Critique(s)/Commentaire(s) de D.W. GRAPHITE

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  • DELICATESSEN (1990)
    Attention, le cinéma nouveau est arrivé ! Mais ce n'est pas forcément une bonne nouvelle, même si l'oeuvre est visiblement jouissive, espiègle et inventive à souhait. Car, formés à l'école du clip (musical, mais surtout publicitaire), les réalisateurs jonglent certes avec les effets spéciaux et les blagues à tout va, mais au détriment de l'émotion et de la chaleur. Gratuité des effets, frime et m'as-tu-vu sont donc au rendez-vous, non sans virtuosité (nous le concedons volontiers), pour un film fou, mais à la folie artificielle et froide.
  • ET LA LUMIERE FUT (1989)
    "Et la lumière fut" laisse perplexe. Ce regard occidental sur l'Afrique charrie son lot d'images plus proches du cliché et des attentes d'exotisme que de la poésie.. Pourtant, on ne peut se méprendre sur la générosité des intentions de Iosseliani : filmer (à la documentaire) un monde originel, et filmer la fin d'un monde. Mais l'attrait du film pour le folklore et la légèreté du traitement montrent à l'évidence que le cinéaste s'est fourvoyé dans une vision de "touriste engagé". Un touriste qui se voudrait plus royaliste que le roi.
  • DERNIÈRE SORTIE POUR BROOKLYN (1989)
    "Moi, Christiane F. " avait déjà démontré le talent glauque d'Uli Edel pour dépeindre l'univers des zonards jusqu'au-boutistes. Pour "Dernière sortie", le cinéaste a disposé de plus de moyens et nous fait donc "bénéficier" d'une plus grande prodigalité dans cette descente aux Enfers. Cru, violent, exhibitionniste, "Dernière sortie" ne perd que peu d'images pour s'attendrir. Son dessein et d'estomaquer, de bousculer ceux d'entre nous qui ignorent les nuits noires et les matins blafards de nos jungles.
  • NOCE BLANCHE (1989)
    Pour qui a vu les deux premiers films de Jean-Claude Brisseau, moments forts comme on n'en voit que trop rarement dans le cinéma français, ce troisième est une déception. Tout en restant fidèle à sa thématique (la jeunesse face au monde) et à son acteur fétiche (Bruno Cremer, toujours aussi remarquable) Brisseau s'est enlisé dans un romanesque à la limite de la mièvrerie, support marketing pour Vanessa Paradis, dont l'indispensabilité pour le rôle est discutable.
  • YOUNG GUNS (1988)
    On croyait que Peckinpah et Léone avaient porté l'estocade finale au mythe du western, mais celui-ci bouge encore, et Christopher Caine dégaine à son tour pour vider son chargeur dans le tas. Mené par une escadrille de nouveaux pistoleros du cinéma américain (et tout devant Emilio Estevez et Kiefer Sutherland), "Young guns" est un western "sale" et bruyant, où tout le monde est pourri jusqu'à la moelle, où Billy-le-Kid est un usurpateur immature et son gang une poignée de trouillards allumés. Les westernophiles ne seront pas déçus.
  • LES AVENTURES DU BARON DE MÜNCHHAUSEN (1988)
    L'entreprise est tellement gigantesque que le pauvre spectateur, minuscule fourmi, est complèment englouti dans des effets spéciaux aliénants. Et tel un dinausaure, le film de Gilliam est trop lourd pour bou- ger sa carcasse monumentale. C'est vraiment dommage, car le travail effectué est kolossal. Mais il arrive un moment à l'organisme (du pauvre spectateur, minuscule fourmi) d'être saturé du doping visuel.
