Le titre de son premier film de commande n’en fait pas mystère : elle a mis beaucoup d’elle-même dans cette « success story » quasi autobiographique, la belle (et la Belge) Nawell Madani. Or l’alchimie s’avérant aussi complète avec ses partenaires (amateurs ou non) qu’avec son public (acquis d’avance), gageons que son aplomb pourrait bien, au cinéma comme sur scène, se muer en or. Voilà en effet un authentique personnage de conquérante qui s’économise d’autant moins qu’elle n’épargne personne – les bourreaux de travail pouvant seuls se permettre, sans doute, de se revendiquer féroces avec leurs victimes désignées, « diverses » de préférence, pour les égratigner, voire les heurter impunément. Ne pas écouter ses injonctions sur le plateau revenait à perdre le droit d’y revenir. Son nouveau statut de « boss » (sic), certes assistée d’un coréalisateur (le plus obscur Ludovic Colbeau-Justin, téléaste et ex-chef op de Hollywoo), ne s’était-elle pas épuisée jour et nuit à le mériter en suivant une formation accélérée aux U.S.A. et en bombardant de questions, captures d’écran à l’appui, maints techniciens aguerris ? N’avait-elle pas renoncé à son propre salaire pour tenir, en 5 semaines de tournage, son budget du même nombre de millions d’euros ? Lors de la fébrile avant-première de C’est pour moi à l’UGC CinéCité, le 19 octobre, un gamin maghrébin dissipé et tonitruant fit par ailleurs l’objet d’un fort efficace tir de barrage de l’impétueuse Bruxelloise, au demeurant Algérienne de cœur. Ainsi lui retourna-t-elle le judicieux reproche encaissé à ses débuts par Lili Benamar, son double cinématographique : « Avant de vouloir poser des questions, tu ferais mieux de commencer par apprendre à parler français » - allant pour sa part jusqu’à lui prédire, implacable : « Tel que je te vois et t’entends, dans un an, tu vends du shit sur le trottoir. » Pas plus amène en spectacle avec certains de ses coreligionnaires, elle risque et assume dans le film cette flèche cruelle décochée à une spectatrice voilée : « Musulmane ou cancéreuse ? » Elle ne s’y montre pas davantage complaisante avec le machisme lubrique en vigueur dans les clips de rap, ni avec le panier de crabes d’un Jamel Comedy Club à peine travesti (son célèbre patron étant campé par David Salles, l’adéquat humoriste de Tous ego, esclavagiste dans Case Départ !), où on se jalouse et se vole les vannes sans vergogne. Seule femme admise au sein de la troupe en septembre 2011, Nawell Madani en claqua la porte six mois après. Elle lui doit cependant sa vraie révélation publique : un fait que ce Rastignac au féminin ne saurait occulter et qui, au-delà de sa probable intégrité personnelle, trahit le volontarisme nécessaire, mais parfois dévastateur d’un tempérament aux antipodes de la trop velléitaire Maryline (Adeline d’Hermy), propulsée aussi par Guillaume Gallienne sur nos écrans de novembre. Energique à son exemple, le film, tantôt amusant, tantôt touchant, s’accommode habilement des clichés inhérents au genre. On y admire, comme dans sa vie qu’il retrace, la stoïque fillette brûlée au 3e degré par une marmite d’eau bouillante, l’allègre danseuse de hip hop qu’elle devient, puis sa courageuse détermination de Parisienne d’adoption, sa soif d’apprendre de ses rencontres, bonnes ou mauvaises, et de ses premiers échecs ; on la plaint plumée à la fourrière, un peu moins de se laisser berner par un enjôleur (rôle dévolu à son actuel compagnon, l’ex-footballeur Djebril Zonga !). On peine en revanche à l’absoudre quand elle « efface » sa mère du script et ment à son père sur ses études (l’ESSEC, allons donc !), puis le renvoie sans ménagement à ses pénates. L’injuste séjour qu’elle s’invente derrière les barreaux acquiert du moins une double fonction dramatique puisqu’elle y découvre en atelier (avec de vraies ex-taulardes et une mémorable Sonia Hell, dite « Chuck Norris » !), grâce à son maître François Berléand, sa vocation de star du stand up (art qu’il ne prise guère, paraît-il). En fait d’exigeant Pygmalion, celle-ci fréquenta plutôt, sans passer par la case prison, le Studio de coaching d’acteurs qui porte ce nom. Quant au comédien qui seul partage l’affiche avec elle, il comble l’ardent souhait de son papa, un fidèle admirateur. Dans le rôle attachant de cet artisan-taxi massif, rigoriste et protecteur, un débutant sexagénaire impose d’emblée en retour son humaine présence et sa justesse de ton : Mimoun Benabderrahmane. Choisi et instruit malgré lui par Nawell Madani, suite à la trahison de son chauffeur qu’il était censé remplacer, il finit presque par lui voler la vedette et s’apprête déjà à récidiver. C’est tout pour moi ? Pas si sûr, après tout….