Critique(s)/Commentaire(s) de D.W. GRAPHITE

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  • RÊVES (1989)
    Si le sommeil est l'antichambre de la mort (comme on a pu le dire), "Dreams" est en huit stations une tentative d'exorciser la mort, ou plutôt la peur de la mort. Tentative avant tout pathétique, où l'on voit Kurosawa fougueusement retomber dans ses tics les plus maladifs : son humanisme effréné et écorché vif, son hiératisme "théâtre nô oblige", ses masques outrancièrement grimaçants. Restent de belles images et un parcours initiatique à travers la vie et à travers la phantasmagorie d'un cinéaste géant et momifié.
  • CONVERSATIONS NOCTURNES (1988)
    L'aliénation d'un homme, perdu dans la jungle des mots, dans une Amérique aliénée par ses hantises, autant dire que Talk Radio est un film noir. Noir, parce que sa vision de l'Amérique, entre fachos, junkies et tarés de toutes sortes, est tout autre qu'idyllique. Talk Radio est fascinant. Pour cette vision noire mais aussi pour le jeu étourdissant d'Eric Bogosian (par ailleurs co-scénariste) et pour la caméra virevoltante et le montage speedé d'Oliver Stone. On en ressort abasourdi par tant de violence tapie derrière les mots.
  • JOYEUX NOËL BONNE ANNÉE (1989)
    Le couple Michel Serrault Virna Lisi, par le biais de la caméra du toujours vert Luigi Comencini, nous offre un des plus beaux moments d'émotion de cette fin d'année au cinéma. A une époque où les beaux sentiments rivalisent d'ardeur commerciale, ce film tendre et malicieux sait déjouer les pièges du "passage obligé". Il ne faudrait pas passer trop vite sur ce film au titre un peu mal-venu et à l'auteur peut-être trop hâtivement jugé comme galvaudé. Plus qu'un bon film, "Joyeux Noël..." est un film bon.
  • APRÈS APRÈS-DEMAIN (1990)
    Là où Anémone passe, le vaudeville devient poésie. A fortiori lorsqu'elle est accompagnée de vraies perles comme Agnès Soral, Claude Pieplu et Micheline Presle, ou encore Joanna Pavlis. Et a fortiori lorsque Frot-Coutaz signe scénario et dialogues. Résolument moderne, cette comédie est un ravissement constant, pour ses situations, son rythme, et pour la pêche de ses comédiens. Et qui plus est, elle n'oublie pas d'être émouvante. Un vrai bonheur de cinéma.
  • SAILOR ET LULA (1990)
    La Palme d'Or 9O est vraiment ce qu'on a voulu en faire : le reflet de notre époque : complaisant, outrancier, tapageur, violent (hyper), acide, finalement sans grande originalité, si ce n'est la déformation grimaçante du mélodrame sirkien. On reçoit le film comme un sac de sable les rasades de crochets et de directs d'un boxeur exalté. Ce boxeur est ici David Lynch, bien servi (concédons-lui cela) par une mise en scène choc et des acteurs (Nicolas Cage en tête) vitrioleurs. On peut apprécier, mais c'est à vos risques et périls.
  • MES NUITS SONT PLUS BELLES QUE VOS JOURS (1988)
    Alors, naïfs, vous osiez croire que Zulawski filmerait bien sagement le roman (superbe) de Raphaelle Billetdoux ? Des clous ! Notre écorché-vif-et-fier-de-l'être a phagocyté le bouquin, dont il puise seulement le titre et quelques grandes lignes qui lui servent à faire des siennes, une fois de plus. Hystérie et verbiage sont au rendez-vous, dans cette boursouflure larmoyante et grandiloquente, reflet de l'angoisse de vivre post-sida d'un certain milieu parisien.
  • YAABA (1989)
    Face aux machineries prétentieuses du cinéma commercial, ce petit film d'Afrique est une vraie leçon de cinéma. D'une simplicité radieuse, cette chronique villageoise africaine et sa grand-mère bouleversante viennent rappeler les valeurs humaines que les temps (et les hommes) se sont chargé d'éroder. "Yaaba" ne se veut pourtant pas donneur de leçon. Si morale il y a, c'est celle d'une fable, d'une histoire de tous les jours.
