd'hui, "New York, New York" apparaît comme un autre visage du cinéaste, mais dont il serait faux de vouloir différencier de ses oeuvres précédentes (et suivantes d'ailleurs)... Car si le cinéaste, à cette époque, pouvait surprendre dans ce genre (le mélodrame "musical"), c'est qu'on a vite oublié qu'il avait signé un autre mélo, influencé par Douglas Sirk, Stahl (entre autres), le très intéressant "Alice doesn't live here anymore" et que ce film est un moyen pour rendre hommage à ses maîtres tout en se posant dans le cinéma contemporain des années 70...Si le cinéaste arrive à filmer remarquablement les numéros musicaux, il parvient également à signer une histoire d'amour à la fois euphorisante et cruelle, où les séquences de dispute participent activement à sa direction d'acteurs particulière. Ainsi on a droit à un mélange singulier de personnages habillés dans des costumes hollywoodiens somptueux, dans des décors de studio, mais avec un jeu moderne, frontale, instinctif (surtout De Niro). Le qualificatif que j'entends le plus avec ce film est "malade"... Pour ma part, ce terme vient de ce mélange pas si courant... Mais la grâce de la mise en scène, la puissance des sentiments, le tandem fabuleux (Liza Minnelli n'a absolument pas à rougir face à son bouillant et inspiré partenaire) me fait considérer ce film comme une oeuvre majeure du cinéaste, digne des oeuvres dont ils s'inspirent et profondément nostalgique...
  • NETWORK (1976)
    Si je puis me permettre, je vous trouve un peu dur avec "Network". Le film de Sidney Lumet est une oeuvre majeure de sa filmographie, à la mise en scène incroyablement rigoureuse.Lumet, aidé par un scénario brillant de Chayefsky, pose différents niveaux de lecture à travers un classicisme impressionnant, passant du clinique au grotesque, du réalisme à l'onirisme (plus proche du cauchemardesque), du psychologique au romanesque.Une des grandes forces de ce film sans concessions, intelligent et pourfendeur, c'est qu'il fonctionne toujours dans sa forme (le style de Lumet ne vieillit pas) et dans son fond (la télévision d'aujourd'hui, ah ben oui c'est pareil).L'ensemble bénéficie, en outre, de comédiens remarquables (ils le sont tous sans exception) et d'un esprit visionnaire admirable.
  • LE JUGE ET L'ASSASSIN (1975)
    Tavernier prouvait, si besoin est, que le cinéma hexagonal est capable de proposer un beau spectacle, mêlant petite et grande Histoire. Ce n'est pas un niveau de l'action et de la pyrotechnie que le film gagne ses galons de spectaculaire, mais dans sa puissance visuelle. Un Cinemascope magistralement utilisé, où les paysages sublimement photographiés et le placement des personnages dans le cadre s'entremêlent avec brio. Le style du classicisme, la marque de fabrique de la mise en scène de Tavernier, empêche le film de vieillir. De plus, le scénario est implacable et les comédiens prodigieux. Chef-d'oeuvre !
  • VOL AU-DESSUS D'UN NID DE COUCOU (1975)
    C'est le second film de Milos Forman aux USA, produit par Michael Douglas, qui a donc eu un Oscar du meilleur film, avant celui de meilleur acteur pour le "Wall Stree"t d'Oliver Stone. Ce qui me frappait dans ce film, c'est que le microcosme de cet établissement psychiatrique est filmé comme un ghetto ou un goulag, enfermant par conséquent un régime totalitaire.De plus, ce film est l'occasion de voir apparaître un thème qui animera les films à venir de Forman : celui de filmer des fous !Jack Nicholson est immense, dominant des seconds rôles qu'on aime tous : Louise Fletcher, Danny De Vito, Christopher Lloyd, Brad Dourif, Scatman Crothers.C'est un chef-d'oeuvre absolu, à la mise en scène parfaite.Forman adopte un classicisme de toute beauté où chaque plan, chaque rouage est pensé avec une rigueur narratrice et dramaturgique de toute beauté.
