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Critique(s)/Commentaire(s) Publiques de
Hervé Naveau

  • KITCHEN STORIES (2003)
    Ce film de Bent Hamer peut être placé dans la lignée de Eggs. Hormis les questions formelles (ici, utilisation de la couleur, film d'époque), le sujet est similaire : le quotidien d'une personne âgée (Isak). Mais dans ce film, le scénario est plus étoffé. Sur un point de départ cocasse (les recherches scientifiques portant sur les déplacements dans la cuisine) et après de nombreuses scènes léchées, Bent Hamer parvient, mine de rien, à proposer une œuvre touchante sur l'amitié. Une amitié de vieux loups solitaires et taciturnes qui, dans le fond, ont une grande sensibilité : l'attachement d'Isak pour son cheval est si grand qu'il ne supporte pas de le perdre.
  • COPS (2003)
    Cette comédie de Josef Fares est bien meilleure, à mon sens, que son précédent film : Jalla ! Jalla ! La satire est ici très présente : en terme de cinéma, Fares tourne en ridicule un genre qui, souvent, n’en manque déjà pas : le gun-fight des pires productions hollywoodiennes et hong-kongaises (on reconnaîtra du talent à John Woo). Fares, à travers le personnage de Benny, met en scène les combats les plus extravagants qui soient. Les astuces pour tirer sur l’ennemi sont si délirantes qu’on atteint le meilleur du burlesque. Ces scènes fantasmées par Benny, mythomane incurable, sont très drôles. Bien que le procédé s’essouffle à la longue : les premières scènes de cette sorte que rien n’annonce nous prennent au piège au départ et l’escalade des invraisemblances volontairement outrancières nous dévoile leur irréalité. Ensuite, on s’y attend. La police n’échappe pas à la satire, bien évidemment. Et c’est peut-être le point qui me fait apprécier ce film. Les Forces spéciales sont ridiculisées et semblent finalement être le pendant institutionnel de la mythomanie de Benny (qui, lui, est beaucoup moins dangereux). Leur chef se trouve tout bête quand on le sermonne et qu’on lui fait comprendre qu’il en fait peut-être trop. Les policiers du village, même s’ils sont présentés sous un jour sympathique, ne sont pas dépourvus de mauvais côtés : mythomanes, chamailleurs, grognons, maniaques… Et surtout, prêts à perpétrer des délits pour sauver leur poste au risque des pires conséquences (explosion du snack, « prise d’otage »). En fait, ce que le film démontre, c’est qu’ils sont purement incompétents et qu’ils sont bien plus heureux à confectionner des pizzas… D’ailleurs, un policier compétent n’est pas pour me rassurer. Mais, je ne peux pas ne pas parler, à la vision de ce film qui montre des policiers qui font gonfler les statistiques de la délinquance eux-mêmes, du parallèle obligatoire qui s’est produit dans mes réflexions : le délire sécuritaire, l’insécurité instaurée comme nouvelle croisade. En France, on a bien vu que le discours sécuritaire engendre lui-même le « sentiment d’insécurité », que les plaintes pour violences policières augmentent, que les délits d’outrage à agent de la force publique pleuvent pour un oui ou pour un non, que les départements qui présentent les meilleures statistiques sont récompensés et ceux qui ont les moins bons chiffres sont priés de se mettre au travail (au point que dans certains départements des quotas ont été imposés : par exemple, six gardes à vue par jour pour tel service [cf. Le Canard enchaîné du 29 octobre 2003] !). Ne verra-t-on pas un jour des policiers amenés à agir comme dans le film ? Je m’éloigne du film, certes, mais le parallèle se fait en ce sens que les moyens octroyés aux forces de police dépendent de l’augmentation des « délits », lesdits « délits » augmentant du fait d’une loi plus coercitive, plus dure. Comme si l’on créait de nouveaux délits pour justifier l’augmentation des moyens alloués aux policiers. Ce qui ramène, de toute façon, au film de Fares, par un détour qu’on pourra trouver hasardeux. Mais, je pense que ce film est un bon témoin de notre époque. Avec sa drôlerie, son burlesque, c’est pour cela que je l’apprécie. Mais… si Sarkozy ouvrait une pizzeria, plutôt ?