  • UNE SAISON BLANCHE ET SÈCHE (1989)
    Les bonnes causes ne font pas forcément les bons films. Elles font d'ailleurs souvent le contraire quand, comme "Une saison blanche et sèche", elles s'empêtrent dans un sentimentalisme de larmes et de sang et dans un manichéisme primaire. Le film, qui semble conçu si on en juge par son esthétique pour la télévision, est certes une adaptation honnête du roman d'André Brink. Mais ses effets de manche sentimentalistes sont autrement ravageurs. Seul Marlon Brando, immense, vaut le déplacement.
  • UN ANGE A MA TABLE (1990)
    Une très belle fresque intime et familiale, dont la poésie essaie (et parvient) d'aller à la rencontre de la sensibilité du personnage dont s'inspire le film. Film généreux, tendre et humble (de l'humilité de ceux qui savent s'effacer derrière la sincérité de leurs sujets), "Un ange à ma table" est des oeuvres que l'on garde longtemps dans sa mémoire. Comme une sensation belle, comme un ami fidèle.
  • COMÉDIE D'AMOUR (1989)
    Michel Serrault est tellement grandiose qu'on pardonne au réalisateur toutes les licences qu'il a pu prendre avec la réalité, par ailleurs fort licencieuse (sinon plus ! ). D'autant que les dialogues, grâce à Léautaud, mais aussi grâce à ses adaptateurs, sont parmi les plus remarquables que nous ait offert le cinéma français depuis bien longtemps. Amoureux du cinéma littéraire, et vous qui savez que Michel Serrault et l'un de nos plus grands comédiens dans l'absolu, précipitez-vous sans attendre sur ce petit fléau.
  • LE CUISINIER, LE VOLEUR, SA FEMME ET SON AMANT (1989)
    Pompeux et lourd, le nouveau film de Peter Greenaway tombe dans les pires travers de son auteur lorsque celui-ci se prend trop au sérieux : condescendant, il étale sans vergogne sa fatuité, comme sa provocation scatophile et morbide. Il n'y a décidément rien à prendre au menu. Sans humour ni saveur, le propos se perd dans un magma de tableaux baroques, débordants jusqu'à la nausée. Indigestion assurée.
  • MISTER NORTH (1988)
    Un bien beau film, d'une facture classique, littéraire et "british", sur lequel plane l'ombre et l'esprit de l'Irlandais tutélaire, le grand John Huston. Ce premier film du fils pourrait bien, en fait, être le dernier du père. John Huston est d'ailleurs crédité de la production et du scénario. Pour servir le Maître, tous jouent léger, aérien : l'exquise Anjelica Huston, l'impérial Robert Mitchum, Lauren Bacall, hustonienne de toujours, Anthony Edwards en nouveau Redford, et aussi Virginia Madsen, une très heureuse rencontre.
  • HELSINKI-NAPOLI (1987)
    Suite à la rencontre de deux anti-cyclones, l'un finlandais, l'autre italien, au-dessus de Berlin, un petit air frais et sans prétentions souffle sur le petit monde des séries B. D'un coin à l'autre d'un Berlin nocturne, peuplé de personnages attachants, voici une équipée pléthorique, chaotique, joyeuse (à l'image de Nino Manfredi) et sympatique. Avec en prime moult apparitions revigorantes, notamment Jean Pierre Castaldi en Ruskoff et le vieux Samuel Fuller en "méchant" gangster.
  • PLUIE NOIRE (1989)
    Un petit colis fixé à un parachute et qui lentement glisse vers Hiroshima, et quelques instants plus tard c'est l'Enfer. "Pluie noire" est un film d'après la Catastrophe, qui fixe le destin de ces "monstres" que sont devenus les survivants, pour leurs compatriotes mêmes. "Pluie noire", film grave mais jamais sentencieux, est filmé dans un très beau noir-et-blanc délavé. Pudique, il ne fait cependant pas d'ellipse sur l'infernal carnage. Imamura nous met dans l'obligation de voir. Le témoignage est une exigence morale.
