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CONTES ITALIENS-2015-
Nationalités : Italie / France
Titre VO : Maraviglioso Boccaccio
Durée : 2h00
Distributeur : Bellissima Films
Visa d'exp. : 139888
Résumé
Florence, 14e siècle : la peste fait rage. Dix jeunes gens fuient pour se réfugier dans une villa à la campagne et parler du sentiment le plus élevé qui existe, l'amour, dans toutes ses nuances.
Source : Matériel de presse
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Vagues réminiscences littéraires et scabreux antécédents cinématographiques obligent, on associe volontiers le Décaméron (1350-1355) de Boccace à la truculence la plus débridée quand il véhicule surtout, derrière ses accès de paillardise, l’humanisme et l’idéalisme amoureux de l’ami Pétrarque. Ces deux-là ne formaient-ils pas, selon l’illustre conteur, "une même âme dans deux corps" ? Belle osmose dont témoignent aussi, avec bonheur et retenue, les frères Taviani. Optant pour un dépouillement d’une autre sorte, les deux octogénaires ressaisissent donc l’essence de l’œuvre : loin d’y projeter leurs propres fantasmes, ils parviennent à en éclairer sans complaisance les diverses facettes. Ils n’y ont pourtant pioché, outre le prologue et le récit-cadre enfin pris en juste considération, que la bagatelle de cinq histoires (certes emblématiques) sur les cent qui la composent. Autant dire qu’il y aurait là matière pour eux à nous livrer un second florilège, comme ils s’y employèrent avec Kaos (1984) et Kaos II (1998), bouquets de "contes siciliens" empruntés à Luigi Pirandello ! Qu’on nous permette néanmoins d’en douter, étant donné leur âge et la valeur testamentaire de cette livraison italienne enracinée, non loin de la Mort galopante, dans le paisible et fragile Eden un instant reconquis de la verte campagne toscane qui les vit naître (Vittorio en 1929, Paolo deux ans après). Sur la péninsule plus qu’ailleurs, hélas, le petit écran a vampirisé, dévoré le grand, mais si les finances ont fondu depuis le somptueux Good Morning Babilonia (1987), leurs cosignataires prouvent qu’ils demeurent en pleine possession de leurs moyens artistiques. La longue et lugubre évocation de la peste qui avait anéanti, sous les yeux de Boccace, deux tiers de la population florentine en 1347 s’avère d’emblée poignante et très suggestive. Répartis avec parcimonie dans le désert mortifère d’une ville solaire et spectrale à la fois, figurants et petits rôles y conjuguent déjà en quelques saynètes terribles, des ruelles et des chambres aux charniers, une litanie complète de cas désespérés qu’ouvre, dans l’azur indifférent, le suicide muet d’un jeune homme du haut du campanile. Il suffirait seul à motiver la fuite complice d’une dizaine de ses semblables (sept filles et trois garçons), sains encore, vers l’utopie collective d’un vaste et riant lieu de villégiature inoccupé. Vers le réconfort de la fantaisie verbale aussi, sans autres émois permis que fictifs – la conjuration du Mal, proche vecteur de sourdes inquiétudes, passant par une parole ritualisée et quotidiennement relayée, de voix en voix, dix après-midi durant. On pourra reprocher au vénérable duo de ne plus prendre le temps ensuite de bien caractériser ses gracieux et si "rohmeriens" jouvenceaux, la figure littéraire récurrente de Fiammetta (Miriam Dalmazio) y compris. Au bain (qu’ils prennent pudiquement couverts dans un lac) comme au pain (qu’ils pétrissent alignés en liesse), leur vive harmonie quasi androgyne les distingue donc beaucoup moins que les fort singuliers protagonistes de leurs récits respectifs, incarnés il est vrai par la fine fleur du nouveau cinéma transalpin : Kim Rossi Stuart à contre-emploi (folâtre benêt Calandrino, persuadé par tous de sa soudaine invisibilité), Jasmine Trinca (jolie veuve trop exigeante) ou Riccardo Scamarcio (fougueux soupirant nécrophile d’une pestiférée qu’il ressuscite d’un baiser lascif).Chacun ses goûts : Visconti, De Sica et Fellini s’étaient librement appropriés les trois volets de l’opulent Boccace 70 (1962) ; Pasolini, lui, avait peint l’hédonisme lubrique d’un Décaméron (1971) dix fois débraillé ; pour leur 18e film, les Taviani ont choisi, a contrario, de servir en humbles enlumineurs tous les registres (tragique, burlesque, pathétique, cruel et iconoclaste) du livre et d’y mirer les rayons et les ombres, l’incertain combat d’Eros contre Thanatos. Mais un "film à sketches" se révèle toujours inégal et ce sont ici le premier et le dernier (issus des 5e et 10e "Journées") qu’aguerris à Goethe (Les Affinités électives, 1996) et Tolstoï (Le Soleil même la nuit, 1990), ils réussissent le mieux, les imprégnant d’un romantisme noir qui annonce Gautier.Plus subtils dans leur approche du fantastique que ne le sera Matteo Garrone avec son Conte des contes (d’après le Pentaméron posthume de Giambattista Basile), ils dressent, contre le chaos et les contagions néfastes de notre société, "l’inventaire du monde perdu" légué par Boccace (selon Claude Perrus) et restaurent, face à l’aliénante loi du profit, l’élan chevaleresque des idéaux d’antan.
Bibliographie