  • TAXI DRIVER (1975)
    Tout d'abord, le montage du film, ainsi que la structure du récit, se basent sur l'accumulation ou juxtaposition des situations, effectivement. Cependant, les enchaînements de séquence montrent une volonté de lenteur sans cesse menacée par la rapidité de l'agissement. Agissement dans son sens propre, celui de la concrétisation d'une violence retenue quasiment sans cesse. Du coup, je ne conçois pas cet aspect "brut de décoffrage" évoqué... Dans la cohérence du parcours de Bickle réside beaucoup de situations qui semblent incohérentes entre elles mais qui désignent inévitablement le résultat d'une addition singulière, rendue plus tangible par la totale subjectivité de cet antihéros tellement connecté par les maux d'une ville tentaculaire. Le film devient réellement organique dans son utilisation de la lumière (qu'elle soit nocturne ou diurne), dans ses décors glauques d'appartement, de couloirs, de chambres proxénètes, mais pas nécessairement dans son montage... Les liaisons entre les séquences sont travaillées pour que l'on ressente, je pense, un sentiment déconcertant, navigant entre plusieurs rencontres proposant chacunes une des failles de l'être humain. Tout ceci rendant vastes les péripéties plus ou moins psychologiques que contient la voie de Travis... Mais le caractère du carnage final témoigne que tout ceci forme irrémédiablement un tout, et le fait que cela se traduit autant par un mari trompé, une prostituée, une déception amoureuse ou le traumatisme vietnamien rendent le film beaucoup plus fort, intéressant et toujours complexe...Et puis, il ne faut pas oublier que le tableau "manichéen" est surtout le point de vue déformé par la psychose d'un personnage tout sauf net, quasiment fascisant, raciste, asocial, pas très intelligent, insomniaque et expéditif. Le "manichéisme" est relatif car il se définit que par ce que le personnage voie ou ressent. Or le spectateur peut se détacher de ce personnage pour comprendre ses faits, ses gestes et ce qu'il pense des autres gens qu'il croise. Ainsi la notion du Bien et du Mal est ce qui fait la moelle de Travis Bickle...Pas simplement et seulement un discours sur la folie, mais sur les maux de l'Amérique influençant des êtres aux contours ambigus, à la recherche de rédemption ou étalant une sorte de parcours de martyr et/ou christique, même si Travis est à la fois martyr et bourreau. La peinture des affres du protagoniste ne se réduit pas, à mon humble avis, qu'à une accumulation... C'est aussi la peinture d'un être solitaire, où la thématique antonionienne (une influence indéniable de Scorsese) de l'incommunicabilité trouve une sorte de modèle de caractérisation et que chaque tranche de vie montrée de Bickle montrée dans le film est aussi une vision kaléidoscopique d'une certaine culture, mais constamment "décalée" par les yeux du Taxi Driver... Dans les accumulations, il y a des choix de mise en scène qui n'appartiennent plus à la subjectivité du héros. Je prends comme exemple la séquence où Bickle téléphone à Betsy pour s'excuser et tenter de la revoir : dans la subjectivité du héros, on prend un des "motifs", pour reprendre ton terme, qui consiste à voir la frustration directe du personnage (la déception amoureuse se construit concrètement), la mise en scène de Scorsese est focalisée assez souvent sur son personnage, sur ce qu'il voit, ce qu'il ressent. Or, pendant cet appel, la caméra décide de se déplacer dans un intrigant travelling latéral gauche-droite qui se finit dans un couloir pendant de longues secondes. Non seulement, la mise en scène s'éloigne, comme par pudeur, à ce moment de pathétique pour montrer visuellement l'aire de solitude dans lequel se trouve Bickle, mais elle anticipe le parcours du héros dans ce volume spatial pour montrer son fourvoiement...Avec des moments comme ce dernier, je ne vois pas très bien une simple accumulation de motifs. Il y a donc quelques variations dans ce film, à tel point qu'il se définit également par des sursauts visuels et/ou narratifs (la séquence de danse entre Sport et Iris, la séquence centrale de la "légitime défense" dans l'épicerie). C'est un récit quand même déstructuré qui fonctionne comme une mosaïque ou plutôt un puzzle tentaculaire et qui ne souffre pas, à mes yeux, d'une forme superficielle et mécanique, mais qui atteint son pouvoir d'évocation par l'ambiguïté d'identification que l'on éprouve pour Bickle, mais également par ses déviations soudaines et impromptues, qui s'ajoutent à l'addition de motifs amenant à la catharsis, dans laquelle se suit une fin qui a déjà donné de nombreuses interprétations totalement différentes...