  • ALOUETTE JE TE PLUMERAI (1987)
    Plus menteur que Chabrol, tu meurs ! Diabolique Chabrol, qui atteint dans le film de Zucca des sommets d'intrigue sourde et de drôlerie noire. Une histoire toute en mensonges à tiroirs, en fausses pistes et en double-fond (que même le scénariste s'y est un peu perdu). En revanche, le réalisateur maîtrise parfaitement sa caméra et ses couleurs. Mais le roi, le "must" du film est Chabrol, mi-rapace, mi-caméléon.
  • LES BOIS NOIRS (1988)
    Quel ennui ! Difficile de se sentir concerné par ce film lourd qui avance à un rythme de tortue. On y observe les protagonistes comme des intrus au milieu d'une bande d'ahuris du drame romantique. Pas de chance pour notre vamp nationale, banalisée et souvent mal servie (on a vu Deray plus inspiré), et dont c'est la énième "seconde catégorie". Philippe Volter et Geneviève Page, en revanche, sont à meilleure enseigne, malgré le crépuscule que leur réserve le scénario.
  • IL GELE EN ENFER (1989)
    Mocky fait certainement les nanars les plus sympas (parce que les moins prétentieux) du cinéma français. La barque prend l'eau de tous bords, les rames pagaient dans une joyeuse anarchie, mais Mocky et son équipe se sont tellement amusés qu'il en reste toujours quelque chose sur l'écran. C'est donc rocambolesque, frivole, kitch, nymphomane, "demovegou", mais quelque part le cinéma y retrouve ses origines : un merveilleux jouet pour grands enfants.
  • JEAN GALMOT AVENTURIER (1990)
    Si l'aventure exotique vous tente, embarquez-vous pour les Guyanes. Mais il n'y a rien de vraiment nouveau sous les tropiques, ni de très original dans ce film d'Alain Maline, dédié à Félix Eboué et à Frantz Fanon (oui, oui). Les couchers de soleil et les jolies négresses sont toujours aussi photogéniques, ainsi que la sueur fervente sur les fronts nobles des aventuriers épris d'idéaux humanistes. Reste Christophe Malavoy, une nouvelle fois remarquable, qui a bien mérité de la Guyane.
  • BAPTÊME (1989)
    Et lentement s'écoule le long fleuve qu'est la vie, avec ses joies et ses peines, ses moments de bonheur et ses drames. Le film fleuve de René Féret (dédié à ses parents), riche d'un charme désuet comme on n'en fait plus, charrie aussi un bon paquet de sensiblerie "facile". L'authenticité de l'interprétation est pour beaucoup dans la réussite du film, tout comme le travail sur la lumière. Malgré sa bonne volonté, "Baptême" n'atteint cependant jamais l'ampleur de "Heimat".
  • ENNEMIES : UNE HISTOIRE D'AMOUR (1989)
    Une histoire d'amour, deux ou trois ? Le "héros" du film ne s'en sort pas... En revanche, Mazursky s'en sort très bien, avec l'adaptation du beau roman de Singer, à notre plus grand plaisir. Car l'histoire que ne pouvait imaginer qu'un conteur yiddish d'une Europe centrale anéantie par la mort nazie est magnifique, comme ses interprètes, formidables. L'émotion sans le mélodrame, et des personnages dévastés par ce qu'ils ont vécu d'une guerre des ténèbres, è la recherche de dignité et d'un reste de vie.
  • LES AFFRANCHIS (1990)
    Vous avez dit "mafia" ? Voilà bien un milieu et un environnement (urbain, nocturne) où Martin Scorsese s'épanouit, loin des aléas christiques. Nerveux, hyper-violent, d'une férocité au vitriol, pléthorique, "Les Affranchis" nous fait retrouver un Scorsese ethnologue, remarquable portraitiste des intérieurs de la mafia américaine, un Scorsese virtuose, ne reculant devant aucune gageure de montage, filmant et montant comme à la mitrailleuse, un Scorsese sans tabou ni manichéisme, d'une efficacité sanglante.
