Il est si jouissif de comprendre un cinéaste et de percevoir dans sa filmographie une oeuvre qui regroupe absolument toutes ses thématiques, sans que l'une n'écrase l'autre. Elément rarissime, Spielberg écrit lui-même le scénario ce qui renforce encore plus l'impact intimiste originel du cinéaste et son emprise pure et dure sur son film."Close Encounters of the Third Kind" est un film de science-fiction merveilleux qui est un des points culminants du genre.Lorsque Roy Neary (THE personnage spielbergien) est le témoin actif d'une rencontre de premier type, sa vie ordinaire change.Resté dans l'âme un grand enfant, cet événement déclenche en lui une pulsion régressive, dans un sens non péjoratif, ce qui est remarquable ici.Plus le film avance, plus Neary choisit de rester dans son état d'enfance, profitant d'une vie de merveille et d'imagination, d'innocence et de découverte, bref la recherche volontaire de l'échappatoire vers quelque chose d'inconnu mais d'apaisant.L'enfance y est un sujet puissamment incarné dans le film et Spielberg le montre de plusieurs manières. Neary ne peut plus avoir les épaules pour diriger une famille (ce qui amène des séquences familiales d'une très grande violence morale et d'une terrible amertume éthique). Que dire du professeur Lacombe (joué par François Truffaut) qui, au-delà de l'exploit scientifique, cherche l'émerveillement enfantin de la communication dépassant les frontières. Et puis il y a concrètement l'enfant avec Barry, celui qui se fait "enlever" dans une séquence au suspense d'une redoutable efficacité. C'est bien connu l'inconnu fait peur au début et cette séquence culte en demeure une parfaite représentation. Enfin, ce sont les extraterrestres eux-mêmes qui choisissent de prendre la forme d'enfants mignons à craquer ; loin d'être niaise, cette forme répond avec une cohérence admirable à l'émerveillement de cet état de vie.La religion, ensuite, puisqu'on peut y voir une parabole mystique sur Moïse et les Dix Commandements, avec un travail époustouflant sur la lumière et sur les effets (spéciaux et visuels qui n'ont pas vieillis aujourd'hui encore).La présence de la Seconde Guerre mondiale, puisque l'énigme du film se concentre également sur cette page d'histoire et que seule la force créatrice du cinéma permet l'utopie de ramener des gens d'un conflit important aux yeux de Spielberg.La réussite relève véritablement du génie dans la mesure où tout se tient.La musique de John Williams devient un élément important de l'histoire, comme dans Jaws où la partition était le personnage du requin, puisqu'elle signifie universellement la communication qui permet la pacification.Quant à la mise en scène de Spielberg, elle est brillantissime, évoquant toutes les formes d'émotion avec un égal talent.Loin d'être un film gentil, "Close Encounters of the Third Kind est un film déprimé qui a besoin de l'outil cinéma pour croire et rêver, une évasion artistique dantesque dont Spielberg a besoin et a envie de partager.Il signe un chef-d'oeuvre profond, d'une grande complexité mais accessible à tous !