Ils s'étaient distingués avec Le Rat puis avec Camping Sauvage, deux films d'une grande noirceur avec lesquels les deux réalisateurs imposaient un univers bien à eux et une façon de filmer efficace. La volante confirme un savoir-faire cinématographique indéniable avec une Nathalie Baye étonnante dans un rôle que le cinéma ne lui avait jamais offert jusque là. Fine stratège, grande manipulatrice et femme à fleur de peau en proie à un chagrin insurmontable, elle joue sa partition avec brio, face à un Malik Zidi qui fait regretter d'être si rare au cinéma.
Une volante dans le jargon de l'administration, est une secrétaire intérimaire qui passe d'un poste à un autre. Le mot peut évoquer une voleuse et quelqu'un de violent. Les deux réalisateurs se sont inspirés de ces femmes qui ont une position toute particulière dans l'entreprise en ayant un savoir omnipotent sur les affaires en cours et souvent sur la vie privée de leur patron. La figure de la secrétaire, objet de nombreux fantasmes, a nourri cette fiction. Sur un scénario original, il s'agissait de tester les ressorts d'un tel personnage, fort de son pouvoir, pour construire un thriller. Marie-France, avec ses tenues classiques et sa coupe bon chic bon genre, entre au sein de la boite où travaille Thomas pour remplacer la secrétaire. Très tôt, elle s'impose comme une aide indispensable pour ce père de famille, séparé de la mère de son fils. Or, son fils d'une dizaine d'années est né la nuit où Thomas a renversé un jeune homme par une pluie battante. Il n'a pas vu dans le couloir de la maternité une femme déchirée par le chagrin, la mère de ce jeune homme, Marie-France. Est-ce son vrai nom ? Elle reste énigmatique tout le long du film. Quelques indices signalent son dérèglement psychique et la violence dont elle pourrait être capable. Une ellipse de neuf ans sépare cet accident mortel de l'embauche de Marie-France. Elle s'est métamorphosée et elle habite en face de Thomas dont elle épie tous les faits et gestes. Elle va aller au-devant de ses désirs et se conduire comme une mère pour lui. Les défenses vont tomber, Marie-France fera partie de la famille et ira jusqu'à épouser le père de Thomas, veuf depuis de nombreuses années. Le suspens joue sur les motivations de Marie-France. Que veut-elle ? Quel est son but ? Il serait dommage de dévoiler le tour surprenant de ce film tendu, à l'esthétique anxiogène, jouant avec les codes du film noir et avec le spectateur qui se plaira à retrouver des références aux films qui ont marqué les deux réalisateurs. Bien sûr, Hitchcock, le maître du genre, est largement cité avec des clins d'oeil à Fenêtre sur cour, Psychose ou Pas de Printemps pour Marnie, avec le personnage de la secrétaire au passé trouble. On retrouvera aussi des influences de Bernard Herrmann dans la partition musicale toute en tension composée par Jérôme Lemonnier. Marie-France pourrait être une sœur de Cathy Bates dans Misery et les connaisseurs de Shining reconnaîtront les indices qui s'y rapportent. La volante se nourrit de ces références et construit une histoire aux ressorts et rebondissements inattendus, dans un style efficace, pour le plus grand plaisir du spectateur.
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Son site : Ecrivain de votre vie)