  • CHINE MA DOULEUR (1988)
    Cinéma chinois ne rime pas avec chinoiseries. Evitant autant l'exotisme racoleur que le pamphlet bruyant, Dai Sijie a fait un film magnifique de simplicité et de pudeur. Récit d'un séjour initiatique tout autant que pied de nez à la bêtise et à la cruauté d'un régime implacable de méchanceté sous son masque débonnaire "Chine ma douleur" procède par petites touches, comme en une estampe, et démontre qu'avant les rues, la fronde s'opère dans les esprits.
  • STANLEY ET IRIS (1989)
    Du cinéma de bons sentiments, comme le cinéma américain institutionnel en fabrique à la chaîne, les yeux fermés et la conscience tranquille. Sentimentalisme et optimisme béats sont les ingrédients de la sauce, dans laquelle baignent Fonda (normal) et De Niro (plus étonnant et plus navrant. ) L'Amérique profonde, vue sous cet angle (malgré quelques concessions critiques), n'a rien de bien passionnant. On est loin des films américains de Louis Malle ou encore, pour citer un flambant pavé dans la mare récente de "Roger et moi".
  • DARKMAN (1990)
    Coup d'esbrouffe d'un cinéaste dopé à l'esprit BD, ce film se fout de la véracité comme d'une guigne. Et prend sans doute ses spectateurs pour des potiches prêtes à servir de réceptacles aux intrigues et aux développements les plus grotesques, débités le plus sérieusement du monde. D'où ce "Darkman" qui plagie sans vergogne ses moult prédécesseurs (car il s'agit bien plus de copiage facile que de "citations"), et qui mériterait de demeurer là d'où il est sorti : dans l'obscurité des faux esprits qui l'ont échafaudé.
  • LA FILLE AUX ALLUMETTES (1990)
    Nourri à Dostoïevsky, Fassbinder et Bresson, le Finlandais Aki Kaurismaki provoque, avec "La fille aux allumettes", l'un des grands chocs cinématographiques de ce premier semestre 90. Un film coup de poing, rigoureux, impitoyable, tranchant comme une lame, sans une image ni une parole de trop. Un règlement de comptes avec le destin, qui marquera longtemps ceux qui l'auront vu.
  • LA PUTAIN DU ROI (1990)
    Histoire vigoureusement romanes que, "La putain du roi" se regarde sans déplaisir. Il est vrai qu'elle ne se veut ni originale, ni (ré)novatrice. Juste romanesque, coulant comme un fleuve en automne (la saison du film). Les acteurs méritent tout particulièrement notre hommage, d'autant qu'ils ne sont pas ménagés par le sort que leur réserve le scénario. On savait déjà les qualités de Valéria Golino (qui après les bien moins réussies "Eaux printanières" semble abonnée aux rôles costumés), on découvre ici celles de Timothy "James Bond" Dalton.
  • ANGOISSE (1986)
    Une fois de plus (après Almodovar), l'originalité et le culot viennent d'Espagne. "Angoisse" en est une illustration particulièrement recommandable : une film "d'horreur" peu conventionnel et très ingénieux. Nous ne sommes pas ici devant UN, mais bien devant DEUX films, défilant en parallèle, et dont le second reprend la situation du spectateur même. Un jeu constant, malicieux et diabolique, entre l'écran et la salle. Savoureux !
  • LECTURES DIABOLIQUES (1990)
    Il semble de plus en plus difficile, dans le cinéma du fantastique et de l'horreur, de trouver des scénarii qui tiennent la route. Celui des "Lectures diaboliques" ne manque pas de piquant, mais trop de facilités viennent gâcher la fin du parcours (par ailleurs, pâlement interprété par la mignonne Jenny Wright), et il ne reste des "Lectures" que l'impression d'être passé à coté d'un grand film, comme le cinéma du fantastique et de l'horreur semble désormais incapable d'en produire.
  • GHOST (1990)
    Une idée originale fait souvent, lorsqu'on en a les moyens, un film réussi. Ici, les moyens n'ont pas manqué, et l'idée originale peut donc s'épanouir et donner une histoire à la fois mignonne (Demi Moore) et musclée (Patrick Swayze), avec un zeste de folie (Whoopi Goldberg) Même s'il n'échappe pas à un certain romantisme rose, qu'il remet aux couleurs de l'époque, "Ghost" est une oeuvre qui ne manque pas de sel. Son succès surprise outre Atlantique (bientôt réédité sur nos terres ?) est amplement mérité.
