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LA VENUS À LA FOURRURE-2013-
Nationalité : France
Durée : 1h35
Date de sortie en France : 13/11/2013
Genre : DRAME
Themes
Milieu du théâtre
- cinéma français -
Travestis(sement)
- cinéma français -
Réalisation : Roman POLANSKI
Inspiration
Prise de vues : Pawel EDELMAN
Musique : Alexandre DESPLAT
Distributeur : Mars Distribution
Visa d'exp. : 135424
Résumé
Alors qu'une détestable pluie d'hiver confine la capitale dans une humide et désastreuse prostration, le dénommé Thomas s'apprête à quitter les locaux d'un théâtre parisien, à la tombée de la nuit, plutôt harassé et désabusé après avoir auditionné près de trente-cinq actrices pour le rôle principal de sa pièce "La Vénus à la fourrure." En instance de départ, pour rejoindre sa compagne, notre metteur en scène est perturbé dans sa décision par l'irruption intempestive d'une dernière prétendante au rôle qui dit se prénommer Vanda et dont l'adipeuse vulgarité, la fulgurante bêtise poussent le pauvre Thomas dans des abîmes de consternation, fort déterminé à mettre fin immédiatement à la pénible entrevue, suite à l'intrusion de cette dernière sur le plateau de la régie et après ses gutturaux exercices vocaux. Puis soudain, tout prend une inattendue dimension magique, somptueusement électrique et brûlante, lorsque Vanda commence à déclamer son texte, avec un étonnant magnétisme et une affolante conviction. Ce sera la vibrionnante amorce d'un époustouflant chassé-croisé entre domination et soumission durant lequel interfèrent brillamment les différentes strates d'interprétation et de lecture, l'essence même de la pièce et le suffocant principe de réalité, pour une pétulante et tenace ré(jouissance) offerte au spectateur subjugué.
Critiques et Commentaires
Critique de Jean-Claude pour Cinéfiches
Note Cinéfiches : 16/20
Même si pour notre part, l'épilogue de cet intelligent et magnifique huis-clos théâtral, nous paraît inadéquat et pesant avec une insupportable et surnuméraire prestation dansée d'Emmanuelle Seigner, on reste dans la fascination d'un texte et d'une interprétation somme toute remarquables.
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Critique/Commentaire
Critiques - Commentaires Public
C’est avec une fougueuse dextérité et une habilité retorse que notre maître de cérémonie, le sieur Roman Polanski, 80 piges et toute sa légendaire impétuosité, met en scène, sa compagne à la ville, la pulpeuse Emmanuelle Seigner, solide et pimpante quarantenaire, dans une magnifique combinaison entre imaginaire et réalité, dévoilant les ambiguïtés de toute relation amoureuse, tout en démasquant la complexe bipolarité « dominé » / « dominant » qui finalement semble trouver son bonheur, dans une alternance des rôles investis et des attributions codifiés. On est bien sûr fort éloigné de la dialectique hégélienne du « maître » et de « l’esclave » même si effectivement certaines notions de passivité du second peuvent induire une connotation de dépendance et de soumission. Il s’avère ainsi que les désirs sont souvent polymorphes et que l’inversion des prérogatives amoureuses peut basculer dans une alternative bienvenue, une alternance beaucoup plus radicale, dans les méandres d’une intimité sans cesse bousculée. Je suis convaincue qu’une magnétique et fusionnelle complicité sommeillent dans ces espaces là, où il suffit quelquefois oser s’inviter, sans crainte aucune et dans le respect de chacun.