  • LES DENTS DE LA MER (1975)
    On dit que le blockbuster est véritablement né avec "Jaws". Conformément, car le film a été un carton pendant les vacances d'été. Ce terme de blockbuster, s'il n'a rien de déshonorant, contient toujours ce quelque chose de péjoratif dans le sens où certaines personnes l'assimileraient volontiers à un film spectaculaire mais impersonnel.Or, ce procès n'a pas lieu d'être. "Jaws" est spectaculaire, efficace, mais il est indéniablement un film d'auteur, beaucoup plus riche que sa réputation veut bien y faire croire, profond et intimiste, engagé et terrifiant.Malgré un tournage difficile (l'eau est toujours un problème, les effets spéciaux ne fonctionnaient que rarement, les dépassements de budgets et de temps...), le film en ressort grandit précisément grâce à sa conception chaotique et à l'habileté remarquable avec laquelle Spielberg va jongler avec les outils cinématographiques.Le début du film est mythique : une femme, après avoir dragué un jeune baba cool, décide de se faire un bain de nuit, pour ensuite se faire dévorer.La violence suggérée de cette séquence est d'une telle efficacité, que le film nous montre déjà que l'inconnu et l'invisible sont la source d'une peur accrue, puissante et dévastatrice, un ultime cauchemar avant de mourir.La perversité est de mise, car il s'agit d'un "acte sexuel" démesuré, anthropophage et primaire. Sexe et violence s'accumulent en une seule séquence. Dès lors, on comprend de suite que le monstre va être l'incarnation psychanalytique ou métaphorique des émotions humaines qui tentent de se déployer sans être stoppées par la systématisation culturelle dans ce qu'elle a de plus inconsciente.Le film est donc scindé en deux parties, une première politique et sociale.Brody est l'Américain ordinaire que Spielberg a souvent évoqué dans ses films qui va se retrouver dans une situation extraordinaire. C'est un homme fuyant la violence quotidienne pour s'apaiser, pour ne plus douter.Spielberg en profite bien entendu pour mettre en place la thématique de la famille. Brody se heurte au conservatisme et au capitalisme aussi carnassier que le grand requin blanc. Le message est évident : la culture est impuissante face aux forces de la nature, surtout quand on ne prend pas soin de bien l'étudier. Le portrait de l'Amérique posé par Spielberg est bien sans issue. Il faut la démonstration de force du requin pour que les choses s'accélèrent. Chaque attaque du requin est une sorte de signe divin pour que les actes se concrétisent. En un sens, chaque attaque est une étape expéditive qui nous fait comprendre l'insoutenable.Et c'est quand la thématique de la famille rejoint le capitalisme ambiant, grâce à la présence démoniaque du requin que Brody décide de prendre les choses en main.La seconde partie commence, la plus passionnante, riche, complexe.Trois individus, trois moments de l'Histoire, trois classes. Les U.S.A. !L'affrontement titanesque entre la Nature et la Culture, selon la dualité philosophique en question, forme une des plus passionnantes traques de l'histoire du cinéma.Et Spielberg de proposer une mise en scène constamment tendue, avec quelques plages d'humour, mais formidablement vivante.Les moments spectaculaires sont terrassants, mais les moments intimistes ne le