  • LA DISCRETE (1990)
    Discrètement, mais sûrement, ce film s'annonce comme l'un des plus beaux, des plus d"licieux, des plus épatants moments cinématographiques de l'année. De bout en bout, ce premier film de Christian Vincent est un ravissement. Intelligence du récit et des dialogues, jubilation luchinienne, fraîcheur et pétillance de Judith Henry (assurément une comédienne à suivre) voilà bien un film où le cinéma retrouve son naturel, et nous le bonheur d'une comédie vraie.
  • BLANCS CASSES (1988)
    Les Français en Afrique voilà un sujet qui a déjà été abordé à maintes reprises. Souvent bien (Claire Denis, Jean-Jacques Annaud) mais très banalement dans le cas de Blancs cassés. Le film (résolument petit) de Philippe Venault est sans passion, plat, paresseux, ennuyeux. Le jeu des acteurs en reflète la physionomie générale, et il n'y a que Jacques Bonnaffé et (surtout) John Berry pour maintenir un peu de mouvement dans la torpeur générale.
  • APRES LA GUERRE (1989)
    Toujours dans la veine naturaliste et bucolique du "Grand chemin", Jean-Loup Hubert a réalisé, pour et avec ses enfants, une jolie histoire contre la guerre, cette chose absurde avec son cortège d'atrocités (de part et d'autres) où les hommes, entraînés par une force qu'ils ne contrôlent plus, ne comprennent pas ce qui leur arrive. Images léchées, belle lumière, de jeunes acteurs épatants (Bohringer est moins à l'aise), le film n'a certes pas la force et le lyrisme des "Jeux interdits", mais c'est un bel hymne à la tolérance et un rappel opportun.
  • 3615 CODE PERE NOEL (1989)
    Pour ceux qui croient encore au Père Noël, ce film est un rude coup au moral. Moins un film fantastique pur et dur (dont il use néanmoins des effets), le film de René Manzor est une fable sur la perte de ses croyances d'enfant. Une fable aussi autour de la corruption de l'imaginaire des enfants (et, partant, de ceux qui les entourent : nous ! ) Finis le merveilleux et l'esprit chevaleresque, voici venue l'ère de la destruction pure et simple, et de la destruction infernale. Dommage seulement que Manzor pèche par trop de références directes (même parodiques).
  • DR M. (1990)
    On ne sait si cet hommage à Fritz Lang est bien sérieux. On ne peut certes douter des intentions de Chabrol à ce sujet encore que les enfers en soient pavées, et encore eut-il fallu que le réalisateur ait eu les moyens de son entreprise. Or, l'oeuvre sent la démobilisation. Tout concorde vers une oeuvre de commande baclée. Comment sinon expliquer la laideur étonnante de ce film rebutant, ainsi que la totale absence de ce qui a toujours fait le bonheur du cinéma chabrolien, la direction d'acteurs ? Non vraiment, ce "Dr. M" est un Chabrol à oublier.
  • LEVIATHAN (1989)
    Dans un bâtiment isolé, ajoutez un passager clandestin indésirable, si possible dangereux, inconnu et, encore mieux, incontrôlable. Le suspense est garanti, il suffit de (relativement) bien doser les tensions entre les personnages (un méchant par ci, un noir à sacrifier par là, deux ou trois jolies filles et un chef contesté), de maîtriser le temps de cuisson et le tour est joué. Voilà donc la recette, déjà maintes fois servie (avec un modèle récent : "Alien"). Mais on nous la ressert encore, parce que c'est facile, trop facile.
  • TILAI (1990)
    Idrissa Ouedraogo persiste et signe. Il nous livre son drame d'une main calme et sereine, on pourrait même dire nonchalante. Le problème est que le réalisateur burkinabé se renouvelle très peu et utilise sans le changer d'un iota le langage qui avait fait le bonheur de "Yaaba". Malheureusement, il manque ici la spontanéité de "Yaaba" et sa chaleur, comme il manque la tension qu'on aurait pu attendre d'un tel drame. Et l'on reste suspendu, abandonné à l'aridité africaine.
