Critique(s)/Commentaire(s) de ELIE ELIE

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  • L'ÂGE DES POSSIBLES (1995)
    L'opus 2 de Pascale Ferran n'est malheureusement (et malgré quelques jolies scènes, mais on enreste là) qu'un exercice pour promo d'élèves comédiens. très surfait parla critique et surcoté par nombre de cinéphiles auxquels on accordera la générosité de leur regard nourrie sans doute d'absence de recul.
  • BABY BLOOD (1989)
    Parce que la grosse Yanka (qui, assurément, détonne par rapport au modèle standard) dort sans ceinture de chasteté, il lui arrive une mésaventure pas du tout ragoutante, du genre "Possession" (Zulawski, vous connaissez...) mais en pire. La Yanka en question semble faire contre mauvaise fortune bon coeur ce qui n'est pas forcement le cas du spectateur. Le réalisateur, visiblement, n'a pas froid aux yeux. Le ketchup gicle à jets continus. Il y en a assurément trop pour faire passer la sauce. Dommage, car les premières minutes promettaient nettement meilleur spectacle.
  • GRANDMOTHER (1976)
    Inquiétant jusqu'au malaise, ce court métrage ouvre d'intéressantes perspectives sur une personnalité torturée, déchirée par une enfance où la part de refoulement a sans doute son importance. Ce petit film, violent, bestial, crie littéralement d'amour refusé, et l'enfant "s'enfante" sa grand-mère comme s'il voulait s'inventer de nouveaux parents, comme s'il tuait ses parents naturels. Et la grand-mère, c'est déjà la mort, la putréfaction. Voilà un cinéaste (je n'ose déjà parler d'auteur) bien parti pour un ego-trip de longue haleine.
  • LAWRENCE D'ARABIE (1962)
    Il y a certes un grand intérêt à porter à l'écran un héros aussi ambigu (tant idéologiquement que moralement), mais le film reste quand même et nettement une épopee colonialiste un peu longuette. Les Arabes y sont dépeints comme un ramassis de tribus ignorantes s'entredéchirant et vivant avec fatalisme le joug turc. Il faut qu'un Occidental s'en mêle pour qu'ils se réveillent enfin de leur sommeil et s'unissent. Quant à Lawrence, figure christique, messianique, c'est carrément le Willem Dafoe de l'époque ! PS. : Il faut quand même le souligner, les dialogues sont superbes.
  • NOTRE HISTOIRE (1984)
    Un film fait pour Alain Delon, qui devait l'aider à changer de créneau. Hélas, Delon joue tellement mal qu'il en est ridicule. Après vingt ans de polars, ses traits ont pris trop de mauvais réflexes. Quel gâchis ! Autour de Delon et de Nathalie Baye (barbante), le film ne manque pas d'intérêt mais moins pour son histoire (à coucher dehors) que pour sa structure (et là, on reconnaît bien Blier). Ainsi, les personnages fabriquent eux-mêmes leur histoire, comme s'ils posaient eux-mêmes les rails devant le train (hésitant) qu'ils conduisent si vous me permettez la métaphore. Et à propos de métaphores, saluons les bonnes trouvailles des dialogues.
  • LES AILES DE LA COLOMBE (1997)
    L'oeuvre de Henry Miller se laisse volontiers transposer au cinéma. Le travail est ici rondement mené : une mise en scène classique s'appuyant sur une adaptation intelligente, une lumière sensible, un jeu d'acteurs impeccable. C'est du bon boulot de mise en scène au service, humblement mais passionnément, d'une oeuvre littéraire. Le film n'a ni le ton personnel, ni la flamboyance du magnifique "Portrait of a Lady" de Jane Campion, mais ceci n'obère en rien ses qualités (psychologiques, narratives, plastiques) ni l'émotion profonde et la sensualité tragique qui l'habitent et qu'il parvient à communiquer de bout en bout au spectateur. Helena Bonham Carter, quant à elle, n'a rien perdu de son charme mélancolique. On notera enfin le retour, discret mais quelle composition solide ! , d'Elizabeth McGovern.
  • TASIO (1984)
    Le cinéma espagnol excelle dans la déscription du monde rural, si totalement escamoté de ce côté-ci des Pyrénées. Sur un beau et littéraire scénario, Armendariz signe une chronique sobre, pudique et émouvante, quoique non dépourvue d'une candeur tellement ibérique. Le réalisateur a beaucoup de tendresse pour ses personnages et, cela se confirmera dans ses films suivants, il est très attentif à ces moments, les plus profonds, comme ceux qui s'agitent en surface, qui animent l'Espagne, socialement comme dans ses identités régionales (ici le pays basque).