Solution de facilité ou démonstration de force, bien au contraire ? Pour la troisième fois en dix ans et dans l’attente d’une plus ample "Affaire Dreyfus" (son projet annoncé), Roman Polanski comprime les frais et paraît lui-même s’économiser en choisissant d’adapter pour le grand écran (qu’à l’inverse des espaces infinis de "Gravity", les insondables vertiges de l’âme pourraient seuls justifier) une pièce moderne à décor unique – littéralement parlant, qui plus est – et à distribution réduite. De plus en plus congrue, en l’occurrence : après le "trio infernal" de "La Jeune Fille et la Mort" (selon Ariel Dorfman, en 1994), puis le quatuor implosif de "Carnage" (façon Yasmina Reza, en 2011), voici le duo réversible de "La Vénus à la fourrure" (d’après son coscénariste David Ives, lui-même inspiré par le sulfureux roman autrichien de Leopold von Sacher-Masoch, publié en 1870) – sans dispensable figuration enfantine cette fois, ni autre échappée que le paradoxal décor en trompe-l’œil de la très cinégénique Monument Valley, réduite à un faux grand espace de carton-pâte. Composé tout entier sur ordinateur et non moins virtuel, de ce fait, le long travelling avant initial nous entraîne, un soir d’orage, entre les deux hautes rangées d’arbres d’une avenue parisienne elle-même étrangement déserte et nous introduit, presque par effraction, derrière les portes et dans la salle obscure, dépeuplée, d’un assez lugubre théâtre sans nom, reconstruit avec Jean Rabasse ("Faubourg 36", "La Cité des enfants perdus") sur le souvenir enfoui de l’ancien Récamier où convergent aussi les apports de l’Athénée, d’Hébertot et des Amandiers. Ses conséquentes affiches y proclament, non point encore une Vénus à la fourrure qu’il reste à débusquer, mais la triste annulation de "La Chevauchée fantastique", détournée en comédie musicale belge – comme un reflet désenchanté de l’Amérique toujours interdite au cinéaste en fuite. Or tandis que le western, fordien ou non, n’en finit plus d’agoniser (depuis l’ultime échappée vraie d’"Open Range" chez Kevin Costner en 2003), c’est, une heure et demie durant, à un véritable duel que nous allons assister, sado-maso sous des feux contenus comme l’avait été autrefois, au soleil de King Vidor, celui de Pearl (Jennifer Jones) et Lewt (Gregory Peck) : s’y nargueront et s’y affronteront, s’y révèleront surtout Thomas Novacek, dramaturge désabusé en quête d’interprète, et celle qu’il n’eût sans doute osé attendre, une Vanda Jourdain venue de nulle part, en RER, après la fin d’un programme d’auditions de bout en bout calamiteux. Bien "trempée" elle apparaît, aux deux sens du terme, et, malgré les résistances lasses, passablement réactionnaires et volontiers misogynes de son employeur potentiel (les jeunes comédiennes : toutes des "pétasses incultes qui parlent à l’hélium" !), lui impose, prolixe et aguicheuse, son chewing-gum et ses ordurières interjections, sa grande gueule de grue et son décolleté de cuir pigeonnant. Dans le jeu de mise en abyme et de troublants chevauchements (dialogués) qui très cavalièrement s’amorce, Emmanuelle Seigner emprunte ainsi au registre naguère habituel de sa sœur Mathilde l’aplomb de cette moderne Mademoiselle Sans-Gêne et opère par étapes successives, avec une hypnotique virtuosité, la synthèse a priori impossible entre ses trois précédents personnages polanskiens : Michelle, la marginale en blouson noir de "Frantic" (1988) ; l’altière et vénéneuse Hedda Gabler (dont elle évoque du reste, en passant, sa propre incarnation scénique, dix ans déjà auparavant) ; Mimi enfin, la danseuse nue, lascive et dominatrice de "Lunes de fiel" (1992) qu’elle semble ressusciter lors de sa torride (ou cocasse ?) chorégraphie de bacchante grecque, arborant la fameuse fourrure d’Aphrodite (prise au Titien) pour unique accessoire. Complètement à l’Ouest depuis qu’il est passé sous son joug si jouissif, Mathieu Amalric (dont "le boulot" de metteur en scène consistait pourtant, selon elle, à "torturer les acteurs" !) se retrouvera alors ligoté au grand cactus phallique du décor originel que l’adjonction d’un bureau et d’un divan freudien avait, chemin faisant, suffi à transformer en chambre d’auberge cossue du défunt empire austro-hongrois. Et comment ne pas voir dans cette séquence conclusive le motif autrement scabreux du Visage pâle (ici blafard) que les Peaux-Rouges liaient à leur totem – pas tabou – pendant la danse du scalp ? Il y a par conséquent des "coups de fouet en retour" intéressants dans le champ de l’exploration mentale, et pas seulement pour des pistoleros de la trempe de Richard Widmark, chez John Sturges. D’autant plus intéressants que, doté de la même double casquette d’artiste que le mari réel de sa partenaire (lequel ne l’avait jamais dirigé) et d’une coiffure assez similaire, notre tout récent psychothérapeute d’un Indien des plaines entretient là, sans trop d’efforts, un certain mimétisme avec l’ex-Locataire parisien tourmenté de 1976. En proie (consentante) à l’impétueuse Walkyrie qui partage sa vie et chevauche, par intermittences, la sonnerie du portable de son double cinématographique, Roman Polanski ne donne-t-il pas souvent le sentiment de parler à travers sa bouche ? Il semble regretter avec lui "le bonheur d’une époque où les gens étaient plus introvertis, où une conversation suffisait à être érotique" (son 2Ie film en fournit la preuve éclatante !) et l’emplir de ses justes indignations : oui, "pourquoi cherche-t-on toujours aujourd’hui à tout ramener à quelque chose d’autre ?" Mais de l’enfant terrible échappé du ghetto de Cracovie nous reconnaissons en outre la récurrente obsession de l’enfermement, physique et psychique comme pour les "Prisoners" de Denis Villeneuve (chef-d’œuvre de l’année en cours, à notre avis) : celui du "Locataire", précisément, et, dès le départ, des trois passagers sur le yacht du "Couteau dans l’eau" (1962), plus tard agrandi en galion de "Pirates" (1986) – sans compter, bien sûr, la coiffeuse phobique et meurtrière de "Répulsion" (le meilleur rôle de Catherine Deneuve), les occupants de son "Cul-de-sac", la jeune maman new-yorkaise de "Rosemary’s Baby", les personnages reclus contre leur gré du "Pianiste" et du "Ghost Writer".Et même si nous eussions souhaité le voir mieux développé, le fantastique qu’elle favorise affleure d’entrée, par petites touches, dans ce nouvel huis clos, telle la musique chambriste du fidèle Alexandre Desplat. Il passe, entre autres discrets effets, par les gestes bruités du quotidien (une cuiller remuée dans une tasse de café, toutes deux invisibles) – belle illustration concrète de l’art de la suggestion théâtrale – et par les mystères non résolus de Vanda, autant que d’Emmanuelle, lesquelles possèdent le don confondu (et confondant) de savoir, en quelques répliques, "créer une atmosphère". Le cadeau de son strip-tease ne nous révèlera rien, en effet, des raisons de son surgissement inopiné, ni de sa parfaite connaissance d’un manuscrit de travail indisponible ailleurs dans son intégralité et qu’elle prétend avoir à peine parcouru. Plus stupéfiant encore, le don qu’elle fait à son interlocuteur, avant son collier de chien clouté (mousqueton en sautoir), d’une veste d’intérieur sur mesures, cousue à Vienne en 1869, un an avant le livre de Sacher-Masoch ! Sur les planches, sa métamorphose a lieu, ensorcelante : elle tient à un éclairage qu’elle modifie sans peine depuis la console, à une robe d’époque qu’il lui ferme dans le dos (ne sachant encore à quoi il s’expose) et au rituel incongru de quelques "virelangues", mais surtout à la magie du théâtre, quand il est servi, loin des complaisances en vogue, de si intense façon.Par-delà les propos qui s’enchaînent et se superposent, vie et oeuvre mêlées, ou les postures d’autorité qui semblent s’inverser entre le metteur en scène et sa comédienne ("Plus il se soumet, plus il la domine"), le prodigieux créateur français d’"Amadeus" (1981) nous offre une seconde Master Class, brouille les repères de la composition et questionne la paradoxale vérité des masques. Car Vanda se montre soudain tellement juste dans son rôle de Vénus autrichienne, au XIXe siècle, que son naturel galopant de péronnelle délurée d’aujourd’hui devient sujet à caution, possible façade d’un autre personnage plus outré qu’une même énigme nourrit. Sous quelle tenue et avec quels mots joue-t-elle, au fond ? Jusqu’à quel point ? Peut-être parce que, dans l’intimité de sa Muse, Roman Polanski veut préserver pour lui une Emmanuelle différente encore, chaque jour surprenante, il se garde bien, heureusement, de se prononcer. Peut-être aussi parce que, en réponse ironique à sa culpabilité d’homme trop exposé, "le Tout-Puissant le frappa et le livra aux mains d’une femme", comme dans le livre apocryphe de Judith auquel La Vénus à la fourrure doit son épigraphe deux fois brandi.