Il est nécessaire de subir des évènements tragiques afin d'embellir le mot "survie" de tous ses apparats bons ou mauvais. Un contexte d'occupation va s'en charger. Braves, désabusés, opportunistes, dénonciateurs et lâches se déchaînent sous la baguette d'un teuton en uniforme ou en gabardine noire.Le nazi s'étonne que l'Anglaise ne soit pas dans un camp, le cafetier socialiste fait l'éloge funèbre d'un aristocrate qu'il méprise.Un long plan séquence, montrant l'arrestation d'une famille juive, accuse les divisions d'un village alimentant une inertie au service de l'occupant. La nuit permet à des citoyens devenus fauves d'appliquer la sentence suprême en n'offrant que leurs uniques arguments.Chaque composant de cette parcelle rurale semble plus en phase avec les comportements de son métier plutôt que par des réactions humaines. Le docteur réagit en docteur, protège le parachuté plus par déontologie que par humanité.Le curé confesse le soldat allemand, le coiffeur coupe les cheveux du dénonciateur, l'officier occupé en impose par le grade à des subalternes occupant. Ce n'est qu'une mascarade entre protagonistes activés en fonction du pouvoir de leurs uniformes et de leurs définitions, paravents récupérateurs de leurs abus.La panoplie militaire allemande lutte contre la panoplie de survie du citoyen qu'il soit cafetier, gendarme, coiffeur, curé, aristocrate ou passeur. L'homme ne débat avec l'homme que par la différence d'une enseigne vestimentaire."La Ligne de Démarcation", dernier noir et blanc de Claude Chabrol, mêle des villageois plus coriaces par le verbe incompris que par l'action, à une distribution au look Saint-Germain des prés. Il faut imposer le chignon à Jean Seberg pour l'évacuer de "A bout de souffle".On peut regretter le choix de l'apport en avant d'une bourgeoisie plus raffinée et déterminée, au détriment de villageois en retrait aux mœurs moqueuses, lâches, brutales, mesquines et divisées. La fracture, au même titre que cette ligne de démarcation, est perceptible en interne entre deux mondes.Offrir une mort de prestige au médecin et une mort pitoyable au passeur à l'intellect plus sommaire n'est-ce pas classifier ce qui ne peut l'être en de tels moments douloureux. Heureusement il y a le coup de gueule final du regretté Noël Roquevert.