Critique(s)/Commentaire(s) de D.W. GRAPHITE

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  • QUELLE HEURE EST-IL ? (1989)
    Toujours mélancolique, Scola. Ce face-à-face père-fils, pour être "déjà-vu", n'en reste pas moins pertinent, puisque le passage de flambeau entre deux générations ne se fait pas (et encore moins aujourd'hui.) sans malentendu. Bien que "télé-filmée" (le nouveau mal du cinéma), la confrontation est admirable (tout en n'atteignant jamais les sommets de "La mort d'un commis voyageur"), mais le film de Scola est dépasse. Les fils d'aujourd'hui se reconnaîtront plus dans "Un monde sans pitié" et parmi les "Poètes disparus". Toujours passéiste, Scola.
  • LE CERCLE DES POÈTES DISPARUS (1989)
    Thoreau, Whitman, Frost, Keats, leurs poèmes (superbes) servent d'aliment au petit groupe de jeunes du film, mais aussi au film lui même. Et l'aliment poétique est un puissant fortifiant. On ne fera pas au "Cercle" le reproche de l'académisme. Car on n'aura pas l'esprit à le faire, tellement est prenant ce vibrant hommage à l'homme, à sa liberté et à la force de son imagination. Le romantique (au sens littéraire, philosophique du terme) en nous exultera au renfort revigorant de ce film magnifique splendidement interprété.
  • DANCING MACHINE (1990)
    Aux antipodes de la pirouette aérienne, "Dancing Machine" est un faux-pas magistral. Le scénario et le montage, risibles, semblent uniquement destinés à la gloire inutile d'un Delon dégoulinant de prétention ou encore aux débuts improbables d'un Patrick Dupont pathétique. S'il avait fallu faire la contre publicité du cinéma ou de la danse, Behat et Delon n'auraient pas pu mieux faire. Insignifiant.
  • L'OEIL AU BEUR(RE) NOIR (1987)
    Candidats locataires ou amateurs de franche rigolade, soyez avertis : ce film est à double tranchant. Coté face -ou plutôt coté farce, on rigole à tout bout de chemin des déboires de nos compères et des péripéties à la "touche-pas-à-mon-pote". Coté pile, c'est quand même un film où le rose ne l'emporte pas, contrairement aux traditions de la comédie .
  • LA DÉSENCHANTÉE (1990)
    La fraîcheur et la spontanéité de Judith Godreche éclairent ce film autrement bien trop "fabriqué" pour être aussi vivant qu'il ne veut le paraître. Très écrit (plutôt bien, d'ailleurs), le film de Benoît Jacquot ressemble plus à une démonstration peaufinée (beau travail de montage, intéressante démarche elliptique) et romanesque qu'à un film de consommation courant. Mais on peut aussi consommer. La jolie Judith est là pour cela, qui réussit ici ses noces blanches à elle, et dont on attend la confirmation avec un rôle plus composé.
  • LENINGRAD COWBOYS GO AMERICA (1989)
    L'humour pince-sans-rire d'Aki Kaurismaki fait mouche dans le premier quart d'heure, mais s'essouffle en cours de route. L'histoire, certes bien sympathique (surtout par son burlesque constant), reste trop mince et se renouvelle peu, finissant par ressembler à un banal road-movie jalonné de jam sessions énumérant les variantes du rock'n roll (versions Memphis, Nouvelle-Orléans, Mexique, etc. ). Aki Kaurismaki (dont on vient de voir la formidable "Fille aux allumettes") est nettement plus à l'aise dans le blues que dans la comédie. Question de climat ?
  • LE PROVINCIAL (1990)
    Est-ce de la naïveté ou prendrait-on les spectateurs pour des ploucs ? Sous couvert de nous chanter un hymne à l'honnêteté (et aux joies simples et pures de la nature), Christian Gion veut nous refiler une camelote folklorique, niaise et abêtissante. Scénario insignifiant, dialogues insipides, Gabrielle Lazure mal traitée, personnages caricaturaux, paysages de cartes postales attrape-nigauds un navet de première ! Le réalisateur a pourtant trente ans de métier, mais son film ressemble plus à un mauvais brouillon de débutant.