  • LA COURSE DE BROADWAY BILL (1934)
    Ce film aurait sans doute eu un autre destin s'il avait été interprété, comme initialement prévu, par le duo Clark Gable / Claudette Colbert, avec lequel Capra venait de tourner « New York- Miami » film gentil et sympa, dans la lignée des grands Capra, humaniste, un tantinet naïf et un chouia conservateur, avec un zeste d'esprit rebelle.
  • LES FEMMES DE LA NUIT (1948)
    Peut-être le film le plus ouvertement "féministe" de Mizoguchi, une oeuvre par ailleurs esthétiquement très intéressante : extérieurs (néo)réalistes et intérieurs expressionnistes. Avec un épilogue d'un christianisme échevelé (sacrificatio et travelling ascendant sur vitrail de la vierge à l'enfant). Et comme toujours chez Mizoguchi, une interprétation superbe.
  • ACTE DU PRINTEMPS (1962)
    Un sujet aride, pour "spécialistes", observateurs de la foi ou autres ethnologues. Cependant, les profanes ne manqueront pas, comme moi, de se sentir touchés par la foi de ces récitants, gens simples et totalement pris dans leur représentation annuelle de la Passion du Christ. Cette Passion est retransposée ici dans la simplicité pastorale de sa représentation, sans le lyrisme de la Passion pasolinienne, ni la grandiloquence torturée de la Tentation scorsesienne. La fin du film remet cette Passion dans un brûlant contexte d'actualité guerrière (images d'archives), qui fait songer aux Communiants de Bergman. Derriere Pasolini, Scorsese, Bergman ou encore Dreyer, Bresson et autres Cavalier, de Oliveira reste un inconnu parfait. Il ne faudrait cependant pas l'oublier dans toute analyse autour de ce sujet, qui ne devrait pas manquer d'inspirer les cinéastes d'aujourd'hui. On a vu hier l'oeuvre d'Arcand, verrat-on demain celle d'un Rohmer ? J'en fait, en tout cas, le pronostic (et le voeu).
  • TOUT L'OR DU MONDE (1961)
    Comédie bien française, facile jusqu'à la niaiserie, où Bourvil récupère un rôle "à la Fernandel". Et lorsque les "mauvais garçons" (Noiret et Rich, très poupons) semblent triompher, une pirouette (via le symbolique coup du chapeau qui dévale la pente pour signifier la mort du "méchant" entrepreneur) redonne le dernier mot à la morale : non à l'envahissement touristique qui dénature les lieux innocents. Oui, bon... sympa (si on veut être gentil), mais c'est bien dommage pour René Clair, qui a fait beaucoup mieux, et c'est dommage aussi pour un film qui avait bien démarré avant de trébucher sur ses gags faciles.
  • LA CHRONIQUE D'ANNA-MAGDALENA BACH (1968)
    Un alignement de plans fixes (sans originalité quelconque) représentant des exécutions orchestrées de partitions du regretté Johann Sébastian, reliés par un texte incompréhensible (tellement sa lecture monocorde est soporifique, à croire qu'on a voulu à dessein, mais lequel "tuer le texte") relatant la biographie du maître. Sur le plan cinématographique, ce film, comme d'autres oeuvres du tandem Straub-Huillet ("Leçons d'Histoire", "La fiancée, la comédienne et le maquereau", etc. ) ne représente aucun intérêt.
  • MAICOL (1987)
    Quel ennui ! Au bout d'une demi-heure, soit le tiers du film, absolument rien ne s'est encore passé. Ni dans la vie de la mère (que l'on voit dans ses taches et son ennui quotidien), ni sur l'écran, désespérement morne. C'est là que je suis descendu de la rame pour une ligne plus attrayante.
  • LE MARIN QUI ABANDONNA LA MER (1975)
    Le roman de Mishima ne pouvait être adapté que par un Japonais, un Allemand (tendance "Les désarrois de l'élève Toerless") ou un Britannique (tendance "Le seigneur des Mouches") éducation perverse oblige. C'est donc ici un Britannique... et il ne s'en tire pas si mal, si tant est que le roman était déjà si concentré et si rigoureux qu'il était difficile de quitter sa fascinante orbite. Que le réalisateur a bien senti le livre, on le voit à son casting (ce sont vraiment les acteurs qu'il fallait). En revanche, le style pèche par une esthétique télé la plus plate (gros plans constants et injustifiés, sur les visages comme sur les objets), par ses fondus-enchaînés à gogo et par ses choix d'angles incongrus et complaisants (les ébats du couple, prétendument observés par le fils). En somme, une adaptation honnête, mais qui vaut avant tout par son matériau de départ : le roman de Mishima.