sont pas moins. Les personnages, qui représentent un maillon sociétal, prennent une épaisseur, nous rendant compte du poids que le rapprochement humain contient. La Seconde Guerre Mondiale pointe pour la première fois son nez dans le cinéma de Spielberg, dans la superbe séquence où Quint (excellent Robert Shaw) rapporte à Brody (excellent Roy Scheider) et Hooper (Richard Dreyfuss... excellent) le terrible calvaire qu'il a enduré avec des milliers d'hommes lorsqu'ils étaient en plein milieu du Pacifique, infesté de requins. Cette séquence illustre bien l'idée que les maux de la nature sont bien intemporels.La mise en scène de Spielberg est inventive de bout en bout. Choisissant finalement la suggestion et les apparitions furtives, il donne à voir le monstre par procédés, un aileron, une ombre, la surface de l'eau troublée, un corps de squale passant rapidement devant la caméra, une lumière clignotante, un baril, afin de rendre compte du côté véritablement fantastique du film."Jaws" est un modèle de film fantastique, le suspense est à son comble, les personnages sont épais et le "surnaturel" est un miroir pour pouvoir parler de l'Humain.
  • CHINATOWN (1974)
    Après des agitations extrêmement difficiles dans la vie de Polanski (qu'elles soient privées ou artistiques), Jack Nicholson propose au cinéaste de mettre en scène un scénario original de Robert Towne. Polanski va mettre tout son talent iconoclaste et sa force dérangeante dans une réincarnation du film noir, avec la puissance de la couleur.Avec cette oeuvre, il va y avoir une nouvelle étape dans la définition du film noir. Polanski va proposer un modèle qui rend bellement hommage à un genre prolifique tout en le transcendant d'un bout à l'autre.Il va apporter une intrigue déjà noire dans la chaude lumière californienne, tout en prolongeant une vision vertigineuse de la pourriture humaine, avec une panoplie terrifiante de toutes sortes de violences imaginables.On part d'une petite affaire de trafic d'eau pour que l'on se retrouve en face d'histoires de crimes sordides, psychanalytiquement éprouvants.La mise en scène s'approprie chaque séquence pour nous amener à la découverte d'un monde infernal, ce qui rapproche finalement le genre des grandes préoccupations du cinéaste depuis le début de sa carrière.Une autre originalité que le film porte est celle qui est d'ordre de la mise en abîme de la violence sanglante : le personnage de Gittes se fait régler son compte par des gangsters (une récurrente dans le genre), mais le truand qui le fait saigner est interprété par Roman Polanski et l'on peut y voir une volonté de contrôle sur le protagoniste de son histoire. En "saignant" son comédien, Polanski se substitue au morceau de sparadrap que portera le détective tout au long de son métrage, faisant apparaître ainsi une présence omnisciente et démiurge."Chinatown" est donc une peinture fine et subtile des maux d'un monde déréglé, que seul le Créateur, par le biais du cinéma, peut contrôler.Marqué par une fatalité coutumière du genre, le film est porté par une interprétation magistrale, une violence sèche et abrupte, une mise en scène et une photographie en adéquation totale et une narration dense, puissante, délétère, harmonieuse et scandée d'éclats poétiques.Chef-d'oeuvre !!!