  • UNE HISTOIRE DE VENT (1988)
    Un vieil homme qui part au bout du monde à la rencontre du vent, quel beau sujet de légende antique ! Plus qu'un film, Une histoire de vent est un poème. Un poème où souffle un lyrisme jubilatoire. A 9O ans, le plus vieux cinéaste vivant donne une belle leçon de cinéma aux nouvelles générations "d'hommes à la caméra". Instants magiques lorsque Ivens traverse le décor lunaire de Méliès. Ivens, l'homme qui voulait "dompter le vent avec la caméra" et qui y réussit.
  • UN TOUR DE MANÈGE (1987)
    Il vaut mieux avoir les yeux rivés sur Juliette Binoche et oublier tout le reste, dans ce film. Car le reste, ce n'est pas grand chose, hélas : une histoire banalissime, une mise en scène aux antipodes de la moindre originalité, des dialogues inoffensifs. Oui, il vaut donc mieux garder les yeux rivés sur Juliette Binoche et, lorsque son rôle lui autorise une apparition, sur Denis Lavant, magnifique.
  • LE TEMPS DES GITANS (1988)
    La musique, les couleurs, les personnages, la composition des images, les mouvements de caméra d'emblée, "Le temps des gitans" nous emporte dans son giron envoûtant. Deux heures et demie plus tard, on en ressort émerveillé et fort ému. "Le temps des gitans", histoire d'amour aux arômes des Balkans, poésie de la terre et du destin, symphonie baroque, est un film-fête halluciné au souffle épique. Qui confirme Emir Kusturica comme un des plus brillants (et mégalos) cinéastes actuels.
  • AFFAIRE NON CLASSEE (1991)
    Au thème de prédilection du cinéma américain la famille (on n'a pas fini d'essayer de se réconcilier) et une forme de prédilection le prétoire (on n'a pas fini de s'affronter). Mélangez bien, et cela donne Affaire non classée (ou, précédemment, Music Box, au scénario nettement plus intéressant). Ici, l'interprétation honnête des acteurs (avec la sensualité en plus pour Mary Elizabeth Mastrantonio) reste l'intérêt principal de cette énième variation sans originalité mais où l'on ne s'ennuie pas non plus. C'est déjà çà.
  • LES LIAISONS DANGEREUSES (1988)
    Malgré tout ce que les "puristes" trouveront à redire sur l'esprit ou la lettre de toute adaptation d'une oeuvre littéraire, malgré les griefs des esprits chauvins qui se réservent le droit d'adapter les classiques bien français, j'affirme haut et fort que le film de Stephen Frears est superbe, un vrai et grand plaisir qui se laisse apprécier de bout en bout. Perverse, malicieuse, hédoniste, servie par des acteurs de haute volée (ma préférée est Michelle Pfeiffer, é-ton-nan-te), la mise en scène prend réellement son pied. Et nous avec elle.
  • IN BED WITH MADONNA (1990)
    "Documentaire" ? On peut en douter. Les coulisses de la star ressemblent plus à une scène bis, où l'émule de Marilyn continue à jouer les saintes nitouches. Le spectacle vole bas. Rien à redire, en revanche, sur les qualités de montage du film. Si sa commanditaire échoue à masquer ses intentions démagogiques, son metteur en scène s'avère un artisan de très bon calibre. Il faudrait le voir à l'oeuvre sur des sujets plus consistants.
  • BRULANT SECRET (1988)
    Burning secret. Brandauer énigmatique (c'est un grand, je vous dit ! ) et Dunaway fragile et déchirée (d'une délicatesse aux antipodes de "Barfly")une rencontre magnifique, celle d'une âme tourmentée et d'une âme frustrée. L'univers de Zweig parfaitement reconstitué, comme en une machine à remonter le temps.
  • BIX (1990)
    La musique est superbe. Et c'est tout. Car le scénario, en voulant inutilement éviter le récit linéaire et chronologique, ne démontre plus rien, et la mise en scène, bien que Pupi Avati ait semblé très motivé par son sujet (cf. ses déclarations à la presse), est quasiment inexistant. Il reste la musique (de l'excellent jazz blanc des années vingt). Certes l'essentiel pour un film jazz. Mais alors, on pourrait se contenter du disque.