  • ARIEL (1988)
    Sans désespoir ni misérabilisme, le trajet du héros du film est exemplaire. Exemplaire d'abord de la "pêche" d'un cinéaste froid, précis et qui mène son action sans atermoiements, à la vitesse de l'éclair. Exemplaire ensuite du dynamisme d'un cinéma-blues qui refuse de s'enfermer dans son spleen. Exemplaire enfin de la vitalité de "l'autre cinéma", artisanal, tiers, périphérique. Un cinéma de véracité, et surtout un cinéma de liberté.
  • GUNMEN (1988)
    Le réalisateur s'est visiblement plus préoccupé d'acrobaties et de pitreries sanglantes que de scénario. Ce qui nous donne un accéléré effarant de massacres dont la multiplication ne fait que souligner la gratuité et l'absurdité. Kirk Wong veut faire d'un marathon un sprint, et pour ce faire il enfile les ellipses les plus fantaisistes. Emule de Leone, de Peckinpah et du film noir (qu'il n'a pas pris le temps de digérer), il nous assène tous les clichés possibles et imaginables. Caricature de film, "Gunmen" est une gaminerie de mauvais goût.
  • NOUVELLE VAGUE (1990)
    Après une éclipse de quelque deux ans, Godard nous redonne de ses nouvelles vaguement, mais superbement. "Nouvelle vague" nous confirme que Godard n'a rien perdu de sa superbe. Alimenté par les dialogues les plus beaux du cinéma actuel (et pour cause : ils viennent tout droit de la bibliothèque du cinéaste : Dostoievski, Dante, Gide, etc. ), ce florilège de haute volée sur la condition humaine prouve que lorsque l'intelligence s'allie à la sensibilité, le cinéma devient quelque chose de très grand. Une vague ? Une déferlante !
  • CINÉMA PARADISO (1988)
    Comme sait si bien le faire le cinéma italien, un retour dans le passé ruisselant de nostalgie. Il faut vraiment avoir un coeur de pierre pour ne pas être emporté par l'émotion déferlante. Philippe Noiret est bouleversant, dans ce qui restera comme l'un des plus beaux rôles de sa carrière, et le jeune Salvatore Cascio, fidèle à une longue tradition du cinéma italien (de "Sciuscia'" à "Un enfant de Calabre"), nous chavire par son innocence et sa spontanéité.
  • IL Y A DES JOURS ET DES LUNES (1989)
    La fidélité est la qualité principale de Lelouch. Fidélité à son image, à son style, à ses thèmes. Fidélité à son amour des comédiens (tant mieux), à sa passion de la caméra (plus de générosité que comme chez d'autres de prétention. Fidélité à sa grandiloquence et aux histoires de vie, d'amour et de mort, bref de destinées (chacun y puisera selon ses goûts). Pour la spontanéité et l'émotion qu'il tire de ses comédiens, pour la liberté (même excessive) que prend la caméra, pour l'ampleur renouvelée des formes, on peut retenir Lelouch.
  • SIMETIERRE (1989)
    Les fautes d'orthographe du titre, volontaires, sont encore ce qu'il y a de plus original dans ce film d'horreur classique et sans surprise. Si le public d'Avoriaz lui a accordé son prix, cela tendrait à montrer que ce public reste fort complaisant avec ce qu'il attend de ses films préférés. Et c'est avec la même complaisance que King, Lambert et d'autres lui livrent ses petites frayeurs.
  • L'AMI RETROUVE (1988)
    Depuis "L'épouvantail", Jerry Schatzberg est à la recherche d'un second souffle. Avec "L'ami retrouvé", ce n'est pas encore le souffle retrouvé. L'adaptation du livre de Fred Uhlman, sobre et humble comme il se doit mais somme toute plutôt académique, n'apporte rien de nouveau au débat sur la montée du nazisme, déjà très richement nourri par le cinéma allemand. Mais Hollywood, on le sait, préfère faire les choses à sa guise.