  • LES ILES (1982)
    Plus qu'un film, un poème. Un hymne à la terre (éternelle), d'une lumière superbe et traversé de beaux mouvements de caméra.
  • LA FEMME DE ROSE HILL (1989)
    Voila un Tanner qui ne laissera pas un souvenir impérissable. L'histoire est improbable et dramaturgiquement faible. Il faut beaucoup de bonne volonté pour croire à ce que nous raconte le cinéaste, dont le seul mérite est d'avoir déniché une actrice au sex-appeal ravageur et d'avoir laissé Ecoffey s'assagir, hélas seulement jusqu'à mi-film. Mais ce sont là bien maigres satisfactions. Tanner est fatigué.
  • UN ROI A NEW YORK (1957)
    "Le film d'un homme libre" avait dit Rossellini. En effet, et qu'ajouter à ce jugement si juste ? "UN ROI A NEW YORK", une allégorie de la propre situation de Chaplin et le regard que porte un exilé du maccarthysme sur l'Amérique tel qu'elle est devenue. Regard sarcastique, à la fois dur et drôle. Sur le cinéma, par exemple : il faut avoir vu défiler ces bandes-annonces qui tournent en dérision les divers genres prisés par Hollywood et par le public (le policier, le mélo, le western, avec cette dernière pique à la panavision (écran large), où l'on voit le Roi et son secrétaire, comme tout le public, suivre le duel entre les deux cow-boys comme s'ils regardaient une partie de tennis (on connaît ce mouvement de la tête caractéristique...) Sur les médias, ensuite : corruption des hommes par la publicité, l'argent, et l'attrait de l'apparition à l'écran, disparition du sens du ridicule. Sur la jeunesse : la truculente visite à l'école "modèle". Sur le maccarthysme et l'aveuglement idéologique de l'Amérique : auditions de commissions, condamnations iniques et lavage de cerveau. Regard sarcastique et aussi regard désabusé, celui d'un homme arrivé au bout de son parcours, d'un parcours libre et digne, le parcours d'un très grand.
  • PLATOON (1986)
    Vous avez dit "guerre du Vietnam" ? Oh pardon, j'ai bien cru voir un western. Un western qui se serait déroulé dans une jungle tropicale, où les (méchants) Indiens auraient de (méchants) yeux bridés et où ils seraient (justement et héroïquement) massacrés à l'arme lourde. Le comble, on l'atteint à la fin : cette guerre n'était qu'un combat contre nous mêmes, à la recherche de notre âme (sic). Et les Viets, bordel ! Pourtant, il paraît que Stone y était, au Vietnam. Ce film est alors l'illustration de ce triste constat : l'armée abrutit et la guerre pourrit. sans grade).
  • INDIA SONG (1974)
    En faisant de l'anti-cinéma, la Duras a reculé les limites du cinéma. INDIA SONG est un film immense. Immense comme l'océan de bonheur dans lequel il plonge son témoin (appelons-le "spectateur"). Mais aussi une oeuvre exigente, rigoureuse et sévère. C'est avec des oeuvres de ce genre que le cinéma mérite sa dénomination d'Art (7ème).
  • AU BONHEUR DES DAMES (1943)
    Dominée par la prestation superbe (comme toujours) du géant Michel Simon, une adaptation honnête de l'oeuvre de Zola. Les scénaristes ont élagué avec discernement. En revanche, la réalisation pèche par la prédilection de Cayatte pour les clairs-obscurs. Ceux-ci sont envahissants, et l'éclairage (post-expressionniste) est arbitraire, sinon artisanal.
  • L'ÉQUIPÉE SAUVAGE (1953)
    Une réalisation de grande efficacité, jouant sur le huis clos d'un drame (une petite ville) aux protagonistes orageux (Marlon Brando en tête, au faite de sa splendeur "blouson noir"). Une quinzaine d'années après l'avoir vu la première fois, je m'aperçois que toutes ses images me sont restées dans l'esprit, du tout premier plan (! ) sur le macadam de la route où l'on voit au loin approcher la masse noire des motards avec en voix off l'annonce du drame par le personnage incarné par Brando (et qui porte l'incontournable prénom de Johnny) à l'accident où meurt le vieux barman (montage remarquable!), en passant par toutes les séquences entre Johnny et la jeune fille (la jolie Mary Murphy dont je vais de ce pas consulter la filmo), avec un Johnny jouant de sa statuette genre Oscar, dérobée lors d'une compétition au début du film. "Epuré" par le maccarthysme, Benedek voyait tout de suite après ce film sa carrière hollywoodienne brisée à jamais. L'Amérique perdait ainsi prématurement un de ceux qui auraient pu devenir un de ses plus grands cinéastes.