  • EILA (2003)
    Ce nouveau film de Jarmo Lampela (on avait pu voir La rivière l'an passé) est décevant. Un sujet d'actualité qui pose des problèmes sociaux (privatisations, recul des droits) méritait mieux que cet ensemble de personnages trop typés, trop attendus, en un mot trop caricaturaux. Il est parfaitement prévisible que la jeune cadre trahira. Les grévistes syndiqués font preuve d'un esprit borné exagéré. Le fils, Mikka, est un voyou typique. Le compagnon, Timo, est un égoïste incapable de prononcer le moindre mot de soutien à Eila : il semble se désintéresser du sort de celle-ci ! L'avocat travaille dans un cabinet luxueux, fume de gros cigares, mais se plaint tout de même de ne pas avoir de secrétaire. Tandis que sa mère est l'exemple même de l'employeur à l'ancienne, paternaliste (maternaliste) au possible, faisant cadeau d'une broche de valeur à Eila, mais omettant de lui signaler qu'elle s'en va et que les heures de ménage de la nouvelle chômeuse ne seront plus nécessaires. Tout est affaire de nuances. Ce film en est dépourvu : un jeune cadre est arriviste et écrase les plus faibles, un syndiqué est borné, Mikka est une crapule, Timo est un "beauf", un avocat fume le cigare, une vieille dame riche choie ses domestiques dans une certaine mesure, une salariée qui gagne son procès s'achète un lit à télécommande avec ses indemnités… À tous ces présupposés, je peux citer des contre-exemples. De la nuance ! Et puis, au fond, le film nous enseigne que l'action collective échoue et que le salut vient de l'individualisme : Eila sauve la situation. Ce film est bien dans l'air du temps, mais il ne le dénonce pas, il en remet une couche.
  • DOGVILLE (2003)
    J’ai essayé de raconter les grandes lignes de ce film de trois heures. La forme employée est intéressante. Il n’y a pas de décors, seuls les murs des maisons sont dessinés au sol. De ce fait, tous les acteurs sont visibles à tout moment, ils miment les gestes, des bruitages indiquent les fermetures de portes, etc. En fermant les yeux, on pourrait se croire à l’écoute d’une pièce radiophonique. Mais l’intérêt de ce dispositif est que le jeu des acteurs devient le point central, voire unique, du film. L’acteur / le personnage comme sujet du film ? Malheureusement, le pari ne me semble pas tenu par les comédiens malgré un casting prestigieux. On peut voir aussi dans cette absence de décor une transposition du regard des villageois, de ces petits villages où l’on voit tout, où l’on sait tout. Voilà pour la forme : du théâtre filmé en quelque sorte. Une démarche qui n’était pas inintéressante. Mais au fond ? Que raconte ce film ? Eh bien, il présente la veulerie, la bassesse, l’intérêt personnel, la lâcheté, la concupiscence, etc. des villageois comme des sentiments qui de toute façon devaient dominer. La présence et l’acceptation de Grace semblaient effacer la culpabilité de la communauté face aux reproches d’égoïsme de la part de Tom. Et lui voit là l’occasion de mettre en pratique sa théorie. Grace aussi est minée par la culpabilité : elle tente de racheter les crimes de son père. Cet ange tombé du ciel symbolise la pureté pour les villageois ; ils font tout au moins mine d’y croire. Qu’un doute s’insinue quant à cette pureté et tout est permis : on la fait trimer, on la traite comme un chien (c’est beaucoup trop explicite d’ailleurs), on la viole, etc. L’attitude de Tom est symptomatique de cette évolution : à ses yeux, Grace passe de la pureté à la déchéance. C’est alors que le personnage de Tom révèle sa nature véritable : il est lâche et trahit. Pour ne plus faire courir de risques aux villageois, il livre Grace à ceux qui la recherchent. Celle-ci, par vengeance, fait tuer tout le monde. Ainsi, pour Lars von Trier, il n’y aurait pas d’autre choix : être un saint ou un bourreau ? Avec un passage par le martyre, comme il se doit. L’Homme est un chien pour l’Homme ? Dans le village de Dogville, seul le chien survit à l’hécatombe (i.e. : l’innocence survit