Voici sans aucun doute le western le plus étrange de tous les temps. Mêlant actions et lenteurs le tout en bord de mer, "La vengeance aux deux visages" semble reproduire l’intérieur contrastée du maître lui-même qui s’essaie pour un unique fois à la réalisation.Le scénario est banal, deux braqueurs Rio et Dad, se donnent rendez-vous pour le partage d’un hold-up, Dad trahit et s’enfuit avec le magot, Rio est arrêté, il s’évade cinq ans plus tard, bien décidé à se venger.Pendant ce temps, Dad s’est offert une conduite, devenu shériff, il se marie et adopte la fille de sa femme.Est-ce une façade pour un homme qui dissimule au fond de lui un fond toujours aussi mauvais ? Et surtout faut-il néanmoins, en tenant compte de ce fait nouveau, appliquer la loi du talion, malgré l’image d’une ancienne trahison atténuée par le visage nouveau de son ancien complice réinséré et respecté ?.Cette œuvre fleuve (2h21mn) nécessite au préalable une préparation psychologique. Rien de commun avec le schéma traditionnel du genre.Le spectateur, si l’anachronisme avait un sens à l’époque, aurait pu se sentir projeté dans l’ambiance de "Paris Texas" de Wim Wenders. L’espace est roi. Le cheminement menant à l’affrontement final est une longue route semée de remise en questions.Les longs têtes à têtes, avec la très belle Pina Pellicer, belle-fille de Dad, séduite dans un premier temps par vengeance, casse un rythme laborieux difficilement acquis.La mer, omniprésente par ses remous berçant, est un contrepoids supplémentaire à une vivacité déjà compromise. En une phrase, il faut s’accrocher, haut les cœurs.Bref, ce film par toutes ses innovations, est un chef d’œuvre. Marlon Brando, tenant à signer son opus en y imprégnant sa personnalité, campe un héros à double facette, déterminé mais fragile, ne semblant pas de taille à résister à Dad, masochiste prononcé, s'acharnant à détruire une volonté de vengeance.Sa résolution à réapprendre à tirer au révolver, suite à la destruction partielle de sa main par son ancien complice, est plus un objectif cérébral qui ne garantit pas forcément la réussite finale de l'entreprise.Le cas de conscience est d’importance, Rio se positionne comme meurtrier potentiel du beau-père, aimé de la femme qu’il adore."La vengeance aux deux visages" au même titre que "La nuit du chasseur" furent deux révolutions dans le paysage cinématographiques de cette époque, ces deux piliers du septième art furent réalisés par deux comédiens dont ce ne fut que l’unique réalisation. Marlon Brando et Charles Laughton. Un fantastique coup de génie pour l’éternité.