  • PIERRE ET DJEMILA (1986)
    Il n'était pas facile (et il ne l'est toujours pas) de traiter ce sujet délicat et passionnel. Blain le fait avec beaucoup de pudeur et de volonté d'équité. A la sortie du film, les critiques lui jetèrent l'anathème et crièrent au racisme. Rien de plus faux, pourtant, car ce que l'on voit ici est justement le reflet de la réalité, de l'incompréhension qui frappe les deux communautés française et arabe, repliées sur elles-mêmes. Seuls les innocents contreviennent au statu quo de l'apartheid de facto et doivent, tels Roméo et Juliette, en payer le prix. L'histoire d'amour entre Pierre et Djemila est racontée avec beaucoup de délicatesse, de pudeur et de tendresse. Le projet de ses parents de la marier en Algérie contre son gré (habitude largement répandue) est cité "objectivement" et non comme une dénonciation, de même que le portrait de Djaffar, le frère aîné, élément dur de la famille, élément réactionnaire, né des réactions d'aporie de la communauté (face à l'agressivité physique, culturelle de l'autre). C'est Djaffar qui tuera Pierre ; et la communauté, face à ce coup de la fatalité, ne fera rien pour empêcher la police (les agents de la Loi) d'intervenir. Où donc est l'appel au racisme ? Comme d'habitude, ces bouffons que sont les critiques ont crié au loup et le film aura fait, toujours aussi injustement, une autre victime : son réalisateur.
  • L'INSOUMIS (1964)
    La guerre d'Algérie n'est qu'un tremplin de départ à l'intrigue, et on ne la retrouve plus guère après les séquences inaugurales (combats dans les montagnes kabyles puis images d'archives (? ) sur les affrontements d'Alger 1961). On peut se demander si Cavalier a manqué d'audace ou si les "évènements" ne l'inspiraient pas particulièrement. Quoi qu'il en soit, on rate une fois de plus l'occasion d'aborder de front la Blessure. Recentrons-nous sur le sujet retenu par Cavalier : la blessure d'un homme (remarquablement campé par Alain Delon on retient aussi l'apparition brève mais marquante de Maurice Garrel en époux de l'avocate). Rien à redire sur le traitement de ce sujet : le portrait de l'homme est très réussi, son désarroi de départ (cf. son attitude tres militaire malgre sa désertion : il continue à saluer d'un garde-à-vous impeccable le lieutenant en civil), son faux jeu de vrai-dur, son énergie de survie et enfin sa chute. La caméra de Cavalier est en constant mouvement et ses cadrages très Nouvelle Vague. Si j'osais la référence (allez, osons...), je dirais que c'est un cinéma entre les premiers Godard et Melville.
  • L'OURS ET LA POUPÉE (1969)
    Cela commence plutôt bien, avec le sens confirmé de Deville pour le rythme ludique (montage rapide, glissements de caméra, petits gags de raccord, jeux de couleurs, musique classique en accompagnement du montage). Mais au bout de cinquante minutes, la situation s'enlise et le film tourne en rond, autour de son maigre axe central de comédie légère, trop légère et finalement très franchouillarde. Il n'est pas improbable que le film ait plus aux USA et je pense fort possible que ce film, et notamment la figure de Jean-Pierre Cassel, ait pu mettre sur les rails le personnage de Dudley Moore. A part cela, une petite curiosité : l'insistance de Deville, via gros plans et angles (des)avantageux, à nous montrer la laideur (dentition et mains, aie aie aie) de Bardot, accentuée encore par la futilité de son personnage.
  • PRICK UP (1987)
    Le film a, semble-t-il, la réputation d'être "dur". Peut-être suis-je blasé, mais j'ai vu "pire". Ceci ne doit pas cependant être à inscrire au "débit" du film, qui a beaucoup de bonnes choses à nous proposer. D'abord l'interprétation, magnifique, de ses comédiens, tout particulièrement le dénommé Molina (Kenneth) au superbe jeu oculaire, et la toujours excellente Vanessa Redgrave, sans oublier un très cynique Gary Oldfield. Ensuite, cette séquence savoureuse où les deux hommes font pour la première fois "gouzi-gouzi", alors que dans la pièce, la TV retransmet le couronnement de la reine, dont on entend ô sacrilège -le commentaire en off.
  • FREAKS LA MONSTRUEUSE PARADE (1932)
    A la fois de la fascination et de la gêne... Gêne pour notre position de voyeur de "fête" foraine ou de zoo, fascination pour l'esthétique de ces êtres difformes, monstrueux, et pourtant (ou justement pour cela) sont beaux, d'une réelle beauté face à laquelle la "normalité" devient laideur, mesquinerie, méchanceté oui, laideur extérieure comme intérieure. Et je crois (je pense qu'on le sent nettement) que Browning a filmé ces êtres, ses personnages, non en voyeur mais avec beaucoup de tendresse. Pour cela, on passera sur sa fin moralisatrice (tel les vieux contes, Grimm etc...).
