Sans détour, ce film est une pure merveille, sur tous les plans. A la manière du "The Set Up" de Wise, Zinnemann filme l’action en temps réel (les inserts d’horloge viennent confirmer ce déroulé linéaire). Le respect de l’unité de temps est scrupuleux. Tout comme celui de l’unité d’espace. Bien que la gare (notez les plans proprement merveilleux entre les rails – j’en profite pour dire que niveau cadrage, il n’y a rien à jeter) soit excentrée du village, l’action est circonscrite dans un espace clairement défini. Seule la scène d’ouverture (sur laquelle le générique est ajouté), où l’on voit les trois acolytes de Miller (dont l’un n’est autre que Lee Van Cleef), fait exception. Je parlais des insertions, c’est en réalité l’ensemble du montage qui est de haute tenue, à montrer dans toutes les écoles. Il n’échappe pas à la logique implacable du récit et corrobore la tragédie grandissante qui entoure le personnage de Gary Cooper dans ce qui est sans aucun doute l’une de ses meilleures prestations (pour faire vite et péremptoire, il est merveilleux et est à mon sens le seul acteur qui pouvait jouer ce rôle). L’alternance des plans intérieurs/extérieurs, village/gare, n’est pas non plus étrangère au sentiment d’impuissance et de solitude qui le prend à la gorge (et au cœur). "Le train sifflera trois fois", en plus d’être techniquement parfait, est un merveilleux film psychologique et moral (ce qui n’est pas tout à fait la même chose). Le cowboy solitaire brut de décoffrage est une icône morte et enterrée. Place est faite aux doutes et à la peur. Allégorie du maccarthysme (Carl Foreman, le scénariste, fut d’ailleurs placé sur la liste noire d’Hollywood), c’est un film qui en impose et qui ne cesse de démontrer – s’il était permis d’en douter – que le cinéma est un art aux finalités multiples. C’eût pu être de la tragédie grecque, c’est un des plus grands films de l’histoire du cinéma. Ni plus, ni moins.