  • LA REINE BLANCHE (1990)
    En dehors des modes et des nouvelles esthétiques, Jean-Loup Hubert poursuit imperturbablement son (grand) chemin, toujours en liaison directe avec le cinéma français le plus classique, celui "d'après à la guerre". Evidemment, l'oeuvre semble alors quelque peu anachronique, et même dépassée, tellement elle reste figée dans son classicisme. Dans ces conditions, Jean Carmet (qui en aurait douté) et Richard Bohringer s'en sortent haut la main. En revanche, Catherine Deneuve semble mal à l'aise : qui n'avance pas recule ?
  • UN COEUR QUI BAT (1990)
    Insondables sont les mystères d'une âme, car faites de mille quêtes et de mille détresses. Une rencontre, quelquefois, met deux âmes en présence, deux mystères. Il y a alors espoir, tentative de parole, mais le mystère demeure. Le film de François Dupeyron (réalisateur déjà remarqué pour le très beau "Drôle d'endroit pour une rencontre") prend le temps du geste et de la parole, il prend le temps du désir et de la quête. Profond, tendre, attentionné, hédoniste, avec aussi la cruauté de la lucidité, il raconte son histoire. Belle et désespérée.
  • COUPABLE RESSEMBLANCE (1989)
    L'usine Hollywood en sort à la chaîne, de ces produits standardisés, où le scénario est un moteur plus ou moins capable d'entraîner la carosserie d'images montées, et où les acteurs ne sont que de simples pièces de rechange, interchangeables à souhait. James Woods, ici, "fonctionne" bien. Et c'est tout ! Les concepteurs du film, qui connaissent sur le bout des doigts tous les vieux trucs, ne se sont vraiment pas surmenés. Et les décors de tribunaux, terrain bien balisé, permettent aux scénaristes de manoeuvrer en pilotage automatique.
  • QUAND HARRY RENCONTRE SALLY... (1989)
    Coté pile, une comédie malicieuse autour du thème "Vont-ils le faire ou pas ? ". Et "le", c'est l'amour, le sexe, enfin la préoccupation n°1 de l'homme urbain occidental. Coté face, une chronique émouvante de l'amour et de l'amitié, au tour de la grave question "L'amour rend-il l'amitié impossible ?". La pièce rend un tintement à la fois gai et chaleureux. Et le film est très certainement ce que le cinéma américain a fait de plus réjouissant depuis longtemps.
  • LES NERFS À VIF (1991)
    Robert De Niro, démoniaque, au meileur de sa forme, bien vite transforme ce thriller ténébreux en histoire réellement terrifiante qui en clouera plus d'un sur son siège si ce n'est en-dessous. Martin Scorsese démontre qu'il maîtrise parfaitement les lois du film de genre, du moins en ce qui concerne le polar. Déjà considéré comme le plus grand cinéaste américain actuel, il va finir par complexer ses collègues. Il faut espérer qu'il fera aussi des émules. Pour le plus grand bien des amateurs d'émotions fortes.
  • LA LÉGENDE DU SAINT BUVEUR (1988)
    Cet homme va mourir, mais ces quelques jours qu'il lui reste à vivre, il va avoir un avant-goût du paradis. Fidèlement adapté d'une longue nouvelle de Joseph Roth (la dernière, terriblement autobiographique), ce film d'Ermanno Olmi a une douceur, une bonté, une générosité véritablement anachroniques. Rutger Hauer, émouvant et détonnant dans un contre-emploi au regard vitreux, et Sandrine Dumas (les plus beaux yeux du cinéma français), irrésistible, donnent vie (intérieure) et grâce à ce conte, désespérément beau.