  • LES LONGS ADIEUX (1971)
    Une femme vivant seule avec son fils devenu adolescent et qui, après une visite à son père, qui habite à quelques milliers de kilometres de là en Sibérie, exprime sa décision de vouloir désormais vivre avec son père... Kira Mouratova dépeint avec beaucoup de sensibilité (gros plans, montage en ruptures, noir et blanc, allusions) le drame de cette femme, mère certes possessive (mais non au sens négatif que pourrait impliquer le terme) mais surtout femme dynamique et coquette (elle a largement la quarantaine et l'embonpoint slave). Cette femme qui voit soudain le sol se dérober devant elle, abandonnée par son fils qui était justement sa victoire sur l'homme qui fut son compagnon et le père du garçon. Très belles scènes, au désenchantement en filigrane (la réunion à la campagne), à l'émotion poignante (au concert, la mère qui proteste parce qu'un couple, impassible, leur a pris leurs places durant l'entracte, et qui est obligée de quitter la salle, humiliée; la scène où la mère regarde les diapos envoyés par le père au fils). Après "Brèves rencontres", Mouratova se confirme ici comme une cinéaste de très haut calibre, de la catégorie peu représentée des cinéastes artistes.
  • L'AMOUR PAR TERRE (1983)
    Beaucoup de charme, ce Rivette, certainement l'un des plus réussis. Il doit beaucoup à ces acteurs (Kalfon, Dussollier, mais surtout Birkin et Chaplin ! ).En l'absence de documentation, je me demande si le personnage de Béatrice n'a pas quelque parenté avec la Béatrice de Dante... A noter un passage particulièrement beau : Charlotte (Géraldine Chaplin) déambule autour de la statue de l'Amour, passant de "Il m'aime, un peu, beaucoup, etc." à "Il ronfle, un peu, beaucoup, etc" et finit par faire tomber la statue, qui se brise ... Ah, Rivette, il n'y a que toi !
  • ECRIT SUR DU VENT (1956)
    Superbe mélodrame baroque, que l'on apprécie autant au premier qu'au second degré. L'image de fin, Dorothy Malone (en jeune femme insatisfaite et restée seule) caressant la reproduction miniature d'un derrick de puits de pétrole est inénarrable.
  • DOURO TRAVAIL FLUVIAL (1931)
    Influencé par Walter Ruttmann ("Berlin, symphonie d'une ville") comme par les expressionnistes allemands, "Douro" est avant tout le film d'un homme qui découvre les possibilités de son instrument, les possibilités (magiques, merveilleuses, enivrantes) du cinéma. Ces séquences sont très emouvantes, où l'on ressent l'enthousiasme du cinéaste, de l'homme à la caméra (pour utiliser le titre de Vertov, mais également parce que de Oliveira s'est toujours voulu apparent, jamais complètement caché derrière les images), qui expérimente la captation des lignes, des ombres, des reflets dans l'eau, des mouvements, de l'image en général (jeux de flous pour souligner l'apparition et la disparition de la vision). Dans ce même ordre d'idées, la tentation de la fiction à deux reprises, notamment : l'idylle entre le jeune couple et le symbole de la bite d'amarrage, et l'homme renversé par la charrue aux bovins. Découverte du cinéma aussi dans le montage ("Douro" est essentiellement un film de montage), rapide, saccadé, plus ruttmannien que vertovien car plus "humaniste" que "méchaniste". Je reviens sur les influences du réalisateur parce qu'elle semble ne pas avoir été abordée dans les analyses de l'oeuvre du cinéaste portugais. Je vois cette influence dans l'emploi fréquent des contreplongées, notamment sur les personnages types, et en particulier ceux menacçnts, tels l'agent de police. Je vois cette influence également dans le recours au contre-jour, dans l'utilisation des ombres, mais aussi et bien plus intéressant dans les plans des toits étroits aux cheminées fumantes, qui reprennent "en situation réelle" les décors recrées en studio des films de Murnau, Pabst et autres.