  • PRETTY WOMAN (1990)
    S'il s'était pris au sérieux comme la plupart de ses homologues américains ce conte de fées aurait été aussi creux que faux. Mais voilà, "Pretty woman" sait bien qu'elle ne peut nous faire prendre des vessies pour des lanternes. Alors, elle joue cartes sur table, et c'est bien. "Pretty woman" dit ce que le cinéma hollywoodien maîtrise si bien: le rêve d'une autre vie. Julia Roberts et Richard Gere sont ce rêve là, Cendrillon et son Prince charmant. Puis arrive minuit et il faut rentrer. On rentre, encore sous le charme. C'était bien.
  • TATIE DANIELLE (1990)
    La magnifique interprétation de Tsilla Chelton, sadique à souhait, fait tout l'éclat de ce film. D'une façon générale, tous les comédiens sont excellents, preuve d'une parfaite direction d'acteurs. Mais globalement, on reste un peu sur sa faim ..... Ce n'est pas que le film soit "raté" mais il est comme en deçà de ce que l'on pouvait attendre de surenchère de la part du réalisateur de "La vie est un long fleuve tranquille". Néanmoins, le film ne manque pas de bons moments. Il n'y a pas lieu d'être trop méchant .
  • LACENAIRE (1990)
    La peine de mort existe encore au cinéma, mais le couperet tombe souvent sur des films qui ne le méritent pas. Ce "Lacenaire", en revanche, aurait amplement mérité de la guillotine. Francis Girod confirme ici ses piètres dispositions de réalisateur et ses non moins piètres talents de directeur d'acteurs. Tout ici sonne faux et creux, tout est lamentable. On en sort accablé, pour Lacenaire, (paix à son âme) autant que pour le pauvre Daniel Auteuil et pour le cinéma français (qui heureusement ne manque pas de meilleurs serviteurs). A fuir absolument.
  • LE PETIT CRIMINEL (1990)
    Rarement, le cinéma occidental récent aura su trouver de tels accents de sincérité, d'authenticité, de vérité. Ce magnifique film, interprété avec une intensité rare par ses comédiens (Gérald Thomassin ainsi que Clotilde Courau deux lumineuses révélations et Richard Anconina dans son rôle le plus beau et le plus émouvant), marque un point d'orgue dans l'oeuvre de Jacques Doillon, cette fois étonnant de pudeur et de calme énergie. Rarement, le cinéma français récent se sera autant rapproché de sa société et de ses jeunes. Enfin une oeuvre vraie !
  • LES EAUX PRINTANIERES (1988)
    Une romance tragique tout ce qu'il y a de plus classique, qui déçoit beaucoup de la part du cinéaste polonais, auteur d'oeuvres plus fortes, de "Travail au noir" au "Bateau phare". Tout en n'apportant aucune originalité et aucune innovation notable au thème vieux comme le cinéma (et même plus vieux encore), la réalisation est cependant honnêtement menée. Le film ravira les romantiques mélancoliques et les admirateurs de Nastassja Kinski, qui littéralement illumine le film (le directeur de la photo en sait quel que chose).
  • AU-DELA DU VERTIGE (1988)
    On attendait mieux de Zanussi, surtout plus de rigueur. Mais non, "Au-delà" du vertige est lourd et particulièrement mal filmé. Le réalisateur confond atmosphère avec filtres à caméra, nous imposant deux heures d'images mastoc très malheureuses. Ce désastre ne devrait cependant rien enlever au crédit de Renée Soutendijk, qui fournit une prestation impressionnante dont il est dommage que les nuances pâtissent du parti-pris esthétique du réalisateur.
  • MELODIE POUR UN MEURTRE (1989)
    "Sea of love" le titre est de dérision. En cela, il n'est pas mal choisi. Mais ne vous y trompez pas, le romantisme est celui d'un désespéré, Al Pacino en héros-blues-qui sait-se-démener-quand-il-le-faut vraiment. Il faut dire qu'Ellen Barkin, troublante de sensualité animale (bye bye Basinger) et d'ambiguïté, vaut tous les risques. "Sea of love", et ce n'est pas le moindre de ses mérites, a aussi le courage d'y aller franchement, à une époque où le sida a flanqué un sacré coup de froid pudibond aux concepteurs de scénarios hollywoodiens.
