A l’instar de Jean-Charles Hue – on se souviendra de Mange tes morts : Tu ne diras point - Samuel Collardey fait rejouer leur propre vie aux protagonistes de son film, ce qui lui donne un cachet authentique tout particulier. Le père, Dominique Leborne, a eu le prix Orizzonti du meilleur acteur à la Mostra de Venise. Cependant, il ne veut pas courir les castings. Son rêve est d’aller bourlinguer avec son fils.
Samuel Collardey fait mentir ceux qui diraient que le cinéma français est incapable de réalisme social avec l’émotion dont font preuve les Anglais. Une séquence rappellera d’ailleurs Raining Stones de Ken Loach. Samuel Collardey n’aime pas que l’on qualifie son film de docu-fiction. Il a raison. Ce serait réducteur. En effet, un vrai désir de cinéma anime ce film dont la séquence d’ouverture, prise d’hélicoptère, sur un bateau pris dans une tempête, révèle la dureté du métier de marin-pêcheur ; frêle esquive ballottée par les vagues. L’homme est fragile face aux éléments et ce métier est aussi pénible qu’il y a un siècle. Pourtant, Dominique comme son père, n’a jamais envisagé de faire un autre métier et son fils, à son tour, se destine à cette vie de marin-pêcheur. A terre, les familles vivent avec la peur au ventre que leur pêcheur, mari, amant, père, ne revienne pas de ces longues journées en mer. Samuel Collardey s’interroge sur cette question de l’absence avec la figure actuelle d’un père qui a la garde de ses deux enfants. Comment concilier cette vie sur la mer avec l’éducation des enfants, aujourd’hui adolescents ? Dom a pourtant toujours assuré, jusqu’au drame qui se joue.
La tempête du début du film va laisser place à une tempête familiale qui bouleverse les cœurs. La fille de Dom, Mailys, 16 ans à peine, est enceinte. Un avortement thérapeutique lui est conseillé. Une assistante sociale laisse entendre à Dom qu’il faudrait qu’il change de rythme de travail s’il veut conserver la garde de ses deux adolescents. S’acheter son propre bateau lui permettrait de partir le matin et rentrer le soir. Mais sans apport d’argent personnel, la difficulté est insurmontable.
Tempête est un film qui raconte l’histoire personnelle d’une famille mais dont le sujet - le combat de Dom pour trouver une issue à sa situation précaire - touche au cœur par sa dimension universelle. Le film est servi par cet homme au talent remarquable de comédien – car il ne s’agissait pas d’être seulement ce qu’il est dans la vie, il a fallu opérer un vrai travail d’acteur. Samuel Collardey a transformé ces gens du quotidien en personnages romanesques. C’est ainsi qu’il a pris quelques liberté avec la réalité pour construire un récit qui transmette une émotion juste et palpable et il l’a filmé avec les outils de la fiction. Il ne s’agissait pas de faire un documentaire sur la famille Leborne mais d’élever leur histoire au rang d’une vraie histoire de cinéma. Tempête est à hauteur de cette ambition.
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Son site : Ecrivain de votre vie)