Dieu que je ne suis pas d'accord avec votre critique, même si je reconnais sans problème qu'on ne puisse pas adhéré au film en lui-même. De là à dire que c'est mauvais, c'est extrême. Avant de parler du film en particulier, je voudrais que c'était une de mes plus insolites expériences dans une salle de cinéma... Une queue monstre avant d'entrer, avec des adolescentes fans de Brad Pitt, des gamins de 8 ans en pagaille et mêmes des personnes s'attendant à un film d'action (si, si !!! Authentique !!!). Résultat, après dix minutes de film, au moins 40 personnes ont quitté la salle, avec des jets sur l'écran de bouteilles, des cris et des "C'est nuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuul". Passé cette introduction, le film. Malgré ce remue-ménage, j'avoue avoir également eu du mal à entrer dans le film lors des 10 premières minutes. Mais après, inexplicablement, j'ai été vite pris par une sorte d'hypnose cinématographique, qui m'a littéralement scotché et laissé bouche bée... Je suis sorti avec la sensation à la fois dérangeante et plaisante d'avoir vu une oeuvre extrêmement intime, une vision tellement personnelle de ce que l'on voit à l'écran que ce partage proposé par Malick m'a bouleversé. Il est inutile de le nier, le film est visuellement extraordinaire. Chaque plan est d'une méticulosité hallucinante. Il m'apparaît évident que les richesses de l'image sont innombrables et impossibles à les déceler entièrement, qu'il y en a beaucoup à dire. Lorsque Malick filme l'évolution de la vie, pour moi on atteint le pur cinéma : des images, un rythme musical savant et la profession de foi du film. Une séquence dans tout cela est particulièrement splendide (beaucoup la trouveront ridicule) : un espèce de raptor semble prendre pitié d'une éventuelle proie blessée. Moment troublant qui semble annoncé un parallèle avec ce que l'on verra plus tard dans le film (l'aîné des frères qui prend conscience de sa domination sur son cadet)... La vie du personnage joué par Sean Penn (qui se balade dans les architectures de New York) est mis en parallèle avec le milieu dans lequel travaillait son père (une industrie des années 50). Lors de son enfance, le père lui dit de ne pas suivre sa voie. Dès lors, on sait que la vie de Sean Penn est en train de se rater et le travail de réminiscence et de deuil qu'il se procure l'aidera probablement à comprendre à trouver une issue. "I do what I hate, se dit Jack enfant. Les plus beaux moments du film sont pourtant ce qui paraissent les plus simples. L'évolution de l'enfance de Jack se met donc en corrélation avec l'évolution de la vie. Choisissant évidemment une narration enchevêtrée et elliptique, Malick réfléchit sur une portion de vie, qui ne doit pas être éloignée de la sienne. Tout ce qui touche au cocon familial est, en ce qui me concerne, superbe. J'ai rarement ressenti et vu une telle justesse dans l'observation des comportements. On croit dur comme fer à la description de cette famille. Jack, bébé, en gros plans magnifiques, un travelling qui suit les premiers pas de l'enfant, les premiers balbutiements vocaux = amour exclusif. L'arrivée d'un frère = curiosité puis jalousie colérique, sublimement rendu dans ce film, je trouve... Les relations contradictoires du père avec ses trois enfants (en particulier avec Jack) sont également impeccablement croquées. Brad Pitt est exemplaire de sobriété et contraste bien avec la Mère, devenant volontairement une incarnation de Pureté, une image déifiée, une représentation de la Bonté, qui marque à juste titre les souvenirs de Jack.La simplicité est ici transcendée par la puissance des mouvements de caméra et me donne l'impression de voir ces séquences pour la première fois. Du coup, mon adhésion aide à être touché. Je prends comme exemple la séquence où Brad Pitt tient son fils par le cou et/où l'épaule : ils sont filmés de dos, la caméra les suit de manière fluide. On entend le fils renifler, il pleure car son père lui reproche qu'il a mal tondu la pelouse en lui montrant les endroits en question... Puis soudain, le gosse le serre dans ses bras. Bouleversant... La question paternelle est remise en question. Quand on a le travail, on est responsable et on se sent dominateur, quand on ne l'a plus, on se repentit car on sait qu'on n'est plus un modèle.Puis l'enfant Jack devient un adolescent, et la bifurcation comportementale se fait discrètement jusqu'à une petite séquence dont je ne dévoilerais pas le contenu, mais qui tient le spectateur en haleine, avec un sens du suspense aussi bref que magistral... Le dernier quart d'heure du film (à mon sens, le plus sur le fil) est, encore une fois à mes yeux, éblouissant, car cela atteint quelque chose que JE me suis déjà imaginé une fois atteint un certain âge : préserver l'image de mes parents, de mes frères et soeurs, à leur plénitude... C'est de ces moments que je considère "The Tree of Life" comme une oeuvre magnifique car elle renvoie à une vision totalement intérieure, entièrement personnelle, extrêmement intime... et dont je me sens proche... En tout bien tout honneur, je ne comprends pas comment on peut trouver cela mauvais ou à considérer le film comme tel, alors que j'accepte aisément qu'on déteste le film pour des raisons autres que cinématographiques.