  • CHASSEUR BLANC, COEUR NOIR (1990)
    Clint Eastwood est un cinéaste (et un acteur) à deux visages. Il y a d'un coté l'Inspecteur Harry, violent et facile, de l'autre le réalisateur de "Bird" (et maintenant de "Chasseur blanc, coeur noir"), d'une violence plus subtile. Dialogue avec John Huston par cinéma interposé, mais aussi grandiose réflexion sur l'ego, "Chasseur blanc, coeur noir" est un film où l'on trouvera autant l'aventure que l'empoignade psychologique et la chronique cinéphilique. Du grand cinéma.
  • MYSTERY TRAIN (1989)
    L'Amérique, sous le regard de Jarmush, c'est enfin autre chose que cette image étincelante véhiculée par Hollywood. Memphis, Tennessee, lieu de culte du King, Elvis Presley, est une ville désaffectée, paumée, morte, fantômatique. Et Memphis, Tennessee, c'est un peu d'Amérique profonde. Alliant l'humour et la mélancolie, l'élégance et le rythme, Jarmush amuse, subjugue et envoûte. Les deux premiers volets de ce TRIPtyque sont particulièment savoureux. Balade blues, dans la lignée des précédents Jarmush. Un train à ne pas manquer.
  • TUMULTES (1990)
    Un sujet grave et juste, des dialogues beaux et justes, une distribution judicieuse et juste, des acteurs émouvants et justes (tout particulièrement la merveilleuse Nelly Borgeaud). D'où vient alors qu'on sort pourtant du film légèrement désappointé (parce qu'empêché d'une "immersion complète") ? Peut-être parce qu'à force de vouloir faire juste, le réalisateur a filmé de façon trop convenue. Peut-être a-t-il trop fait parler ses personnages et trop peu l'Absent. Peut-être a-t-il trop peu donné la parole au silence.
  • PATTI ROCKS (1988)
    L'univers (mental) des hommes, éternels enfants. A travers un voyage nocturne, un quasi huis-clos (en road-movie théâtral) épatant et dégrisant sur un (in)certain machisme. A la fois grave et hilarant, voici l'un des films les plus intéressants du moment. Pour hommes et pour femmes, pour tous les grands enfants.
  • LA VENGEANCE D'UNE FEMME (1989)
    On pourrait penser que le film de Doillon se termine là où il aurait dû commencer. Il est vrai que "l'action" est lente et que ses protagonistes parlent parlent parlent sans répit. Le paradoxe, c'est que pour refuser (et réfuter) le manichéisme réflexe, le scénario devait nécessairement "prendre son temps" pour mettre en place les éléments de la confrontation. Et quelle confrontation ! Un face-à-face bergmanien entre une comédienne souveraine (Isabelle Huppert) et une autre qui a enfin trouvé un rôle à la mesure de ses potentialités.
  • MISS DAISY ET SON CHAUFFEUR (1989)
    Une histoire gentille et inoffensive, loin des grands tumultes de l'Histoire, loin du bruit et de la fureur du monde. D'aucuns diront "aseptisée", et ils n'auront pas tort. Mais pourquoi mégoter ? Le cinéma laisse une place à Spike Lee et une autre à Miss Daisy. Alors, apprécions-en le charme désuet, la lumière tamisée et la superbe interprétation de Jessica Tandy et de Morgan Freeman. Sans pour autant oublier les grands tumultes de l'Histoire, aux accalmies trompeuses.
  • LA VIE ET RIEN D'AUTRE (1988)
    Un sujet en or cette homérique entreprise pour identifier les centaines de milliers de morts au dit "champ d'honneur". Hélas, Tavernier s'embourbe dans les tranchées de son champ de bataille et dans les chemins tortueux de sa romance (au demeurant, Noiret et Azéma sont magistraux). C'est tellement long qu'il est obligé de faire vite et donc de nous bombarder d'un déchaînement inlassable de mouvements de caméra, de coups de montage et de bavardages crépitants. Soumis sans répit à cette rafale harassante, on en sort passablement estourbi.
