Bouli Lanners, aux côtés d’Albert Dupontel, a réalisé un film qui leur ressemble. Ces deux comparses sont de la même génération et tous deux, acteurs et réalisateurs, se situent hors des sentiers battus. Loin du registre de la comédie à laquelle ils sont souvent assimilés, ils interprètent, dans ce film crépusculaire, une partition toute de nuances de personnages de chasseurs de prime, en proie au vide existentiel.
Les cinéphiles seront ravis. Le film de Bouli Lanners surprend de bout en bout par son casting. Chaque apparition d’un nouveau personnage est jubilatoire et ouvre le film sur d’autres références cinématographiques qui le nourrissent. Celle de l’interprète du Septième Sceau en est une. Impressionnant Max Von Sydow ! Celle de Michael Lonsdale l’est également, si investi dans son rôle dans Des hommes et des dieux et que l’on sait catholique engagé. Seul ce comédien remarquable, et habité, pouvait dire à Gilou, le personnage joué par Bouli Lanners, « Vivre ce n’est pas seulement respirer ! » Et lui encore, rappelle la parabole biblique à laquelle le film emprunte son titre. Le film de Bouli Lanners est traversé par une démarche spirituelle fondée sur l’amour et le partage. Si Les Premiers les Derniers est un film sombre, il va vers la lumière et appelle à l’action.
C’est de l’homme d’abord dont il est question dans ce film qui lorgne du côté de Ford, Leone et Bergman, avec des plans qui embrassent le ciel et la terre de La Beauce en plein hiver, digne des paysages des Western sauvages où évoluent les personnages. D’ailleurs, Albert Dupontel se nomme Cochise, comme le chef apache dont il a le port altier et le sang-froid. Gilou est plus fragile, à fleur de peau.
Dans ce no man’s land désolé et hors du temps, à la recherche d’un téléphone volé au contenu compromettant, Cochise et Gilou mènent leur enquête. Ils vont croiser différents personnages - des vrais méchants, un couple de marginaux en cavale, une femme au grand cœur magnifiquement incarnée par Suzanne Clément, et même une momie - et vivre des situations qui renvoient à notre société, ramenant l’abstraction initiale dans le réel.
Et Jésus est de la partie, auquel Philippe Rebbot prête sa longue et maigre silhouette. Comme le dit Bouli Lanners, « Philippe, c’est Jésus dans une peinture du Gréco ». « Pour moi, dans le film, Rebbot, c’est le vrai Jésus, c’est donc un homme. Un homme qui doute, un homme qui sent bien qu’un destin particulier l’attend mais qui ne sait pas exactement où. Un homme qui se sert de son flingue aussi. Un Jésus de western ! C’est mon Jésus. Il ne va pas plaire à tout le monde, mais je m’en fous ! » Il nous a plu ! Et c’est tout le ton du film de Bouli Lanners qui nous a séduits avec ses deux comédiens si attachants, au-delà, ou à cause de leur tristesse et de leur mal de vivre qui les rendent si profondément humains.
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Son site : Ecrivain de votre vie)