D'après l'histoire vraie d'un jeune homme de vingt-trois ans, Christopher Mac Candless, en rupture de ban et de société, superbement narrée par Jon Krakauer dans un livre étonnant et magnifique ("Voyage au bout de la solitude"), Sean Penn a su tirer la quintessence émotionnelle d'une oeuvre balayée par une profonde authenticité humaine bien au-delà de cette angélique et déraisonnable errance absolutiste où se mêlent en cascades, innocence, candeur et fraîcheur. En prime et en nécessité, de solides acteurs pénétrés de leur rôle, une somptueuse prise de vue magnifiant les paysages traversés, une intelligente et pertinence construction scénaristique en dramatiques ellipses concentriques. Finalement, une oeuvre désenchantée d'une grande beauté formelle, baignée d'une inhabituelle tristesse jamais infondée, entre nostalgie d'un passé aventureux depuis fort longtemps révolu et fuite obstiné de lendemains qui déchantent forcément. Nous sommes peut-être tous des Christopher en partance, à certaines heures pâles de la nuit. Mais la plupart d'entre nous, au matin, restent frileusement à quai, trop sages ou trop lâches.