  • MR ET MRS BRIDGE (1990)
    Au-delà de la fresque d'une famille bourgeoise dans les années trente, des conflits familiaux et tensions conjugales, Mr et Mme Bridge, est à mon avis un film éminement féminin. Chaque femme, psychologiquement réprimée ou ouvertement libérée fait de sa vie un refus. Secrétaires, épouses ou maîtresses, toutes, tentent désespérément de croire encore à leurs rêves, à leurs illusions sur l'amour. Mais les années ont passé, l'habitude a pris son cours et si Mme Bridge pousse de malheureuses plaintes de solitude, ses amies tâtent à la réflexion politique voire au suicide. Cinéaste raffiné et délicat par excellence, James Ivory sait nous émerveiller par ses récits à mots couverts. Ses non-dits n'atténuent jamais la férocité de son propos, plein de finesse, qui semble s'insérer entre tasse de thé et petits fours. Portrait radical et incisif mais néanmoins tendre et (faussement) bienveillant d'un couple d'Américains moyens dopés à la bonne conscience WASP, "Mr. & Mrs. Bridge", récit retenu et malicieux, est une pièce de choix à ajouter au portrait de l'Amérique de toujours.
  • ROUGE VENISE (1988)
    Rien de neuf sur les rives du Canale Grande, et rien de bien passionnant. Polar ou comédie, dans les deux cas, c'est aussi léger et lassant, et aussi mystérieux que peut le permettre une histoire somme toute sans grand intérêt .
  • ATTACHE-MOI ! (1989)
    D'entrée de jeu, on retrouve le style particulier, "movidien", de Pedro Almodovar, toujours aussi ludique et lubrique, ici comme en hommage-parodie du Brian DePalma de la première époque (hélas révolue). Mais Almodovar, saoulé par les vivats, se prend à son propre jeu facétieux et échoue sur sa complaisance. Le scénario semble alors baclé, ouvert à toutes les facilités, celles proprement scénaristiques et dramaturgiques, et celles liées à l'emploi torride de Victoria Abril. Espérons que ce ne soit là qu'une défaillance passagère.
  • LA FOLLE JOURNÉE OU LE MARIAGE DE FIGARO (1989)
    Placée sous le "patronage" de la Révolution (Bicentenaire oblige), cette adaptation de l'oeuvre phare de Beaumarchais s'avère fort longuette et fastidieuse, particulièrement mal filmée (éclairages baveux et mous, montage de débutant, cadrages hâtifs). Coggio en tête, les acteurs cabotinent à qui mieux-mieux. Marie Laforêt (impériale) et Fanny Cottencon (fraîche et complice) sauvent la mise. Mais il aurait fallu bien davantage pour sauver ce film bâclé.
  • COUSINS (1988)
    S'il faut juger "Cousins" dans le cadre de la longue liste de remakes made in USA (et il nous semble impossible de faire autrement), le film de Joel Schumacher est certainement un remake réussi, car parfaitement adapté à l'américaine. C'est assurément un remake plus justifié que, par exemple, l'inutile "Trois hommes et un bébé". Le film est plaisant, pas désagréable à regarder (si on n'est pas allergique au romantique ruisselant), très "American spirit" et donc aussi beaucoup moins cru et moins passionné que "Cousin, cousine". French is better!
  • KILL ME AGAIN (1989)
    Pas trop mal ficelé, ce polar noir dans la veine des grands "anciens". Caméra efficace, ambiance fidèle à la grande école "série B", des séquences qui ne manquent pas de piquant et des acteurs convaincants, tout particulièrement Joanne Whalley-Kilmer en allumeuse fatale. Malheureusement, par son ton et son emphase (son manque de distanciation et son absence du goût du clin d'oeil), "Kill me again" ressemble plus à un film sous influence qu'à un hommage au film noir. Le scénario présente alors trop peu d'originalité pour être captivant. On connait l'histoire.
  • LA FILLE DE QUINZE ANS (1988)
    Lorsqu'on a le goût de la beauté, on a aussi celui de la perversion. C'est le cas de Juliette, qui ne se veut pas une fille comme les autres et qui, Doillon oblige, n'a pas choisi la simplicité comme ligne de conduite. Oui, "Doillon oblige", car ce jeu n'est que trop celui de Jacques Doillon, qui lorsqu'il ne verse pas dans les sentiments paroxystiques, s'évertue à les effleurer pour les faire bruisser en sourdine. Ses acteurs ont de la grâce, une grâce fragile qui est le meilleur d'un film aux abois, contenu, paradoxal.