  • ANIKI-BOBO (1942)
    Si ce n'était pas un cliché, je parlerais de "néo-réalisme" à la De Sica. En fait, et comme pour le cinéma egyptien (Salah Abou Seif), la démarche du réalisme social allait ici de soi, car trouvant son origine dans une préoccupation du quotidien et de la société, dans une attitude morale. Dans le cas de De Oliveira, dont l'attirance pour le documentaire était très nette à ses débuts (ses films ultérieurs, plus "théâtre", sont aussi, en quelque sorte, des documentaires sur la représentation théâtrale), la préoccupation pour l'environnement quotidien allait aussi de soi. L'histoire, pour en venir enfin au film, est d'autant plus émouvante que ces enfants sont le reflet (et le produit) d'une société, et qu'ils jouent des situations d'adultes, dans le même contexte de précarité qui était le lot commun. Et trente ans avant "Bugsy Malone" (qui reste le meilleur film d'Alan Parker), nous avons ici un film entièrement joué par des enfants si l'on excepte les personnages de l'instituteur et du vendeur de la "Boutique des tentations" auquel les enfants subtilisent la poupée, etc. Et quelle belle interprétation ! Le film, comme tous les films d'enfants ("Sciuscia", "Los Olvidados", "Pixote", "Ma vie de chien", etc. la liste prendrait des pages...), garde une grande fraîcheur, une éternelle jeunesse.
  • LA SOURCE (1960)
    Sans aucun doute un des films les plus forts de Bergman, que je mettrais personnellement (bien que l'on ne puisse pas faire ce rapprochement systématiquement) sur le même plan que "Ordet" de Dreyer. Essentiellement pour ses éléments de rédemption et le miracle conclusif : ici, le jaillissement de la source à l'endroit où la jeune fille a été violée et tuée, après que le père eut, dans son harangue à Dieu, promis de construire une église. Scène lumineuse et magnifique, une pure merveille, qui vient conclure un film fort, souvent insoutenable, violent, l'un des plus beaux joyaux de la riche filmographie de Bergman.
  • BENILDE OU LA VIERGE MERE (1975)
    Benilde, ou la vierge-mère. Le film commence par un plan-séquence d'anthologie : un long travelling avant (sur les images duquel s'incruste le générique) à travers les coulisses du décor, qui lentement aboutit à l'appartement qui sera le théâtre (si j'ose dire, le film étant la fidélissime retransposition d'une pièce de théâtre) des événements. Travelling avant dans lequel un critique de cinéma (Yann Lardeau, des Cahiers) a d'ailleurs vu la "transposition de l'acte sexuel" qui aurait fécondé Benilde. Si on veut... Mon analyse n'étant, elle, fécondée ni par la sémiologie ni par la psychanalyse, je me placerai sur un plan plus strictement esthétique. Et cela avant tout pour souligner le "gothisme" du style adopté par De Oliveira : la couleur (dominantes orange et sienne brûlée), l'éclairage, les angles (à signaler tout particulièrement un plan halluciné, unique et incongru, en plongée totale sur les protagonistes et qui semble pris à travers le conduit de la cheminée), les objectifs utilisés, la présence du feu au premier plan, ainsi que la bande son saturée (il y a quasi constamment une musique étouffante, même en fond des dialogues, ainsi que le bruit tumultueux de la tempête qui fait rage au-dehors et qui souligne la coupure du huis-clos de la maison avec le monde extérieur), et enfin la présence fantomatique du "fou de la lande" dont on entend les atroces cris de loup-garou tout cela concourt au style gothique (à la Mario Bava...) du film et tend à confirmer la tentation du fantastique chez un cinéaste qui plus tard réalisera "Les cannibales" et qui auparavant avait montré beaucoup d'affinités avec le cinéma expressionniste allemand.
  • FATHERLAND (1986)
    On considère bien à tort ce film comme un "raté" de Ken Loach. C'est au contraire, l'un de ses plus intéressants en autres, en raison même des éléments qui peut-être font sourciller certains: les séquences oniriques (étonnant de voir des images subjectives dans le parcours de Loach, aussi étonnant certainement que les intertitres de "Pas de larmes pour Joy". Comme à l'accoutumée, Loach a un regard extrêmement critique sur la société du "capitalisme réel". Sa caméra est ici d'autant plus acérée, qu'il renvoit la balle à l'Occident, après un prologue stigmatisant la RDA du "socialisme réel". L'ambiance politique est globalement proche de "Hidden Agenda". Une scène, en revanche, fait monter très haut ce film : les retrouvailles du fils et du père, véritable "fête" de douleurs longtemps retenues qui remontent à la surface, à la faveur d'un superbe maelström de sentiments et d'émotions contradictoires. Le tout, sous l'oeil de la plus sensuelle des comédiennes, Fabienne Babe, ici dans un rôle au naturel, sans sophistication, simplement émouvant et tendre.