  • CORENTIN OU LES INFORTUNES CONJUGALES (1987)
    Une aimable plaisanterie, empoudrée et emperruquée. Si on y cherche plus que cela, on ne trouvera pas. L'idée de départ est originale, certes : cette belle-maman qui a jeté son dévolu sur la nonchalante fortuné du sieur Corentin et qui l'accuse devant une très pittoresque commission d'être un constipé de la braquette. Hélas, la plupart des personnages manquent totalement d'énergie, ce qui nous donne un film à la fois morne et décousu, qui vaut surtout par quelques éclats épars.
  • STELLA (1982)
    Encore une fois, le cinéma hollywoodien s'emploie à restaurer l'état de la famille américaine, cette fois avec Bette Midler dans le rôle de la Mère Courage. Plutôt convaincante, d'ailleurs. Quant au film, on aurait pu craindre les pires débordements du mélodrame "de bonnes femmes". Il n'en est rien, heureusement, et "Stella", sans vouloir trop lui en demander, s'en tire bien.
  • OÙ QUE TU SOIS (1986)
    Une atmosphère étrange, où l'inéluctabilité de l'accident et de la mort se mêle aux fausses craintes et aux mensonges flous. Même s'il aborde un sujet pas particulièrement folichon, ce road-movie, mâtiné de chansons de Paolo Conte, ce "petit film" ne mérite pas de passer inaperçu parmi la programmation actuelle.
  • FAUX-SEMBLANTS (1988)
    Spécialiste des transformations kafkaïennes, David Cronenberg nous en a concocté une nouvelle histoire à chair de poule. Cette fois, il s'agit de jumeaux (campés par un Jeremy Irons époustouflant) qui vont s'entre-dévorer, sombrant dans une schizophrénie sans fond. Sans effets spéciaux sanguinolents, Cronenberg réussit la double gageure, technique (Jeremy Irons face à "lui-même", très fort ! ) et psychologique (quel pressing !) qu'il s'est imposée. Faux-semblants est incontestablement son meilleur film.
  • PARRAIN D'UN JOUR (1988)
    L'amitié n'est peut-être pas (encore) une valeur perdue, mais elle est devenue une valeur rare, donc précieuse. Quelque chose d'anachronique, comme cette autre notion, l'honneur. David Mamet (scénariste des "Incorruptibles") a écrit une superbe histoire sur l'amitié, une fable au goût de naguère, où Don Ameche émouvant et Joe Mantegna touchant forment un duo aussi classique que magnifique. Lumière et bonheur !
  • DEUX (1988)
    Claude Zidi s'est aventuré dans un genre qu'il connaît bien peu, le drame et qu'il est loin de maîtriser. Et bientôt le drame dégénère en mélodrame. Quelques belles répliques perdues au milieu d'un fatras grandiloquent, un scénario lourdingue, des incohérences grossières, une "psychologie" qui se prend dans ses propres filets et une prédilection pour les coups de théâtre kitsch font de ce film navrant l'anti-must du moment. Dommage pour Depardieu et pour Detmers. Zidi, retourne donc aux comédies !
  • PERMIS DE TUER (1989)
    Scénario et cascades OK, mais voilà un "Bond" différent, plus musclé et plus violent, moins charmeur et moins spirituel. On assiste à un appauvrissement, du moins à une désacralisation, du personnage. Qui imaginait Bond s'abaisser à la vengeance ? Ce n'est pas encore du Bronson, mais c'est déjà presque du Mel Gibson. Les femmes participent à cette tendance. Moins plantureuses et moins "objets", elles sont devenues actives et ont de l'influence sur le héros comme sur l'action. C'est çà, la modernité !
  • MORT D'UN COMMIS-VOYAGEUR (1985)
    Pièce d'Arthur Miller, le film de Schloendorff est du "théâtre filmé" pur style, qui paraîtra rébarbatif aux détracteurs du genre. Quant aux autres, ils ne sortiront pas intacts de cette fin de parcours terrible, de cette confrontation bouleversante entre un père et son fils. Dustin Hoffman s'y confirme un géant du cinéma actuel et John Malkovich se révèle, dans un rôle poignant, un des espoirs les plus surs pour le cinéma de demain.
