Ce premier film de Dagur Kári a reçu le prix du festival d’Angers « Premiers plans » en 2003. Il est vrai que cette œuvre est prometteuse. Sous ses airs glacés, en cherchant bien, on peut trouver une grande sensibilité qui est inversement proportionnelle aux efforts déployés pour la masquer. Ce film traite d’une histoire de solitude. Celle d’un enfant sans mère, pour ainsi dire sans père, sans amis : la rencontre avec Iris semble providentielle à Nói. Ceci explique sans doute son attitude extrême envers elle. Il côtoyait pourtant ces gens dont il réalise qu’ils comptaient pour lui, qu’ils étaient autour de lui comme des amis potentiels. Peut-être regrette-t-il de les avoir traités avec distance, hostilité ou indifférence. La catastrophe finale est annoncée tout au long du film, mais elle n’est pas « téléphonée ». L’avalanche reste une surprise pour le spectateur. Ce n’est qu’a posteriori que l’on comprend les indices annonciateurs. L’indice le plus explicite était l’annonce, par un homme qui lisait dans le marc de café, qu’une mort surviendrait bientôt autour de Nói. Il n’y a pas cru, moi si. Mais j’avais pensé à la grand-mère ou au père, pas à tous les personnages secondaires qui gravitaient autour de Nói ! D’autres indices pouvaient également annoncer la mort : Nói (comme je l’ai déjà écrit) avec son aspect spectral, s’enterre lui-même dans la cave (Tómas Lemarquis pourrait jouer Nosferatu rentrant dans son cercueil au petit matin) ; il devient fossoyeur ; il semble s’intéresser au livre que le libraire jette à la poubelle dont l’auteur a un nom évocateur : « cimetière » (à savoir, un certain Kierkegaard). Si l’on ajoute à tout cela son absence de sourires, son ennui (« mortel » comme on dit), etc., on peut penser que Nói n’est pas vivant, qu’il est déjà mort ou destiné au suicide. Le vrai sujet du film est exposé là de manière très fine : la solitude est mortifère, l’autarcie affective est impossible et illusoire (Nói me semble en effet un brin narcissique). On n’existe pas seul, sous peine de devenir fou ou d’en mourir. C’est notre rapport aux autres qui nous tient vivant. Nói le comprend trop tard. Ce film est en cela très touchant. Toutefois, la gravité du propos tranche avec quelques scènes cocasses bien venues pour éviter la déprime à la sortie de la salle. On reverra Tómas Lemarquis bientôt, je l’espère, et l’on attend le prochain film de Dagur Kári plein d’espoir.