"Buffet froid" est tranchant, surréaliste, fantasmagorique, cynique, une parodie significative de l’échec d’un constat relationnel de fin de siècle entre des êtres dans l’impossibilité de communiquer autrement que par un absurde digne d’Albert Camus. Le gigantisme d’un sous-sol artificiel sert de villégiature à des propos incohérents. Une lumière unique renvoie vers l’extérieur la froideur interne d’une tour pratiquement inoccupée. L’assassin, chômeur sans repères, terrorisé par la brièveté d’une existence imposant le port du manteau à temps complet, déambule dans un univers automatisé, sans âme en argumentant ses pas d’une aliénation invisible."On est en visite, on fait un peu de tourisme et on se barre".Ce contexte souterrain hallucinatoire, conséquence d’un artificiel frigorifié, n’offre qu’une paranoïa tenace, une perte de soi dans un univers gigantesque impalpable, déserté par l’esprit sain, que ce soit sur les quais, dans les tours ou dans les rames.L’homme se sent seul, tributaire de ce qui se rencontre et qui ne fait que refléter sa propre image, une personnalité presque détruite par un modernisme cloîtrant les êtres dans des caissons hermétiques en sous-sols ou en étages.Les propos sont déstructurés, révélateurs de consciences détraquées. Les mécanismes de répressions ne fonctionnent plus, flic, voyou et assassin sont sur une même longueur d’onde, une trinité déontologique abattue par une dose trop massive de modernisme.Les oiseaux ne chantent plus, la verdure et la rivière privées de repos éternel accueillent les dérives citoyennes. Un composant ne ressemble à l’autre, uniquement que par le port du couteau ou du révolver utilisés dans des crises de démences ou par un tueur n’ayant plus conscience de ses actes.Une société, parasité par un gigantisme écrasant, résiste à l'engloutissement final par un humour noir millésimé.