  • TANTE JULIA ET LE SCRIBOUILLARD (1990)
    Le roman (luxuriant) de Mario Vargas Llosa, phagocyté par William Boyd et transposé dans la Nouvelle-Orléans des années quarante, donne surtout à Peter Falk l'occasion d'un one-man-show magnifique de cabotinage gai et débridé. En face de lui, Barbara Hershey, sobre et mesurée, et Keanu Reaves, anodin, semblent jouer les simples figurants. Réalisé sans grande originalité, le film de Jon Amiel n'a d'autre prétention que d'être un bon divertissement gratiné, à la Peter Falk. Une cuisine qui passe facilement. Sans indigestion.
  • L'AMOUR EST UN CHIEN DE L'ENFER (1986)
    Cela commence comme un récit initiatique pour finir comme l'histoire d'une déchéance. Le film est produit par la Belgique mais, inspiré par l'oeuvre de Charles Bukowski, il est 1OO% américain, versant noir du mythe "American graffiti". Noir comme une eau profonde la nuit, comme une tempête, comme la poésie de Rimbaud, comme la tourmente d'une camé enfin, "L'amour est un chien de l'enfer" est un film désespéré, un long sanglot, sous lequel perce la désillusion de la pureté, la révolte, le refus d'un monde trop ordinaire. A boire absolument (mais avec modération !).
  • COEURS FLAMBÉS (1986)
    Discrètement, pudiquement, avec tendresse et délicatesse, "Coeurs flambés" nous parle de solitude et de besoin d'amour. La gravité est toujours tempérée par l'humour et la cordialité du ton, et par la chaleur de l'actrice principale, l'émouvante Kirsten Lehfeldt. L'atmosphère, mal servie par un sous-titrage laconique, peut paraître trop peu familière. Mais ici comme au Danemark, les coeurs ont le même besoin de flamber et les hommes doivent autant prendre à deux mains le courage d'être vulnérable.
  • MISS MISSOURI (1989)
    C'est tellement niais que ça en devient grotesque. D'emblée, le film semble tiré d'un mauvais roman de gare. Tout y est navrant, frisant la débilité profonde, du scénario et des dialogues au jeu du pauvre Anconina (bien meilleur en second rôle qu'en tête d'affiche), en passant par la lumière. Et ne parlons pas du portrait de l'Amérique "profonde". "Miss Missouri", à défaut de coupes ou de lauriers, peut prétendre au titre du film le plus nul de la saison.
  • TROP BELLE POUR TOI (1988)
    A sujet banal (un homme entre deux femmes), traitement peu banal: Bertrand Blier a décidé d'aller à l'encontre des règles habituelles de scénario, et de déconstruire sa narration. Résultat : un puzzle navigant entre réel et imaginaire, où les dialogues sont constitués de ce que les personnages pensent et non de ce qu'ils se disent réellement. Conséquence : un film sans consistance, où l'espace comme le temps flottent dans un vide fictionnel que nourrissent les "dialogues" hasardeux, la musique de Schubert ad nauseam et la fausse fluidité de l'image.
  • LES DEUX FRAGONARD (1989)
    L'idée de départ était très forte, ce combat entre la vie et la mort par art interposé, entre deux frères et autour d'une jeune fille. Malheureusement, ce va-et-vient entre gravité et légèreté reste, sous la houlette du réalisateur, fort conventionnel, lisse comme une toile de Fragonard. Trop lisse pour un tel sujet, hélas. On ira, cependant, pour revoir un bon quatuor : Joaquim de Almeida, Robin Renucci, Philippine Leroy-Beaulieu et Sami Frey. Comme au théâtre.
  • LA CAPTIVE DU DESERT (1989)
    La "captive" de Depardon, sur le mode d'un quasi-documentaire, nous plonge dans un au-delà de nous mêmes et de notre conscience. D'emblée, nous sommes directement (par le décalage de culture, d'identité et de mémoire) concernés, d'emblée, nous sommes directement (par la force de l'image de Depardon) projetés dans cet espace étrange, lunaire, qu'est le désert, et d'emblée nous y sommes autant étrangers et nous en sommes autant prisonniers que la captive (personnage de fiction ou Sandrine Bonnaire-même ? ). Vision étrange, belle, hallucinante.