à la faute généralisée ?) Mais quelle vision de l’humanité a Lars von Trier ? Hors de la sainteté, point de salut ? Le message délivré par ce film est atterrant, et je le résumerai un peu rapidement ainsi : si vous n’êtes pas des saints, c’est que vous ne méritez pas de vivre, donc mourez tous ! Les photos du générique de fin qui présentent des pauvres des États-Unis à diverses époques ajoutent au malaise. Une photo a très certainement inspiré le personnage du camionneur tant la ressemblance est frappante. Que viennent faire ces photos en fin de film ? On pourra y voir, la larme à l’œil, le côté charitable et compatissant de Lars von Trier. Mais comme ces photos défilent juste après le massacre, en un raccourci indépendant de ma volonté, j’ai pensé : pour Lars von Trier, les pauvres (les villageois), c’est moche, c’est bête, c’est méchant, ça pèche, c’est irrécupérable alors massacrons-les. Terminer une projection avec ce genre d’impression montre à quel point j’exècre ce film. Lars von Trier y aura été incapable de montrer de la sympathie pour ses personnages (ce qui les condamnait d’avance). Il leur laissait pourtant un terrain d’expérimentation très intéressant pour qu’ils puissent s’exprimer. Comme dans Breaking the waves et Dancer in the dark, plus le film avance, plus le ratage est complet. Dans ces trois films, l’apothéose de l’échec se situe à la dernière scène. Lars von Trier a souvent de bonnes idées de cinéma qu’il gâche toujours tel un enfant qui prend plaisir à détruire son château de sable à peine terminé.
  • NOI ALBINOI (2002)
    Ce premier film de Dagur Kári a reçu le prix du festival d’Angers « Premiers plans » en 2003. Il est vrai que cette œuvre est prometteuse. Sous ses airs glacés, en cherchant bien, on peut trouver une grande sensibilité qui est inversement proportionnelle aux efforts déployés pour la masquer. Ce film traite d’une histoire de solitude. Celle d’un enfant sans mère, pour ainsi dire sans père, sans amis : la rencontre avec Iris semble providentielle à Nói. Ceci explique sans doute son attitude extrême envers elle. Il côtoyait pourtant ces gens dont il réalise qu’ils comptaient pour lui, qu’ils étaient autour de lui comme des amis potentiels. Peut-être regrette-t-il de les avoir traités avec distance, hostilité ou indifférence. La catastrophe finale est annoncée tout au long du film, mais elle n’est pas « téléphonée ». L’avalanche reste une surprise pour le spectateur. Ce n’est qu’a posteriori que l’on comprend les indices annonciateurs. L’indice le plus explicite était l’annonce, par un homme qui lisait dans le marc de café, qu’une mort surviendrait bientôt autour de Nói. Il n’y a pas cru, moi si. Mais j’avais pensé à la grand-mère ou au père, pas à tous les personnages secondaires qui gravitaient autour de Nói ! D’autres indices pouvaient également annoncer la mort : Nói (comme je l’ai déjà écrit) avec son aspect spectral, s’enterre lui-même dans la cave (Tómas Lemarquis pourrait jouer Nosferatu rentrant dans son cercueil au petit matin) ; il devient fossoyeur ; il semble s’intéresser au livre que le libraire jette à la poubelle dont l’auteur a un nom évocateur : « cimetière » (à savoir, un certain Kierkegaard). Si l’on ajoute à tout cela son absence de sourires, son ennui (« mortel » comme on dit), etc., on peut penser que Nói n’est pas vivant, qu’il est déjà mort ou destiné au suicide. Le vrai sujet du film est exposé là de manière très fine : la solitude est mortifère, l’autarcie affective est impossible et illusoire (Nói me semble en effet un brin narcissique). On n’existe pas seul, sous peine de devenir fou ou d’en mourir. C’est notre rapport aux autres qui nous tient vivant. Nói le comprend trop tard. Ce film est en cela très touchant. Toutefois, la gravité du propos tranche avec quelques scènes cocasses bien venues pour éviter la déprime à la sortie de la salle. On reverra Tómas Lemarquis bientôt, je l’espère, et l’on attend le prochain film de Dagur Kári plein d’espoir.