  • TROP BELLE POUR TOI (1988)
    Il faut certes saluer la tentative de Bertrand Blier de casser le moule du scénario traditionnel. Malheureusement, son sujet est trop banal pour que l'originalité de son entreprise en profite. Qui plus est, Blier noie son traitement dans une sauce Schubert lourde, lourde (ce n'est plus suggérer, c'est enfoncer le clou...), et dans des travellings latéraux artificiels. Les dialogues sont souvent d'une "vulgarité" (pardon pour le mot) gratuite, voire démagogique. Quant au dénouement (et il ne faut pas être voyant pour le prévoir dès le premier quart du film), il n'a vraiment rien d'original !
  • THE BIG SHAVE (1967)
    Une oeuvre étonnante, inquiétante et, finalement assez énigmatique : doit-on la prendre au sérieux, au second degré, ou doit-on la considérer comme un gag ? Oui, assurément, une œuvre inquiétante.
  • DROWNING BY NUMBERS (1987)
    Il est intéressant de noter que "numb" en anglais signifie "engourdi" ou encore "paralysé". Ainsi, les nombres sont aussi des "paralysants" : devant une accumulation de nombres, cabbalistiques ou sybillins, on est littéralement pétrifié (de peur, d'angoisse, de découragement devant l'ampleur de la tache de décodage ? ). Paralysé ou engourdi, au point de se noyer irrémediablement... Et c'est ainsi que Greenaway cyniquement tue les spectateurs de ses tableaux qui, littéralement, portent la mort en eux, notre mort médusée.
  • LES VERTES DEMEURES (1959)
    Un de mes premiers grands coups de foudre de jeune cinéphile, il y a une quinzaine d'années. Ah, la beauté fraîche et virginale (sic) d'Audrey Hepburn ! La scène de fin, celle du retour d'Anthony Perkins au paradis perdu (et de l'annonce de la mort de la belle) est inoubliable. Bien entendu, ce film est typiquement dans la grande veine américaine, ethnocentriste et au racisme larvé, mais comment ne pas compatir avec cette jeune fille pure et blanche, persécutée par ces indigènes primitifs et obscurantistes, qui anéantissent son bonheur terrestre ?
  • MAKING A SPLASH (1988)
    Une variation classique sur l'eau élément de prédilection de Peter Greenaway avec un accompagnement musical très adéquat. Heureusement, après les séquences animales (grenouilles, enfantines et sportives, Greenaway aborde l'érotisme, qualité fondamentale de l'eau. Les scènes sont alors parmi les plus belles du film, restant toujours discrètes et délicates. On en garde d'excellentes impressions de beauté, de fraîcheur et de fluidité et une envie folle de se jeter à l'eau !
  • SANS SOLEIL (1982)
    Un "journal filmé" au texte magnifique de nostalgie et de mélancolie (à peine) retenue. Il y a les peuples de la Mémoire et ceux de l'Oubli. Le peuple de la Mémoire par excellence est le Japon. On en verra ici avec curiosité ou émotion quelques aspects (comme dans TOKYO-GA de Wenders). Parmi les peuples de l'Oubli (mais nous sortons là des propos du film), il faudra peut-être que nous nous reconnaissions. Pour plusieurs raisons (Collaboration, guerre d'Algérie, etc. ) dont la "digestion" que fait notre organisme de la culture américaine. Alors qu'au Japon, cette dernière a été parfaitement assimilée et cohabite avec les valeurs traditionnelles, en France elle a phagocyté la culture euro-méditerranéenne.J'en sors à peine. C'est peut être trop tôt, mais il faut affirmer l'universalité de cette chose. Peut-être de celles qu'un homme ou une femme doivent intégrer pour vivre . cf Tarkovski.
  • LE PHILOSOPHE (1988)
    Après "LE MICROSCOPE", très réjouissant, "LE PHILOSOPHE", second volet de la trilogie "Les formes de l'amour", est terriblement décevant. Niais, simpliste, il est l'oeuvre d'un cinéaste qui s'est laissé aller à la facilité et au kitsch. La critique française, qui n'y a vu que du feu, a bien sur autant encensé ce film qu'elle n'avait démoli le précédent. Allez y comprendre quelque chose...
  • L'HOMME DE L'OUEST (1958)
    Western crépusculaire. L'un des meilleurs d'un genre dont il annonce la fin. De superbes plans jalonnent cette traversée aride, avec un Gary Cooper finissant, en plus pathétique que dans le magnifique film de Zinnemann, LE TRAIN SIFFLERA TROIS FOIS. ronflera trois fois...
  • TU NE TUERAS POINT (1988)
    Dans une ville sans joie, la grisaille d'un ennui sans espoir va enfanter le meurtre, gratuit, atroce ...Premier d'une série sur les Dix Commandements, TU NE TUERAS POINT est une oeuvre cauchemardesque, difficilement soutenable, qui laissera des traces profondes chez ceux qui en seront les témoins. Une oeuvre terrible, sans concession et sans fausse pudeur. Le film de Kieslowski est de ceux qui restent graves dans les mémoires.