  • BLACK RAINBOW (1989)
    Le lierre avance, avance, recouvrant et étouffant tout sur son passage. Et aussi le bon vieux cinéma américain. "Black Rainbow" est ainsi un thriller noué, qui tient seulement par la composition forte de Rosanna Arquette, dans la peau d'un personnage à fleur de peau, au bord du déséquilibre. Mais cela ne suffit pas à sauver un film au scénario trop bancal, qui accumule tous les clichés qu'il peut rafler sur son passage. Le résultat est quelquefois à la limite du comique. Un comble.
  • NEW YORK STORIES (1988)
    1. Martin Scorsese, pour les couleurs, le mouvement, la lumière, Nick Nolte et of course Rosanna Arquette ! 2. Francis Coppola, (pour ses inconditionnels), pour sa féerie, son optimisme, la réapparition de Giancarlo Giannini, et pour l'irrésistible Zoé. 3. Woody Allen, pour sa névrose sublime, son angoisse de vivre, sa mère au-dessus de New York (l'une des meilleures idées de cinéma depuis longtemps).
  • JÉSUS DE MONTREAL (1988)
    Et si le Christ redescendait sur Terre ? Son aventure pourrait être un peu celle de Daniel (Lothaire Bluteau chapeau ! ) et de sa petite troupe (A noter que Catherine Wilkening y joue un peu son propre rôle d'actrice sacrifiée). Après une Passion du Christ new look (et splendide, déchirante), voilà que tout bascule vers un nouveau chemin de croix, stigmatisant parallèlement une société de fric, de bizness, de mépris, d'indifférence et d'hypocrisie. Un film indispensable.
  • SHOCKER (1989)
    L'implacable affrontement entre le Bien et le Mal trouve avec "Shocker" une nouvelle variante, aussi spectaculaire qu'ingénieuse. Et Wes Craven trouve avec Horace Pinker un nouveau filon qui prendra certainement (on peut prophétiser) la relève de Freddy. Alors, gare à la télévision (jolie trouvaille), qui, paraît-il, n'épargne pas ses amateurs.
  • LE RETOUR DE FLESH GORDON (1989)
    D'emblée, sans équivoque, on est catapulté dans la galaxie des parodies. Avec un mauvais goût jubilatoire, malaxant allègrement scatologie et blagues de bas étage, ce film ressemble plus à une série Z bricolée par des étudiants allumés qu'à toute autre chose habituellement projetée sur nos écrans. Le film ne se prend jamais au sérieux, et c'est bien. Il ne faut donc pas le prendre au premier degré, sous peine d'apoplexie, tellement est infranchissable cette montagne de mauvais goût élevée au rang d'esthétique, ce dégueulis dans le jardin de l'Amérique.
  • FENÊTRE SUR PACIFIQUE (1990)
    Si l'on fait fi des arguments scénaristiques du film, on a de quoi être terroriste, en effet : ce qui arrive à ce sympathique jeune couple (notons, au passage, la présence de la ravissante Melanie Griffith) est tout à fait atroce, d'autant que le "salopard" qui leur cause tant de désagréments est interprété avec une conviction redoutable par Michael Keaton, et d'autant que la mise en scène de John Schlesinger est fort efficace. En revanche, les excès de la législation américaine ici dépeinte ont de quoi laisser perplexe. Perplexe et incrédule.
  • CONTRE-ENQUÊTE (1990)
    Malgré les faiblesses de sénario, ce thriller énième-du-genre se laisse regarder sans ennui. Les rôles (pour l'interprétation, disons ici "bravo" à toute la patrouille) sont fixés d'avance, non sans manichéisme, et le melting pot de la police new-yorkaise reste un filon dont on n'a pas fini d'exploiter les "subtilités". Bien sûr, Lumet nous a habitué à mieux. Mais quand on voit "une certaine tendance" du cinéma américain actuel, on ne peut que se dire "ouf, c'aurait pu être pire". Et si le pire n'est pas encore derrière nous.
  • LA CONTRE-ALLÉE (1990)
    Lorsqu'un cinéaste décide de mettre en scène ses fantasmes (ce qui est fréquent), cela peut donner des résultats sulfureux. Ou faire "flop" lamentablement. Tout dépend des fantasmes, n'est-ce-pas ? Ceux d'Isabelle Sebastian sont du genre nunuche : fascination pour la prostitution, rapport vice-innocence, instinct maternel, regard d'enfant sur monde adulte et tout le reste. Logiquement une oeuvre ronronnante de gentillesse naïve, qui tient absolument à nous faire prendre des vessies pour des lanternes. "Lacontre-allée" est une voie àne pas emprunter.
