John Huston était un prolifique scénariste, qui avait fait ses classes chez Raoul Walsh, Michael Curtiz et autres cinéastes des années 30. Pour son tout premier film, il décide de réaliser une adaptation très fidèle du roman éponyme de Dashiell Hammett. Deux versions antérieures avaient été faites.Mais c'est bel et bien la version de Huston qui restera dans l'histoire du cinéma et dans la mémoire des cinéphiles et ce pour plusieurs raisons.La première en est le choix d'adaptation : n'hésitant pas à coller parfois mot pour mot les dialogues originels du livre et en respectant la trame de l'intrigue, Huston arrive finalement à rendre concis tous les rouages d'une enquête et à s'intéresser énormément à ses personnages. Effectivement, en s'attelant à la caractérisation des personnages, le film montre une caractérisation qui deviendra un archétype du genre, à savoir que le film noir se focalise plus sur les personnages que sur l'intrigue.Ainsi, la complicité entre Huston et son comédien principal (le grand Humphrey Bogart) participe étonnamment à une personnification définitive du détective au cinéma. En effet, le détective demeure un être à la limite de la légalité, quelqu'un d'aussi à l'aise avec les truands qu'avec les policiers, un indépendant qui se faufile entre les systèmes sociaux et administratifs, un symbole viril, qui apprécie la gente féminine, un être qui, sous les émotions, choisit la loi plutôt que l'amour, donc au service de la justice la plus pure et la plus idéale.Par cette approche totalement aboutie, "The Maltese Falcon" est donc considéré, à juste titre, comme une oeuvre capitale et primordiale pour le genre du film noir.Mais le film est également une leçon de mise en scène : ce qui est remarquable, c'est la manière dont John Huston, tout en se resserrant volontairement sur les différentes péripéties de son histoire, place ses personnags dans le cadre, toujours artistement composé, c'est-à-dire avec un vrai travail sur l'éclairage, sur les décors (souvent des lieux clos), sur les mouvements de caméra, sur le découpage, extrêmement précis.Huston ne laisse rien au hasard et calibre sa mise en scène, pour faire ressortir, en douceur, les errements psychologiques à la fois de son histoire mais également de ses personnages (avec une galerie de seconds couteaux géniaux, comme Mary Astor, Peter Lorre, Sydney Greenstreet ou Elisha Cook Jr).Et puis cette morale grandiose sur "l'étoffe dont sont faits les rêves", cette fatalité inéluctable propre au genre, qui montrent l'intelligence du cinéaste ainsi que son aisance pour peindre des individus, finalement plus intéressés par l'action que par le résultat de cette action.Un chef-d'oeuvre.