inconnu(e)
Parmi les films de Bresson, tous importants et magnifiquement ouvragés, Lancelot est peut-être l'un des moins connus. Peut-être l'introduction de la couleur dans ses films les plus récents a-t-elle malencontreusement détourné l'attention du contenu. Cependant il s'agit d'une de ses plus belles oeuvres.Cette évocation de la quête du Graal, un échec, une entreprise vidée de son sens, comme présentée dès l'ouverture du film (la Table Ronde entourée de sièges vides), porte une dimension philosophie et humaine profonde, où se mêlent désespoir et exaltation, méditation et scènes sonores et colorées. Celle ou un chevalier chevauche en forêt dans un bruit, littéralement de casseroles, provoqué par son armure est saisissante car elle combine l'intensité de la réalité non enjolivée, et un travail d'art pour la composition et les tons.L'ensemble du film présente une esthétique sensuelle renforcée par des gammes de couleurs denses, des cadrages délibérément subjectifs ou imprévisibles : bataille dont on ne voit rien, sinon les jambes des chevaux...On est proche de l'abstraction, ou peut-être dans une démarche qui rappelle celle de Cézanne, Gauguin en peinture : moins de "réalisme" mais la recherche de plus de vérité par un travail qui est au fond essentiellement celui de l'artiste: faire voir ce qu'ordinairement on ignore, ce qu'on ne perçoit pas ou plus, en rendant la découverte du monde et des êtres moins immédiate, plus lente, plus "forcée" - le cinéaste nous tournant la tête vers ce qu'il voit, lui, et ouvrant le micro sur les phrases et mots qu'il entend, lui - parmi le brouhaha du dehors, et la confusion quotidienne.