  • LE BRASIER (1990)
    Projet ambitieux et ne manquant pas de prétentions à la virtuosité, "Le Brasier" est trop touffu et trop lourd pour qu'en émerge une ligne claire. On se perd dans les labyrinthes de la mine infernale, et c'est comme si Eric Barbier avait vu trop grand et ne savait plus comment gérer sa mégalomanie. Finalement, le film s'étouffe sous son propre poids, qui écrase les détails de la saga (le social, le romanesque, le politique, etc. ). Et les morceaux de bravoure fracassante se noient dans le magma noir d'une production qui a vu trop grand.
  • OUTRAGES (1989)
    La guerre du Viet-Nam est devenue un genre cinématographique à part entière, sous-genre du film de guerre. Un genre qui s'est créé ses propres conventions et tics divers, comme tantôt le western, le polar ou le film d'horreur. Autant deréflexes que De Palma, selon son habitude, a parfaitement assimilés. Et il a tenu à le dire avec un bel étalage de complaisance. Ce film est sans doute une satisfaction pour l'égo du réalisateur avant d'être une fête pour les cinéphiles ni même une pièce de plus dans l'accablant dossier vietnamien.
  • L'ORCHIDÉE SAUVAGE (1989)
    L'érotisme nouveau est arrivé, et il n'apporte vraiment rien de neuf. Les recettes sont connues, et Zalman King en fait usage en vieux roublard, sans subtilité et enveloppées dans une esthétique clip et à la sauce brésilienne. (naguère, ce fut la thaïlandaise. ). Il ne manque que la soca dance. Quant aux "acteurs", Mickey Rourke semble presque gêné d'avoir à passer par là pour redorer son box office, Jacqueline Bisset joue les utilités et Caree Otis n'est vraiment pas partie pour décrocher l'Oscar. On ne peut que conseiller l'abstinence.
  • LE MYSTÈRE VON BULOW (1990)
    Coupable ou innocent ? Là n'est pas la question, en définitive. Le film de Barbet Schroeder, raffiné et cossu, se concentre surtout sur le face-à-face de deux hommes, de deux états d'esprit, de deux mondes, l'aristocrate hautain et un rien auto-destructeur, et l'intellectuel juif, extraverti et hyper-vivant. Remarquablement interprété (Jeremy Irons, dans un rôle de grande classe, Ron Silver, qui confirme son talent caméléonique, et Glen Close, dans une composition courageuse et ingrate), truffé d'humour noir et grinçant, "Le mystère von Bulow" est fascinant.
  • L'EXPERIENCE INTERDITE (1990)
    Le syndrome du "Cercle des poètes" a encore frappé. Mais cette fois-ci, rien de séduisant dans cette ténébreuse histoire de jeunes gens qui, suprême snobisme, se shootent à la mort. Une métaphysique de pacotille et de grands effets carnavalesques masquent mal la stérilité d'un scénario qui a pour seuls alibis son atmosphère baroque et Julia "Pretty Woman" Roberts, ici deux supercheries de plus. Enfreindre les interdits est une chose, mais il n'y a pas forcément gloire à en tirer.
  • LA NURSE (1990)
    Jeune couple avec bébé, c'est charmant. Et sur ces images de l'innocence va débouler l'horreur. C'est "La nurse" de Friedkin, et ça nous rappelle bien d'autres films. En effet, sur ce thème sensible, les variations se sont multipliées, avec plus ou moins de bonheur. La nouvelle pierre que vient rajouter Friedkin, qui n'est pas le premier venu, à cet édifice de la terreur programmée ne manque pas d'efficacité, ni d'effets spéciaux. Mais elle n'apporte rien de neuf, ni dans le fond, ni sur la forme. Juste un rab de frissons.
