Son livre nous avait plu, paru aux éditions Don Quichotte en 2002. Déjà, à cette époque, Fabien Marsaud (de son nom d’artiste Grand corps malade, en référence aux noms des Indiens d’Amérique) envisageait de le porter à l’écran, intéressé par les différentes formes d’écriture. Avec Mehdi Idir qui signe ses clips, la décision a été prise après la réalisation du court métrage Le Bout du Tunnel. De leur amitié et leur complicité résulte un film réussi, servi par un casting admirable.
Jeu troublant d’identification entre Pablo Pouly et Grand corps malade au point que ses premières paroles semblent emprunter la voix du célèbre slameur. Pas du tout nous a assuré ce dernier. A la question de la manière dont il s’est approprié son personnage, Pablo Pouly répond qu’il s’agissait d’interpréter Ben, le personnage du roman, et non Fabien Marsaud. Dans cette perspective, la pression était moins forte. Ben souffre d’un déplacement des vertèbres suite à un plongeon dans une piscine à moitié vide, l’obligeant à une longue rééducation, quand un médecin pensait qu’il resterait paralysé. Nul pathos, nulle morbidité ! Le film a été tourné dans le même centre où a été Fabien Marsaud – ce qui apporte au film un « supplément d’âme ». Dans les couloirs, dans le réfectoire, les salles de soins, de vrais patients croisent les comédiens, ouvrant sur une dimension documentaire intéressante. De fait, c’est la fiction qui fait irruption dans le réel à travers les histoires portées par les différents personnages – histoires vraies cependant.
Leur histoire dépasse la fiction et il était impossible de conserver tous les personnages présents dans le livre. Des choix ont été faits et des fusions. La réussite du film est qu’au-delà de l’histoire de Ben, il s’agit d’un film choral où chacun joue sa partition avec justesse. Point de scènes de bravoure. Il y a Farid (excellent Soufiane Guerrab vu dans Nous Trois ou Rien), Toussaint (Moussa Mansaly), Steeve (Franck Falise), la jolie Samia (Nailia Harzoune, la jeune mariée dans Géronimo), des tétraplégiques, des paras, des traumas crâniens dont Kévin qui écoute du Bob Marley en boucle et souffre d’amnésie immédiate. A la fois touchant et plein d’humour, avec une bonne dose d’autodérision, Patients raconte le quotidien de ces jeunes que la vie a fracassés et qui se doivent d’être patients car les progrès au jour le jour sont si infimes – ces jours qui passent identiques aux précédents, structurés par le réveil un peu brutal de l’infirmier qui allume M6 et le Télé Achat, par les séances en piscine, les exercices de kiné, les repas épuisants car le moindre geste relève de l’exploit. « Si cette épreuve m’a fait grandir et progresser, c’est surtout grâce aux rencontres qu’elle m’aura offertes » a dit Grand corps malade et c’est un hommage au courage que rend ce film : le courage d’avoir envie de vivre malgré tout.
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Son site : Ecrivain de votre vie)