  • MEAN STREETS (1973)
    Au moment de la sortie de "Mean Streets", Scorsese était déjà un auteur intéressant, avec des films (courts ou longs) qui portaient une certaine autonomie, un vrai regard et une authentique liberté de ton. Mais c'est bien ce film qui va marquer un jalon important dans la filmographie de Scorsese. Car tout, de l'utilisation des musiques préexistantes à la mise en place de la violence ou encore de l'aspect religieux, va trouver enfin une harmonie véritable qui confère encore aujourd'hui au film toute sa puissance.Le film apparaît comme une chronique tragique, à la narration opératique, qui se soucie autant d'un point de vue documentaire que du pittoresque de personnages crédibles. La fatalité inexorable du film est à la fois absurde et tout à fait évidente.La mise en scène de Scorsese est constamment inventive (en témoignent l'ouverture du film ou la baston dans la salle de billard avec un travelling à l'épaule impressionnant) et utilise magistralement le symbolisme des couleurs lors des éclairages. Le film se suit sans temps morts, grâce à la force des personnages. Il est inutile de l'écrire, mais je le fais quand même : les comédiens sont géniaux et apportent force au récit. Que ce soit Harvey Keitel ou l'explosif Robert De Niro, les personnages sont crédibles, vivants et incroyablement touchants.Il est important de mettre "Mean Streets" sur un piedéstal. Le génie de Scorsese y fait véritablement son apparition, à travers une oeuvre singulière (on n'avait jamais vu de film comme ça auparavant), personnelle et absolument remarquable d'intensité.
  • LA NUIT DU CHASSEUR (1955)
    Il est assez difficile d'aborder et d'expliquer un film comme "The Night of the Hunter". Sa conception et sa genèse elles-mêmes demeurent assez mystérieuses. Charles Laughton, un des plus grands comédiens britanniques de tous les temps, décide de passer derrière la caméra, en adaptant un roman obscur de Davis Grubb. Si l'on suit le système du classement, on serait embêté puisque l'oeuvre ne se laisse pas facilement entrer dans une catégorie précise. En effet, "The Night of the Hunter" est à la fois un thriller, un conte, une fable philosphique, une comédie, un film fantastique, un film d'horreur, un drame psychologique, une satire de la religion, un road-movie, un film d'aventures, un western. Bref, un film somme en un seul coup.Pourtant, Laughton donne une indication évidente dès le début de son film. Un ciel étoilé d'où émerge Rachel, la protectrice des enfants qui raconte aux enfants tout simplement une histoire. Et quand on sait que Rachel est interprétée par Lilan Gish, autrement dit une des meilleures et des premières grandes comédiennes du muet, ayant été l'actrice fétiche du père de la narration cinématographique (David Wark Griffith), on se dit que l'une des profondes thématiques de Laughton est de combiner toute une culture cinématographique.Donc, en premier lieu, The Night of the Hunter est une oeuvre incroyablement cinéphile, mais sans que les références se fassent lourdes ou forcément visibles. Pêle-mêle, on y sent l'influence de Griffith, de Murnau, de James Whale, de Jacques Tourneur, de Welles, de Ford, de Renoir, de Lang, de Gance, d'Eisenstein et plein d'autres. Laughton tente et arrive brillamment à digérer tous ses grands noms pour donner une oeuvre unique, dans tous les sens du terme.Visuellement, le film est d'une beauté époustouflante, avec une science de la photographie, du cadrage, du placement des décors. Scénaristiquement, le film arrive à aviver une narration harmonieuse, dont la succession émotionnelle est inventive et originale. On passe sans transition d'une séquence comique à une terrifiante, d'un mode léger à un mode terrifiant.C'est un film qui donne une part extraordinairement puissante à ses personnages principaux. Le tueur Harry Powell (un