Rarement Palme d'Or au Festival de Cannes peut se targuer d'être aussi méritée, pour une oeuvre d'une aussi basique perfection. Avec son étonnant parti pris de ne jamais sortir de l'enceinte de l'établissement, son subtil et constant rapport frontal entre les élèves et l'enseignant, dans une jubilation langagière extraordinaire et l'incroyable aisance des jeunes protagonistes, Laurent Cantet confirme à nouveau sa place essentielle dans le cercle limité des grands metteurs en scène français. Agencée préalablement à travers des ateliers ouverts chaque mercredi après-midi durant environ huit mois, laissant l'accès libre à tous les élèves de quatrième et de troisième qui le désiraient, la structure même du film s'est construite peu à peu avec un groupe d'une bonne vingtaine de lycéens, pour lequel l'improvisation devait rester l'élément moteur essentiel de la confrontation, articulée sur un vague squelette de quelques silhouettes de personnages adolescents prédéfinies ou de rôles précadrés, proposés par le scénario de départ. Tourné en permanence avec trois caméras, le dispositif technique ainsi mis en place permettait de suivre au plus près l'élève sur lequel l'objectif se focalisait, le professeur en écoute et en réponse, et les petits plus et petits riens de l'entourage de la salle en générant ainsi une surprenante proximité / véracité à l'ensemble de l'oeuvre. Un vrai bonheur cinématographique qui nous réconcilie un peu avec l'inconsistante et fade production hexagonale.