Les frères Larrieu nous ont habitués à des films hors des sentiers battus. Ce nouveau film savoureux et désopilant ne décevra pas. Autour d’une Karine Viard, dans le rôle de Pattie, avec une gouaille bien à elle, tous sont parfaits, Isabelle Carré, André Dussolier et Denis Lavant dans un tout petit rôle mais mémorable.
Les frères Larrieu ont tourné sur la terre de leur enfance, dans le massif de la Montagne noire où ils passaient leurs vacances, dans une grande maison où se déroulait déjà leur première réalisation, Fin d’été (1997). La nature a toujours été au cœur de leurs films, comme un écrin aux sentiments et sensations des personnages qu’elle leur révèle ou qui les y précipite. Ici, une baignade dans un lac est un baptême à la sensualité, et un orage le lieu des pulsions érotiques. Les films des Larrieu témoignent d’une vitalité revigorante sur les variations de l’amour et sur la liberté. Ils sont les dignes fils des années 70. A l’ère d’Internet et du tout permis, leur film qui parle de sexualité à travers les récits de Pattie est d’une belle audace. Les frères Larrieu ont rencontré en vrai cette femme bien peu timide. Ils ont eu raison d’avoir choisi Karine Viard au corps hyper féminin pour jouer cette terrienne au langage cru. Elle transcende l’obscénité des mots par la joie et l’exubérance de la parole. La sexualité est dans le texte, très suggestif. Face à elle, dans le rôle de Caroline, Isabelle Carré au corps gracile et juvénile va traverser le film comme un personnage de conte et connaître, comme dans les contes, une transformation. Car il s’agit bien de cela. Le titre du film renvoie aux Mille et une nuits. Caroline qui arrive au début du film, après un long voyage, dans cette grande maison où des hommes se baignent dans la piscine, évoque un Ulysse au féminin face à de drôles de sirènes. Une apparition de Denis Lavant en bûcheron lubrique vaut le détour - incarnation d’un satyre sylvestre peut-être ?
Mais l’audace de ce film tient également à son sujet. Caroline se rend auprès de sa mère qui vient de décéder. Elle ne l’a connait pas et va apprendre avec Pattie à découvrir qui était cette avocate volage. Son père non plus, elle ne l’a pas connu. Or, le cadavre disparaît et il est question de nécrophilie. Débarque un homme qui a été très amoureux de la défunte. André Dussolier, toujours parfait, va incarner pour Caroline ce père mystérieux qui se dit écrivain et qui pourrait être Jean-Marie Le Clézio lui-même dont elle trouve une dédicace dans un livre de sa mère. La liberté avec laquelle les Larrieu jouent avec les genres est réjouissante, n’hésitant pas à explorer la piste policière et le fantastique, en mettant en scène, littéralement, le fantôme de la mère de Caroline. Comme le dit Jean-Marie Larrieu : « Nous avons choisi de faire un film assez lumineux, dionysiaque, tout en regardant ce qu’il est possible de réaliser avec des forces noires, morbides. Une sorte de conte lucide par rapport à la psychanalyse. » Cela donne un film étonnant qui surprend jusqu’à la fin.
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Son site : Ecrivain de votre vie)