Mitchum génial de bout en bout) est une incarnation de tous les maux du monde. Il représente le fanatisme religieux (qui est notre mal le plus dangereux de notre actualité), la frustration sexuelle (son couteau est un phallus évident), l'absense paternel, l'arrivisme (il poursuit les enfants pour de l'argent), l'usurpation identitaire, le viol fantasmé, le monstre (regardez bien la séquence où il poursuit les enfants dans l'escalier du sous-sol, son allure évoque carrément Boris Karloff dans Frankenstein), l'ombre des ténèbres (beaucoup de plans en contre-jour et des ombres menaçantes), l'incommunicabilité, la manipulation des foules, une société malade.Pour contrecarrer cette inéluctable personnification du mal, Laughton choisit Lilian Gish (extraordinaire), pleine de bonté et d'amour, d'une sévérité toujours bien placée. C'est l'ange tombé du ciel, celle qui a le meilleur rôle puisque c'est elle qui raconte des histoires.Il vaut voir avec quelle intelligence cinématographique Laughton réussit à mettre en scène la dualité entre le Bien et le Mal. Ce sont deux forces qui se comprennent et qui se répondent, qui peuvent être même en osmose comme en témoigne ce magnifique plan où Rachel chante en avant-plan la complainte religieuse qu'entonne Harry Powell, en arrière-plan, "Lean on Jesus".Et entre ces deux personnages totalement symboliques se trouvent John et Pearl, deux enfants innocents dont Powell a rencontré le père (joué par Rupert Graves alias Phelps dans Mission : Impossible), ce même père qui a fournit accidentellement l'adresse du magot. Powell qui a réussi à embobiner la mère pour lui réserver un sort terrible (la séquence du cadavre de la mère sous l'eau a imprégné tous les cinéphiles).Ces orphelins de la route vont traverser des épreuves dont l'influence majeure sera tout de même le conte littéraire. John et Pearl sont deux petits Poucets que l'ogre veut "manger", et ils traversent les rivières (séquence d'anthologie) avec tout un bestiaire dont chaque animal a une signification culturelle.Bref, "The Night of the Hunter" est une oeuvre trop riche et inépuisable. Mon modeste avis ne donne pas justice à ce monument du cinéma, qui restera le seul et unique film de Laughton (aidé par Terry Sanders et Robert Mitchum à la rélisation), mais c'est définitivement une oeuvre à voir ou à revoir indéfiniment.
  • PENDEZ-MOI HAUT ET COURT (1947)
    Chef-d'oeuvre du genre et film noir qui réussit à pousser encore plus loin les récents archétypes du genre ("Le Faucon Maltais" de Huston, "Assurance sur la mort" de Wilder, entre autres). Notamment dans le portrait encore plus implacable de la femme fatale et de l'homme lucide et complètement désabusé, qui se compromet jusqu'au bout dans l'envoûtement provoqué par cette dernière. Tourneur y signe une mise en scène fabuleuse, au noir et blanc absolument magnifique. Robert Mitchum est génial !
  • LE CORBEAU (1943)
    "Le Corbeau" est un indiscutable chef-d'oeuvre ! Clouzot mettait effectivement en avant la nature de la délation qui s'appliquait fortement sous l'Occupation et crache au visage du spectateur un miroir d'une noirceur hallucinante !Ce qui est sublime dans le film, c'est la mise en scène en tous points remarquable de Clouzot, sachant faire vivre une galerie de personnages douteux en même temps que de raconter en cadrages prodigieux, en ambiances sonores sublimes et en éclairage très habile, une histoire absurde, qui n'exclut cependant pas l'amour sincère.Outre la qualité des dialogues et la justesse des comédiens, le film regorge de séquences d'anthologie (notamment une poursuite mentale d'une religieuse suspecte où le son de la foule devient terrorisant) et propose avec le recul une vision certes pessimiste mais surtout d'une grande lucidité et d'une superbe clairvoyance !Un des meilleurs films français de tous les temps !
