Au moment de la sortie de "Mean Streets", Scorsese était déjà un auteur intéressant, avec des films (courts ou longs) qui portaient une certaine autonomie, un vrai regard et une authentique liberté de ton. Mais c'est bien ce film qui va marquer un jalon important dans la filmographie de Scorsese. Car tout, de l'utilisation des musiques préexistantes à la mise en place de la violence ou encore de l'aspect religieux, va trouver enfin une harmonie véritable qui confère encore aujourd'hui au film toute sa puissance.Le film apparaît comme une chronique tragique, à la narration opératique, qui se soucie autant d'un point de vue documentaire que du pittoresque de personnages crédibles. La fatalité inexorable du film est à la fois absurde et tout à fait évidente.La mise en scène de Scorsese est constamment inventive (en témoignent l'ouverture du film ou la baston dans la salle de billard avec un travelling à l'épaule impressionnant) et utilise magistralement le symbolisme des couleurs lors des éclairages. Le film se suit sans temps morts, grâce à la force des personnages. Il est inutile de l'écrire, mais je le fais quand même : les comédiens sont géniaux et apportent force au récit. Que ce soit Harvey Keitel ou l'explosif Robert De Niro, les personnages sont crédibles, vivants et incroyablement touchants.Il est important de mettre "Mean Streets" sur un piedéstal. Le génie de Scorsese y fait véritablement son apparition, à travers une oeuvre singulière (on n'avait jamais vu de film comme ça auparavant), personnelle et absolument remarquable d'intensité.