  • TABATABA (1987)
    On va peut-être reprocher à ce film sa lenteur paresseuse, qui semble prendre des allures précautionneuses. On peut aussi lui reprocher son maniérisme. De fait, le film est très beau. Sa beauté plastique n'est plus maniériste quand on sait l'artisanalité habituelle des films du tiers monde. Sa lenteur, elle, le met un ton au-dessus des habituels pamphlets manichéens de la dialectique anti-colonialiste. Ici, on est conscient d'un désarroi profond et digne, celui d'un peuple jeté dans un jeu de massacre au-delà de sa culture.
  • CHEESEBURGER FILM SANDWICH (1987)
    C'est le risque pour tous les films à sketches, et celui-ci ne faillit pas à la règle : à part quelques (rares) bonnes séquences, l'ensemble est plutôt décevant. Plat et sans saveur comme un quelconque programme de télévision. Sa seule qualité : il se laisse vite oublier.
  • JE SUIS LE SEIGNEUR DU CHATEAU (1988)
    "Il ne s'agit plus de vivre, il faut règner" décline le fils du châtelain au début du film. Et la lutte pour le "pouvoir" peut commencer. Ce qu'il y a de plus fascinant, dans cette confrontation, c'est justement la personnalité des deux jeunes garçons, qui font une composition hallucinante. En revanche, la réalisation (et là, Wargnier persiste et signe) pêche par trop de lourdeurs. D'un gothique mastoc, le film s'empêtre dans son armure.
  • ENCORE (1987)
    Le premier film français sur le thème du sida choisit délibérément la carte du non-spectaculaire. Un parti-pris fort louable. Vecchiali, champion toutes catégories du plan-séquence, a peaufiné un exercice de style en forme de pièce de théâtre, aux dialogues solides et littéraires ... mais si l'action est anti-dramatique, retenue, visant plutôt la réflexion que les sens, la mise en place des éléments du drame (et de la problématique) se fait un peu attendre ... Austère, anti-lyrique, quelque peu aride, mais sage, fort et marquant.
  • A GAUCHE EN SORTANT DE L'ASCENSEUR (1988)
    Quiproquos à gogo et rebondissements -la recette est désormais bien connue- mais là où le nouveau Molinaro fait mouche, c'est un véritable feu d'artifice que nous concoctent les principaux acteurs ...... tous s'en donnent à coeur joie, avec une belle complicité. Résultat : une comédie pétillante, pétaradante, sans répit aucun ...... avec une mention particulière pour Bohringer, halluciné et hallucinant .
  • UN ENFANT DE CALABRE (1987)
    Ce film de Comencini a quelque chose d'anachronique, parmi la programmation actuelle. Entre méga-productions, stars du médiamatraquage et clinquances à la "matez-mes-effets-speciaux", voici une oeuvre tendre et émouvante, naturelle et belle. Comencini est désormais bien catalogué comme "cinéaste de l'enfance". Au-dela de son theme prefere, il a su renouvelerses perssonnages, ses images, ses émotions. Ne ratez pas son petit coureur de Calabre.
  • INTERVISTA (1987)
    Fellini ne fait plus que le même film depuis cinq ans, diront certains. Le maestro sait si bien saisir la magie disparue du cinéma d'antan, peut-on également assurer. "Intervista", hommage à Cinecitta (cinquantenaire, cette année) est un moment très émouvant (et très lucide), qui ravira les felliniens inconditionniels et beaucoup d'autres.