  • LE FAUCON MALTAIS (1941)
    John Huston était un prolifique scénariste, qui avait fait ses classes chez Raoul Walsh, Michael Curtiz et autres cinéastes des années 30. Pour son tout premier film, il décide de réaliser une adaptation très fidèle du roman éponyme de Dashiell Hammett. Deux versions antérieures avaient été faites.Mais c'est bel et bien la version de Huston qui restera dans l'histoire du cinéma et dans la mémoire des cinéphiles et ce pour plusieurs raisons.La première en est le choix d'adaptation : n'hésitant pas à coller parfois mot pour mot les dialogues originels du livre et en respectant la trame de l'intrigue, Huston arrive finalement à rendre concis tous les rouages d'une enquête et à s'intéresser énormément à ses personnages. Effectivement, en s'attelant à la caractérisation des personnages, le film montre une caractérisation qui deviendra un archétype du genre, à savoir que le film noir se focalise plus sur les personnages que sur l'intrigue.Ainsi, la complicité entre Huston et son comédien principal (le grand Humphrey Bogart) participe étonnamment à une personnification définitive du détective au cinéma. En effet, le détective demeure un être à la limite de la légalité, quelqu'un d'aussi à l'aise avec les truands qu'avec les policiers, un indépendant qui se faufile entre les systèmes sociaux et administratifs, un symbole viril, qui apprécie la gente féminine, un être qui, sous les émotions, choisit la loi plutôt que l'amour, donc au service de la justice la plus pure et la plus idéale.Par cette approche totalement aboutie, "The Maltese Falcon" est donc considéré, à juste titre, comme une oeuvre capitale et primordiale pour le genre du film noir.Mais le film est également une leçon de mise en scène : ce qui est remarquable, c'est la manière dont John Huston, tout en se resserrant volontairement sur les différentes péripéties de son histoire, place ses personnags dans le cadre, toujours artistement composé, c'est-à-dire avec un vrai travail sur l'éclairage, sur les décors (souvent des lieux clos), sur les mouvements de caméra, sur le découpage, extrêmement précis.Huston ne laisse rien au hasard et calibre sa mise en scène, pour faire ressortir, en douceur, les errements psychologiques à la fois de son histoire mais également de ses personnages (avec une galerie de seconds couteaux géniaux, comme Mary Astor, Peter Lorre, Sydney Greenstreet ou Elisha Cook Jr).Et puis cette morale grandiose sur "l'étoffe dont sont faits les rêves", cette fatalité inéluctable propre au genre, qui montrent l'intelligence du cinéaste ainsi que son aisance pour peindre des individus, finalement plus intéressés par l'action que par le résultat de cette action.Un chef-d'oeuvre.
  • L'AURORE (1927)
    Pourquoi le film de Murnau est remarquable ? En partie, par ses jeux incessants sur les oppositions. Mais loin de s'éparpiller sur l'ensemble du métrage, chaque opposition est en fait un chaînon qui s'accorde avec les autres.Il y a bien entendu la domination du manichéisme. Bien et Mal s'affrontent dans toutes les composantes filmiques et profilmiques.Dans le profilmique, il y a la ville et la campagne, l'amour et la haine, la vie et la mort, le jour et la nuit, la brune et la blonde, les pensées et les gestes.Dans le filmique, il y a le soin du cadre; le prodigieux sens de l'espace, l'accord exceptionnel de la nature et de la culture, les plans fixes aux plans en mouvement, la vérité et la représentation de la vérité, le "son" et l'image.Toutes ses luttes se combinent harmonieusement dans ce pur diamant qu'est "Sunrise".Le jour et la nuit sont suffisamment éloquents dans le film pour être accessibles à cette qualité plastique.La séquence la plus significative du film est la plus célèbre assurément : la tentative de meurtre du mari envers sa femme au milieu de l'eau (symbole de la frontière ténue entre le bien et le mal, la ville et la campagne). Il sera incapable de remplir son contrat pactisant, car la séquence se déroule en plein jour, dans la clarté la plus totale. C'est la mise en place des éléments qui conduit aux faits des personnages.Si j'avais un synonyme pour qualifier le film, ce serait sublime.
Notes de GTT
(par valeur décroissante)
FilmNote
TREE OF LIFE (2011) 19 Voir la critique
TREE OF LIFE (2011) 19 Voir la critique