  • BLUE CORNER (2002)
    On me pardonnera de passer un peu trop vite sur tout le reste, mais c'est vraiment ce qui précède qui est au cœur du film, qui en constitue le sens. Les à-côtés m'ont beaucoup moins intéressé en regard. Le fils aîné qui est le contre-exemple de son frère dans son rapport avec son père est entraîné dans de sordides combines. Il est pieds et poings liés par une dette contractée pour des matches truqués. C'est son père qui paiera. Son créancier est aussi décrit dans le film : sa relation conjugale est triste, les escroqueries qu'il imagine sont peu ambitieuses. Il n'est même pas antipathique. Sur les quelques films de Matti Ijäs que j'ai pu voir, je considère celui-ci comme son meilleur. Les personnages qu'il dépeint sont tous dotés de qualités et de défauts. Il n'y a ni ordure intégrale, ni bon samaritain angélique, il n'y a que des êtres humains. On peut voir ce film sous un autre angle : celui qui m'a frappé donc est la relation de PK avec son jeune fils. Les acteurs n'y sont sans doute pas pour rien : PK (Sulevi Peltola) et le jeune acteur se démontrent leur affection par des sourires à peine esquissés, on en oublierait que c'est joué. Si j'ai été moins sensible aux autres aspects du film, dans l'ensemble, celui-ci est revigorant dans le sens où il diffuse un calme optimisme en l'avenir, une fois le passé digéré.
  • MORO NO BRASIL (2002)
    On est frappé de voir un modeste tailleur faire danser, le soir venu, tout un public avec ses chansons populaires. Il est vrai que pour la France où l’enseignement de la musique est catastrophique, cela offre un contraste saisissant. Mika Kaurismäki signe un documentaire intéressant pour qui ne connaît pas la question. Il aurait peut-être gagné, à mon sens, à ne pas se mettre en scène, à ne pas être présent dans le cadre. Sans doute a-t-il voulu signifier son implication en tant que résident et ne pas se contenter d’un regard extérieur.
  • IT'S ALL ABOUT LOVE (2002)
    Ce film de Thomas Vinterberg est particulièrement décevant, d’autant plus après Festen. Le scénario fourmille de choses incompréhensibles et d’idées plus ridicules les unes que les autres. L’action est sensée se passer en 2021, c’est pourquoi quelques petits détails douteux, lourdement amenés à l’écran, viennent rappeler que l’on est en pleine anticipation. Les cadavres jonchent les rues, les aéroports, etc. sans que cela émeuve qui que ce soit (sauf le couple de héros bien sûr), tant les arrêts cardiaques provoqués par la solitude sont devenus fréquents. Le phénomène touche surtout les enfants, ce qui donne lieu à des insertions de mauvais goût dans certains plans : un enfant dans une poubelle ou un autre effondré sur le banc d’un parc. Et la télévision parle du phénomène des Ougandais volants ( ! ?) ; il neige à Paris, Venise, New York en plein mois de juillet (le temps est détraqué voyez-vous…) ; l’eau gèle, sans raison, tous les jours à heures fixes pendant deux minutes. Le dérèglement de la planète explique aussi le fait que, durant tout le film, le frère de John (Sean Penn, égaré) raconte les sept derniers jours de sa vie. L’avion dans lequel il se trouve ne peut plus se poser nulle part et restera en vol jusqu’à épuisement du kérosène. Cette « comédie du remariage », sans originalité finalement, avec son soupçon de thriller sans suspens, est un échec total. Le scénario est incohérent et très mal structuré. On sent et on comprend le manque de conviction de Thomas Vinterberg pour tourner ce film. Encore une victime du rêve hollywoodien ?… où l’on voit un cinéaste européen prometteur devenir un vulgaire tâcheron pour studios à la production industrielle. Je me suis dit qu’Elena, la patineuse polonaise dont le talent est exploité par ses managers américains, n’était en fait que la transposition à l’image de la situation du cinéaste lui-même. Thomas Vinterberg a dû rencontrer ses doublures – des réalisateurs interchangeables – dans les couloirs des studios. À moins que, dans une nouvelle provocation, après avoir adhéré au Dogme-95, Thomas Vinterberg se soit fait un plaisir d’en prendre le contre-pied le plus parfait. Plus sérieusement, j’ai hâte qu’il rentre au Danemark.