  • LES INNOCENTS (1987)
    Ah, ces jeunes ! Il y en a une qui ne sait pas ce qu'elle veut, un qui sait ce qu'il a à faire (et qui le dit et qui le fait ...) et un autre qui sait ce qu'il n'aime pas (les Arabes). Quant au plus jeune, il est carrément muet. Techine nous parle donc des jeunes. Avec une caméra tournoyante et des zooms incessants, à vous laisser flagada, un discours grandiloquent, des dialogues mélodramatiques et des personnages plus interrogatifs qu'interrogateurs. Avec un résultat très discutable.
  • LA PASSERELLE (1987)
    Décidement, la saison recèle quelques bonnes surprises. Ce thriller aux aspects gothiques, petit-fils de "Fenêtre sur cour", est du lot. Pierre Arditi s'y confirme un des meilleurs comédiens de sa génération et Mathilda May comme un des plus sûrs espoirs de la prochaine. N'hésitez donc pas à emprunter "La passerelle", c'est un passage passionnant.
  • LES ANNEES SANDWICHES (1988)
    "Les années sandwiches" est certainement l'un des films les plus émouvants de la saison. Non seulement pour son sujet ou pour le charme de la nostalgie, mais surtout pour sa simplicité, sa discrétion, sa pudeur et sa tendresse. Ses protagonistes, Thomas Langmann (un petit Peter Lorre !), Nicolas Giraudi etun formidable Wojtek Pszoniak, ont su trouver le ton juste, un rayonnement qui donne à cette chronique une beauté vraie.
  • ZEGEN (1987)
    Ceux qui s'attendent a un nouvel "Empire des sens" seront decus. Seront en revanche epates les amateurs d'un autre genre de debauche, tout en ideaux. Zegen est donc l'epopee souvent cocasse d'un Don Quichotte nippon dont le grand dessein est de creer une "maison close nationale", au service du Japon et de l'Empereur.
  • LE DERNIER EMPEREUR (1987)
    Il n'y a pas à hésiter : il FAUT re(voir) ce film magnifique. Un grand moment d'émotion, un spectacle d'une beauté d'autant plus éclatante que Bertolucci a su éviter les clichés exotisants. Moments de grâce et de force, le "dernier empereur" est de la race des films inoubliables. Les Oscars raflés en masse sont peut-être la plus petite surprise (ou la plus grande évidence) de l'année.
  • MILOU EN MAI (1989)
    Placé sous la double paternité de Tchekhov (La Cerisaie) et de Renoir, le nouveau film de Louis Malle est un ravissement, teinté de perplexité. Ravissement pour la fête de ses personnages, tout particulièrement Michel Piccoli, dans l'un de ses plus beaux rôles, et Dominique Blanc, véritable Bette Davis du cinéma français actuel. Mais perplexité aussi pour la douce amertume de sa nostalgie, qui le laisse souvent pousser à l'extrême sa caricature. A la fois tendre et féroce, le film garde néanmoins une grande justesse de ton.
  • SOIGNE TA DROITE (1987)
    Les notes de Saint Jean-Luc qui-fait-du-cinéma-pas-des-films, sur la vie et sur la mort, sur le rêve et sur la création, sur le silence et sur l'attente, sur le cinéma (mais si! ) et sur l'acteur. Dans "Godard" il y a "God", et dans le film un Idiot de balade. Est-ce un personnage de La Fontaine ou le héros d'un roman de K. Ramazov, un ancien champion de tennis ou l'imprésario des Rita Mitsouko ? C'est ainsi que Godard est grand. C'est comme caaa, lalalala !
  • LONGUE VIE A LA SIGNORA (1987)
    Les galeries de personnages (les tics attaquent ! ) ont toujours quelque chose de fascinant. Celle qui défile à l'occasion de ce festin absurde (on pense à la réunion des "Saisons du plaisir") est particulièrement pittoresque. Le regard d'Ermanno Olmi est peut-être un peu réducteur, mais on se laissera facilement emballer par cette satire douce de deux mondes aux antipodes, d'un naturel perdu, d'un protocole de vie où la vie a de la mort tous les traits.