Étonnamment, Lourcelles pour lequel j’ai une admiration indéfectible, ne place pas "La foule" au rang des plus grandes réussites de l’histoire du cinéma. Bien que d’un enthousiasme le plus souvent réfléchi, je dois dire qu’en ce qui me concerne, le film de Vidor tient du chef-d’oeuvre. Dans le sillage de "La grande parade", Vidor dépeint admirablement la vie d’un citoyen ordinaire, qui, bien que mû par de grandes ambitions, n’a finalement que l’existence d’un quidam dans sa tragique banalité. La foule dont cause le réalisateur, c’est celle qui broie Sims dans son anonymat. Celle qui l’oppresse au travail, qui la bouleverse dans son deuil, qui l’encercle lors de son retour à la vie. De sublimes et cruelles images accompagnent durablement le cinéphile : l’arrivée de Sims à New York et ses gigantesques et écrasants gratte-ciels, John dans son "bureau" entouré de centaines d’autres employés, le voyage de noces de John et Mary aux chutes du Niagara, la mort de leur petite fille, la tentative de suicide de John etc… On sait que sept fins avaient été tournées. Sept fins qui traduisaient différents degrés de pessimisme et d’optimisme. Il semble que la production imposa à Vidor le degré 2 de l’optimisme (qui ne convainc guère Lourcelles). On pourrait discuter sans fin de la pertinence de ce choix, se demander si l’histoire de Johnny Sims pouvait se finir comme elle se finit, qu’importe, "La foule" est un film tout simplement merveilleux.