  • LEÏLA (2000)
    Ce film du réalisateur du Festin de Babette et du Prince de Jutland est présenté comme un conte. Il n’y a pas un seul dialogue. La voix-off de Michel Bouquet assume tout : la narration et les propos des différents personnages. Nous sommes donc bien là en présence de la technique du conte. On en viendrait alors presque à regretter de voir un film en lieu et place d’un spectacle de Michel Bouquet seul sur scène. Les images ne paraissent être là que pour illustrer la voix. Ainsi – et c’est dommage pour un film – les images m’ont-elles paru être en trop, redondantes. Un bon conteur sait faire travailler l’imagination de ses auditeurs et Michel Bouquet raconte avec talent. D’un autre côté, l’intérêt de ce procédé est d’évacuer le problème des langues différentes des personnages. C’est un petit film qui n’est pourtant pas désagréable. Les paysages et les couleurs sont beaux (Trop ? À certains moments, j’ai craint les « cartes postales » de film de vacances). Certains acteurs sont très bons. Ce sont tous des inconnus, même Mélanie Doutey qui ne sera vraiment révélée qu’une semaine après avec la sortie du film de Claude Chabrol La fleur du mal. Mélanie Doutey et Yasmina Khateb (Toria) émergent du lot même si leur jeu souffre d’une expressivité un peu trop accentuée. Sans doute la conséquence de l’absence des dialogues. Comme au temps du cinéma muet.
  • EMBUSCADE (1999)
    Devant ma (Denis Ballu) critique plutôt favorable du film, Hervé Naveau a souhaité faire entendre ici "une voix discordante" sur Embuscade. Voici ses commentaires :
    "Je considère en effet ce film comme particulièrement mauvais. Il souffre, à mon avis, d'un manichéisme assez évident. De plus, il n'est absolument pas crédible. Je vais tenter de le démontrer à travers quelques exemples.
    Au début du périple de la patrouille cycliste finlandaise, il y a un personnage amené à disparaître rapidement : c'est l'archétype du lâche, du tire-au-flanc. Il perd son vélo en franchissant un pont : il le fait tomber dans l'eau (volontairement ou non, on ne sait pas très bien. Pour que le doute subsiste ?). Il ne peut plus continuer avec ses compagnons (qui, eux, semblent persuadés de sa lâcheté). Il est alors renvoyé à l'arrière, donc (puisqu'ils sont éclaireurs), seul, à pied, à travers le terrain tenu par les Russes. Après l'avoir suivi quelque temps - pas longtemps -, privé de la chaleureuse et protectrice compagnie de ses frères d'armes, il est abattu par un Russe (qui semble y prendre - forcément - du plaisir). Ce personnage veule paie donc pour sa lâcheté, pour son manque de sang-froid (n'avait-il pas abattu, affolé et tremblant, un jeune paysan) et pour son manque d'esprit de corps avec sa fratrie de soldats. Bref, c'est un mauvais militaire, qu'il disparaisse, une caricature !
    Le convoi dont fait partie Kaarina est attaqué par les Russes. Elle est visiblement la seule survivante. Ne devine-t-on pas d'emblée, à travers le regard libidineux - forcément - du soldat russe qui la découvre ce qui va se passer ? Le film essaiera de nous faire croire qu'elle est morte. Mais après ce regard du Russe, on imagine plutôt Kaarina dans un bordel à soldats. à la fin du film, nous n'avons aucune surprise (malgré les efforts d'Olli Saarela) à la retrouver vivante. Elle est prostrée, muette. On ne sait pas ce qu'elle a subi. Mais n'avait-on pas deviné juste ?
