Habitué des plateaux de cinéma aux côtés de son illustre père, Julien Rappeneau n’avait cependant jamais réalisé de film, pas même de court métrage – la procédure habituelle pour entrer dans la cour des grands. Coup d’essai et coup de maître, Rosalie Blum réussit autant à faire sourire, à charmer qu’à émouvoir. Surtout, ce film rend heureux et en ces temps tristes il est donc grandement recommandable.
Rosalie Blum est une adaptation du roman graphique éponyme de Camille Jourdy, une trilogie éditée aux éditions Actes Sud. L’histoire, comme le principe narratif, a séduit Julien Rappeneau. L’univers poétique de ce film avec ses personnages « arrêtés », que la rencontre avec Rosalie Blum va éveiller à la vie, a rencontré un écho chez ce réalisateur que l’on connaît comme scénariste et dialoguiste. Précisément, les dialogues sont savoureux, portés par des comédiens tous excellents : Noémie Lvovsky, mystérieux et écorché personnage de Rosalie, Kyan Khojandi qui s’impose de plus en plus au cinéma et trouve ici un premier rôle où il est parfait, la lumineuse Alice Isaaz, Anémone que l’on n’avait plus vue si bien dans un film depuis longtemps et l’inénarrable Philippe Rebbot qui promène avec lui son univers fantaisiste, avec drôlerie, en artiste de théâtre dresseur de chow-chow, à défaut de lion, et qui élève un caïman dans sa baignoire. Rosalie Blum est très astucieusement construit en trois actes et en scènes qui se répondent et correspondent entre elles comme un puzzle réjouissant pour le spectateur. Il y a un côté jubilatoire à suivre les pérégrinations des personnages et en premier lieu Vincent Machot alias Kyan Khojandi qui opère une filature assidue de l’étrange Rosalie dans la ville de Nevers, avant que lui-même ne soit suivi par une bande de filles qui jouent aux espionnes et échafaudent des scénarios rocambolesques, prenant Vincent pour un assassin en puissance alors qu’il est un grand rêveur amateur de cerfs-volants. Par sa lumière, sa couleur, son décor stylisé, le film participe visuellement et esthétiquement de cet effet « fable » tout en préservant une dimension réaliste qui nous permet de nous sentir proche des personnages. A l’heure ou la bonté, la gentillesse, ce qui relève de la délicatesse et du profondément humain, sont considérés avec cynisme, un film comme Rosalie Blum met dans un état d’apesanteur et donne le sourire. Très justement, Noémie Lvovsky déclarait que les personnages du film étaient des « gens de rien » : « ils forment une « bande de losers absolus aux yeux de la société tandis que Julien (Rappeneau) les regarde et les raconte autrement. Il voit leur grandeur. Et ce qu’il leur donne à gagner, à la fin, est beaucoup plus profond, plus important que ce que l’on cherche à gagner en général. Le regard de Julien, mêlé à celui de Camille Jourdy, fait de ces gens en marge, gris et invisibles, de grandes et belles personnes. »
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