Cette comédie de Josef Fares est bien meilleure, à mon sens, que son précédent film : Jalla ! Jalla ! La satire est ici très présente : en terme de cinéma, Fares tourne en ridicule un genre qui, souvent, n’en manque déjà pas : le gun-fight des pires productions hollywoodiennes et hong-kongaises (on reconnaîtra du talent à John Woo). Fares, à travers le personnage de Benny, met en scène les combats les plus extravagants qui soient. Les astuces pour tirer sur l’ennemi sont si délirantes qu’on atteint le meilleur du burlesque. Ces scènes fantasmées par Benny, mythomane incurable, sont très drôles. Bien que le procédé s’essouffle à la longue : les premières scènes de cette sorte que rien n’annonce nous prennent au piège au départ et l’escalade des invraisemblances volontairement outrancières nous dévoile leur irréalité. Ensuite, on s’y attend. La police n’échappe pas à la satire, bien évidemment. Et c’est peut-être le point qui me fait apprécier ce film. Les Forces spéciales sont ridiculisées et semblent finalement être le pendant institutionnel de la mythomanie de Benny (qui, lui, est beaucoup moins dangereux). Leur chef se trouve tout bête quand on le sermonne et qu’on lui fait comprendre qu’il en fait peut-être trop. Les policiers du village, même s’ils sont présentés sous un jour sympathique, ne sont pas dépourvus de mauvais côtés : mythomanes, chamailleurs, grognons, maniaques… Et surtout, prêts à perpétrer des délits pour sauver leur poste au risque des pires conséquences (explosion du snack, « prise d’otage »). En fait, ce que le film démontre, c’est qu’ils sont purement incompétents et qu’ils sont bien plus heureux à confectionner des pizzas… D’ailleurs, un policier compétent n’est pas pour me rassurer. Mais, je ne peux pas ne pas parler, à la vision de ce film qui montre des policiers qui font gonfler les statistiques de la délinquance eux-mêmes, du parallèle obligatoire qui s’est produit dans mes réflexions : le délire sécuritaire, l’insécurité instaurée comme nouvelle croisade. En France, on a bien vu que le discours sécuritaire engendre lui-même le « sentiment d’insécurité », que les plaintes pour violences policières augmentent, que les délits d’outrage à agent de la force publique pleuvent pour un oui ou pour un non, que les départements qui présentent les meilleures statistiques sont récompensés et ceux qui ont les moins bons chiffres sont priés de se mettre au travail (au point que dans certains départements des quotas ont été imposés : par exemple, six gardes à vue par jour pour tel service [cf. Le Canard enchaîné du 29 octobre 2003] !). Ne verra-t-on pas un jour des policiers amenés à agir comme dans le film ? Je m’éloigne du film, certes, mais le parallèle se fait en ce sens que les moyens octroyés aux forces de police dépendent de l’augmentation des « délits », lesdits « délits » augmentant du fait d’une loi plus coercitive, plus dure. Comme si l’on créait de nouveaux délits pour justifier l’augmentation des moyens alloués aux policiers. Ce qui ramène, de toute façon, au film de Fares, par un détour qu’on pourra trouver hasardeux. Mais, je pense que ce film est un bon témoin de notre époque. Avec sa drôlerie, son burlesque, c’est pour cela que je l’apprécie. Mais… si Sarkozy ouvrait une pizzeria, plutôt ?