    La découverte de la ferme abandonnée est un exemple de suspens raté. Des fusils sont posés devant la porte : les soldats tergiversent, est-ce oui ou non un piège ? Un de ceux qui pensent que non veut le prouver : il prend les fusils et dégage la porte. Pas d'explosion, ouf ! L'inspection de la ferme commence, avec tout ce qu'il faut de grincements de portes, de braises encore chaudes, pour tenir le spectateur en haleine. Et puis finalement : une explosion ! La ferme était donc piégée. On s'y attendait. Qu'ils sont donc pervers, ces Russes !
    Les soldats finlandais tentent de passer un pont. L'un d'entre eux, envoyé en éclaireur, se fait cribler de balles, alors qu'il a franchi la moitié dudit pont, par les Russes cachés dans les buissons en face (au passage, les Russes sont de piètres stratèges : n'auraient-ils pas dû attendre en toute bonne logique que toute la patrouille s'engage sur le pont pour l'anéantir ?). Le malheureux blessé tombe dans la rivière. Il semble perdre connaissance au fond (car nous le suivons sous l'eau). Il est logiquement mort. Et ne voilà-t-il pas que quelque temps plus tard, il arrive, tant bien que mal (en utilisant son fusil en guise de béquille), au campement où ses compagnons se sont repliés. Improbable. Il sera évacué en barque à travers le lac.
    Un soldat russe blessé est découvert par les Finlandais. Il a été (évidemment) lâchement abandonné par ses camarades (chose que ne feront les Finlandais que contraints et forcés, et après avoir tout essayé sous le feu nourri de l'ennemi, lors de la scène du pont). Lukkari, le cynique, abat ce prisonnier blessé non s'en s'être laissé attendrir par les photos que le Russe lui montre de sa femme et de sa famille, mais Lukkari - le cynique - se reprend et endosse à nouveau son rôle de cynique (déjà révélé par le fait qu'il voulait tuer un cheval pour le manger, contre l'avis des autres) et il tire. On n'a pas l'impression que Saarela dénonce ce geste. Il semble plutôt le montrer comme une fatalité. Les nécessités de la guerre, etc.. Bon, soit. On aurait pu imaginer (sans vouloir dicter à l'auteur autre chose que ce qu'il a voulu montrer) que les Finlandais évacuent ce Russe en barque à travers le lac comme ils l'ont fait pour leur camarade miraculé (qu'aurait-on dit, il est vrai, si les braves Finlandais avaient agi de la sorte ?). Je n'ai pas fait la guerre, je suis sans doute loin de la réalité, mais pourquoi abattre le Russe ? Cette scène, à travers l'attitude tour à tour attendrie et impitoyable de Lukkari, semble être là pour contrebalancer le manichéisme général du film : on nous montre enfin un personnage ambigu (maladroitement, je trouve), mais la volonté de ne pas paraître manichéen n'est-elle pas le signe, au contraire, d'un tel manichéisme ?
    Dans la scène finale, les éclaireurs finlandais tentent de rejoindre leur armée en perçant les lignes russes, les prenant à revers. C'est l'apothéose du film et de ce que j'en pense : cette scène de combat est montrée avec une grande complaisance, dans un ralenti et accompagnée d'une musique qui submerge tous les sons de la fureur guerrière. Cette scène semble être une esthétisation du combat, de la guerre, et il ne faut pas grand chose pour tomber dans la glorification.
    En conclusion, ce film est cousu de fil blanc. L'histoire d'amour, les péripéties guerrières, tout est prévisible. Tout suspens est réduit à néant dès le départ par un scénario sans originalité qui reprend tous les défauts du film de guerre (à mon sens, un bon film de guerre est un film qui dénonce la guerre, ses mécanismes et ses responsables) et ceux du mélodrame. On est triste de voir Kari Väänänen se fourvoyer dans un tel film, même s'il n'y a qu'un rôle secondaire. Et puisqu'il est question des acteurs, il semble que Peter Franzén n'est vraiment pas très bon. C'est un film paresseux, simpliste, caricatural, manichéen et, il faut le dire, réactionnaire."