Résumé
Je suis vieux et la vie est longue...
De temps à autre, pour rompre la fastidieuse solitude de son existence, confiné dans un minuscule appartement en sous-sol, d'où une dérisoire fenêtre à vantail unique, lui permet de voir, à condition de se mettre sur un quelconque marchepied improvisé, une maigre partie de sa rue, Thomas Forsman, quatre-vingt-trois ans, ancien médecin à la retraite, rend visite à son frère Johannes, taciturne écrivaillon en mal de lecteurs, pour jouer aux échecs. Ce dernier a la mauvaise idée de mourir dans une interminable quinte de toux, resserrant de par son décès, encore un peu plus l'univers déjà restreint de notre vieux bonhomme. Des journées mornes et répétitives qui commencent par un anodin réveil, puis un consciencieux rasage quotidien, suivi d'un incontournable café, pour s'égarer dans l'invariable attente du lendemain. Quelquefois une promenade, un verre de vin dans un bistrot, une vaine tentative d'attirer l'attention en faisant semblant, par exemple, d'égarer son portefeuille. L'uniformité et la grisaille des jours se retrouvent, à certains rares moments privilégiés, bousculées par la rencontre fortuite d'un vieux copain perdu de vue depuis des années, que l'on croise et que l'on va à nouveau oublier, ou bien le passage obligé chez le coiffeur, ringarde occasion de regarder d'un peu trop près les pimpantes clientes. Parfois la vie, où ce qui en reste, est faite de petits riens anodins et futiles, comme croiser la dynamique Maria, à laquelle il avait écrit dans le passé et qui ignore toujours ses vaines avances, comme gagner un inutile et stupide hibou empaillé, à une improbable loterie, pour un billet acheté en maugréant à un jeune scout de passage ou bien côtoyer certains après-midis, sur le même banc public, un autre quidam de son âge qui va se révéler, avec le temps, être le juge qui, trente années auparavant, l'avait condamné, pour avoir aidé son épouse malade, à mourir. Puis les choses iront en s'accélérant : une stupide chute en voulant changer une ampoule, la gênante sollicitude d'une aimable voisine et le moment, peut-être souvent différé, d'ouvrir enfin le robinet de gaz.