Première génération de réalisateurs issus de l’école de la Cité de Luc Besson, ils font leur entrée dans la cour des grands avec ce long métrage qui a d’ores et déjà était distingué dans des festivals. Que l’on ne s’y trompe pas, ce n’est pas du cinéma à la Besson et souhaitons que de nombreux spectateurs se déplacent car c’est un film étonnant par son interprète et son sujet.
Ayant fait équipe sur un festival de courts métrages, ils se sont si bien entendus qu’ils ont décidé de réaliser leur premier long ensemble. Ils avaient découvert l’association Mots & Merveilles qui apprend à lire à des personnes illettrées. C’est là que ces quatre jeunes de moins de 25 ans ont rencontré Daniel Vannet, 50 ans, une hanche déglinguée, une tronche de poupon sur un gros corps et l’âge mental d’un grand enfant. Son histoire, sa façon d’être, ont été une source d’inspiration. Comme Willy, Daniel a quitté ses parents en disant et répétant : « A Aulnoye (Caudebec dans le film) j’irai ; un appartement, j’en aurai un ; un scooter, j’en aurai un ; des copains, j’en aurai et je vous emmerde ! » Willy veut acquérir son indépendance et obtenir un travail. Il sera agent de surface dans un hypermarché et il se liera d’amitié avec un magasinier, un grand peroxydé qui s’appelle également Willy. Il aime chanter du Zaz, vêtue en femme, et il lui révèlera son tragique secret. Willy et Willy sont deux âmes en peine de leur cher disparu. Son amant pour l’un et son frère jumeau, Michel, pour Willy 1er. Avoir perdu son frère jumeau a été le facteur déclenchant pour gagner son indépendance, et devenir un véritable héros, à sa manière, par son courage à se battre pour surmonter ses difficultés, si ordinaires pourtant, de la vie de tous les jours. Le thème de la gémellité offre des séquences inattendues renouant avec le cinéma fantastique des origines, onirique, empreint de poésie.
Le pari risqué était d’avoir choisi Daniel Vannet pour jouer le personnage de Willy, dans un souci d’authenticité. Même s’il avait déjà été présent sur leurs deux premiers courts métrages, il était impossible aux réalisateurs de savoir comment il s’approprierait ce rôle où il est de chaque plan. De fait, l’histoire de Willy et très proche de celle de Daniel, hormis des libertés narratives qui font de ce film un bel objet cinématographique original, inventif et drôle, souvent audacieux par ses partis pris esthétiques et de mise en scène que d’aucuns trouveraient kitchs alors qu’ici, dans la mesure où nous avons accès à l’espace mental de Willy, cet effets servent absolument le projet et l’émotion. Saluons la liberté avec laquelle ce film a été réalisé, par des réalisateurs désinhibés qui ont chacun leur sensibilité et leur univers propre et dont on attend, avec intérêt, de découvrir quelle voie ils vont suivre.
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Son site : Ecrivain de votre vie)