  • URANUS (1990)
    Ce film pléthorique ressemble à bien des égards à un match de rugby qui se serait pris dans une mêlée inextricable. A la boue émerge un quinze certes bien soudé, où chacun fait à son tour quelques foulées ballon en main et avec plus ou (plutôt) moins de bonheur. Noiret est mou, Luchini s'est trompé de match, Galabru maltraite l'émotion, Marielle est remarquable de flegme serein et Depardieu en taureau déchaîné fait encore son Cyrano. On s'embourbe, et Claude Berri, cette fois, rate son essai. Largement.
  • LES BAISERS DE SECOURS (1989)
    Le plus narcissique de nos cinéastes (et aussi le plus torturé) a encore frappé ! Et on ne peut que s'en féliciter. Car ces "Baisers de secours" constituent l'un des moments de bonheur les plus purs que l'on ai vu au cinéma ces derniers temps. "Cinéma de famille", moments intimes, à la fois crus et d'une grande pudeur, avec de très beaux dialogues (de Marc Cholodenko), c'est du cinéma chuchoté, une confidence arrachée à un journal, mots de désespoir et d'espérance.
  • UN ENNEMI DU PEUPLE (1989)
    Le maître indien (et bengali) nous avait habitué à mieux. Son nouveau film est décevant, comme si après cinq années d'interruption, le cinéaste avait perdu la main. Nous n'incriminerons pas outre mesure l'extrême didactisme, confinant au simplisme, de l'oeuvre destinée à un public moins "averti" que le public occidental, sa démarche se justifie. En revanche, et malgré un bon pré-scénario (la pièce d'Ibsen), le film est mal écrit, et filmé avec la platitude d'un sitcom. Satyajit Ray vient d'inventer le "sitcom engagé".
  • J'AI ENGAGÉ UN TUEUR (1990)
    Le moins que l'on puisse dire, c'est que Léaud n'est pas engagé ici à contre-emploi. Aki Kaurismaki joue à fond sur son image de douleur silencieuse et obstinée. Rigoureusement. Mais c'est justement là où le film pêche par excès de complaisance : le terrain est par trop balisé, et tout se déroule alors sans grande surprise. Ce qu'il manque au nouveau film d'Aki Kaurismaki, c'est cet émerveillement noir qui faisait le charme des précédents. Aki serait-il mûr pour un changement de registre ?
  • MERY POUR TOUJOURS (1989)
    Le sujet était bon (et même important : la délinquance des jeunes, dans la jungle mafieuse de Palerme comme ailleurs), mais Marco Risi l'a gâché irrémédiablement par son traitement romanesque et démonstratif. On est didactique ou on n'est pas, semble penser le fils de Dino Risi. Ce n'est pas notre avis. Voilà comment le film se perd dans le spectaculaire et le cliché, même avec les meilleures intentions du monde.
  • PREMIERS PAS DANS LA MAFIA (1989)
    "Premiers pas dans la "mafia" peut se voir et se lire à deux niveaux. C'est d'abord une comédie légère et sans prétention, parsemée d'ingrédients inédits et étonnants. Mais c'est surtout un formidable hommage à un acteur formidable : Brando, mythe vivant et certainement le plus grand acteur de tous les temps. Et le néophyte qui fait ses premiers pas face à l'acteur dieu, c'est le cinéaste lui-même (qui se contente de placer et de tenir sa caméra, les acteurs faisant l'essentiel) et sa réflexion à l'image, Matthew Broderick, un futur très grand.
  • LES INSOUMIS (1988)
    Né d'une urgence de filmer, comme il est une urgence de respirer et de vivre, le nouveau film de Lino Brocka est le constat d'une faillite, celle d'un régime qui, à force de compromis, s'est compromis. Lino Brocka, cinéaste musclé (à la Costa-Gavras) mêle avec opiniâtreté scènes intimes et séquences de lutte, dans un contexte où l'individu ne peut échapper à la tourmente extérieure, où le fragile cocon familial est un leurre impossible. Un film important.
  • LA MESSE EN SI MINEUR (1989)
    Guillermou maîtrise parfaitement le crescendo dans la nullité. En fin, s'il maîtrise la moindre chose dans ce film, qu'il ose qualifier "d'hommage à Jean-Sébastien Bach". Casting (vous imaginez le rugbyman Charvet en contrebassiste ? ), "direction" d'acteurs, décor, éclairages, prises de vues, montage. C'est un calamiteux désastre à tous les niveaux. Et à commencer par le scénario, un des plus débiles de l'histoire du cinéma. Que des films de la sorte trouvent producteur et même distributeur est tout simplement un scandale.