  • LES ASSASSINS (1959)
    Je ne pense pas que l'histoire se situe aux USA. La ville où se déroule l'action s'appelle Summit (mot anglais pour "sommet", pouvant faire penser à un hypothétique sommet USA-URSS) et les personnages portent des noms anglais (Sam, Max, Nick, Adams, Georges) mais ceci est déjà l'habitude de Tarkovski : éviter toute connotation russophone directe et tout situer dans une intemporalité grise. On note également dans ce travail d'école déjà un grand soin porté à la lumière et, surprise, les plans très brefs (alors qu'il adoptera plus tard le plan-séquence). Ceci est peut-être dû à la situation (huis-clos) et aux impératifs d'angles de vues.
  • LE SABOTIER DU VAL DE LOIRE (1956)
    Documentaire ethnographique, qui garde une valeur de témoignage sur un monde rural révolu. Cependant, si l'on s'attend à un document sur la fabrication des sabots, il faudra se détromper : Demy n'aborde le sujet qu'après un bon quart d'heure, et pour seulement trois minutes. Quant au ton, il est plutôt misérabiliste, avec un texte au goût du terroir et filme presque totalement en plans fixes. L'appréciation générale est moyenne, mais il faut porter au crédit du réalisateur la beauté des images et le sens du cadre et de la composition.
  • PARIS VU PAR... (4) (1965)
    L'affaire est bien mince, en définitive. Charmé une première fois, on est vite déçu lors d'une seconde vision. Cependant, la séquence est sauvée par son humour à la Tati (auquel le film semble rendre un hommage implicite) et par la curiosité des images de l'époque (la place de l'Etoile en chantier, etc. ).
  • LE CERCLE DES PASSIONS (1982)
    Oedipien et très sensuel, le film aurait cependant pu être un peu plus subtil. Trop explicite (ce que confirme d'ailleurs son style théâtral éclairages, décor, cadrage, mouvements de caméra et déplacements de personnages), il insiste lourdement sur l'érotisme sauvage de la torride Assumpta Serna, avec laquelle tous les enfers sont permis. Malgré tout, et pour son atmosphère, "Le cercle des passions" se laisse regarder avec intérêt et sans ennui.
  • LE RAYON VERT (1986)
    Ce n'est pas un film, c'est une thérapie ! Et il est vraiment gênant d'assister à un déballage aussi lamentable de vie dérisoire et mièvre. Les dialogues sont à la mesure du projet, d'une platitude affligeante. Le sommet est atteint lors de la scène du repas à Cherbourg, ou la navrante Delphine "explique" à ses amphitryons qu'elle "ne mange pas de viande" et que ceux-ci s'en étonnent comme s'ils entendaient parler de la chose pour la première fois de leur existence (le concept de végétérianisme passe complètement à l'as dans cette conversation prétendument "réaliste", sinon "vériste") et l'on finit sur une déclaration ahurissante de Delphine, expliquant le plus sérieusement du monde qu'elle "ne pourrait pas non plus manger de fleurs" !!! On croit rêver... Après ce sommet de surréalisme, on continue cahin-caha jusqu'à la fin, tout aussi chétive, où Delphine et son compagnon (enfin trouvé) découvre le rayon vert. Du romantisme naif et dérisoire. (Meilleur moment du film : la scène de la discussion entre les quatre copines, où Delphine, acculée et meurtrie, essaie pathétiquement d'éviter de dire les choses tel qu'elles sont. ).
  • VERONIQUE ET SON CANCRE (1958)
    Rohmer a une prédilection certaine pour les personnages mièvres. Question : comment se sentir en communion avec de tels personnages ? Comme dirait mon cousin de Bab-el-Oued, "Ni on s'identifie, ni on est en connivence". Je pense avoir trouvé une formule pour (dis)qualifier le cinéma de Rohmer (formule qui a l'avantage de me satisfaire momentanément, et dont je voudrai par conséquent faire profiter les autres cinéphiles) : du BADINAGE PETIT-BOURGEOIS. On y trouve (dans Rohmer) tout le charme de la futilité.
  • LA COLLECTIONNEUSE (1967)
    Un bon Rohmer. Je trouve que depuis, il s'est un peu enlisé dans cette veine "naturaliste", et ses dernières œuvres (depuis "Le rayon vert", inclus) sont beaucoup moins heureuses. Je crois que la différence vient du fait que Rohmer n'observe plus sa propre génération (comme ici, dans "La collectionneuse") mais des jeunes. Or, il ne les sent pas et le résultat est alors artificiel, sinon nunuche.