  • LE ROI DE NEW YORK (1989)
    Dans un écrin de soie noire, noire comme la nuit, noire comme la mort, brille d'un éclat étrange le visage fantômatique de Christopher Walken. Le film d'Abel Ferrara tout entier peut se résumer dans cette image. Dominé par la présence hors du commun de Christopher Walken en Ange de la mort, "Le roi de New York" est un splendide film noir, qui a de la mort la violence mais aussi la douceur. Lors d'une séquence, le réalisateur appelle Murnau ("Nosferatu") à la rescousse. Figure emblématique et parrainage nullement usurpé.
  • VOYAGEURS SANS PERMIS (1989)
    Après le navrant "Tango et Cash", Andrei Konchalovsky se réhabilite avec "Voyageurs sans permis", road movie doux-amer et même désespéré. James Belushi et surtout Whopi Goldberg campent remarquablement deux marginaux en porte-à-faux avec leurs cerveaux et qui parcourent une Amérique sans rêve, crade et désespérante. Les mythes de l'Amérique, travail, famille et réussite sociale, sont ici revisités par un cinéaste désabusé. Parmi les films "officiels" (ceux "made in Hollywood"), celui-ci est certainement l'un des plus courageux et des plus attachants.
  • L'AMOUR (1989)
    Sandrine, Martine, Joël, Paulo et les autres. Très rohmérien, Philippe Faucon filme les hésitations sentimentales des jeunes de banlieue. Petit désarroi sentimental qui débouchera sur le grand désarroi de la vie. La comparaison avec Rohmer s'impose : les mêmes chassés croisés, la même incertitude, la même détresse, la même primauté de la parole, la même proximité de la caméra aussi. Faucon est ausssi plus tendre avec ses personnages, ses dialogues sont moins écrits et son regard plus fortuit. Une petite chronique bien sympatique.
  • LE RENDEZ-VOUS DES QUAIS (1955)
    Il est finalement bien gentillet, ce film de Paul Carpita. Même vu à trente-cinq ans de distance. Car la censure de l'époque l'avait jugé suffisamment dangereux pour le mettre hors d'état de "nuire", et pour longtemps. On redécouvre enfin ce film longtemps condamné à l'oubli. Il a la grâce et la chaleur d'un Pagnol ou d'un Renoir de la première époque, et les maladresses aussi. Et s'il a été interdit d'actualité, le film de Carpita est sauvé par le Temps, car il reste un bien sympathique document d'époque.
  • L'ETE DES ROSES BLANCHES (1989)
    Attention, l'ère des coproductions internationales tous azimuts commence ! En voici une, américano-anglo-yougoslave, qui permet peut être l'existence même de son objet, mais qui aussi le gâche en partie. Expliquons-nous : le film de Rajko Grlic est délicat et beau, lyrique comme sait si bien l'être le cinéma yougoslave, où se fondent les sensibilités méditerranéenne et slave. Mais la langue anglaise, et malgré la belle prestation des acteurs, est par trop incongrue et nous ramène constamment dans le hors-champ de la production. Dommage !
  • LA BAULE-LES-PINS (1989)
    Diane Kurys aime bien feuilleter les albums de famille, avec ses joies et ses drames. Le drame, en l'occurrence, est celui du divorce. Le sujet n'est pas nouveau, ni son traitement. Film de femme, "La Baule Les Pins" en a la sensibilité, quelque fois la sensiblerie, souvent la misoandrie. On n'est pas forcé d'être d'accord avec le parti pris. On le sera, en revanche, sur le portrait de famille, surtout par la grâce des enfants. C'est sympathique mais d'une mélancolie déjà vue.
  • L'OPÉRATION CORNED BEEF (1990)
    Une comédie française grosse et grasse, faussement impertinente, gratuite (sauf le ticket d'entrée, malheureusement) et jonchée de pitreries. Il reste, dans cette triste farce, quelques bons numéros de comédiens. Ce sont les habituelles circonstances atténuantes. Il serait complaisant de les octroyer. Si on le fait, c'est moins pour sauver le film que pour remercier les acteurs pour la peine (inutile) qu'ils se sont donnée.