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LA RANÇON DE LA GLOIRE-2014-
Nationalité : France
Durée : 1h54
Date de sortie en France : 07/01/2015
Themes
Bateaux de croisière
- cinéma français -
Cirque
- cinéma français -
Distributeur : Mars Distribution
Visa d'exp. : 131344
Résumé
"Vevey, une petite ville au bord du lac Léman, 1977. Tout juste sorti de prison, Eddy est accueilli par son ami Osman. Ils ont tous deux convenu d'un marché. Osman héberge Eddy, en échange de quoi celui-ci s'occupe de sa fille de sept ans, Samira, le temps que sa femme Noor subisse des examens à l'hôpital. Mais en cette veille de Noël, le manque d'argent se fait cruellement sentir. Aussi, lorsque la télévision annonce la mort du richissime comédien Charlie Chaplin, Eddy a une idée : subtiliser le cercueil de l'acteur et demander une rançon à la famille"
Source : Matériel de presse
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Critiques - Commentaires Public
Le capitalisme sauvage qui, en misant sur la mondialisation, sans vergogne épuise la planète préfère nous vanter l’atout supposé de la « mobilité ». Or c’est aussi parce que le vagabondage ne connaît, comme la misère, point de frontières, qu’un beau jour d’hiver ces deux-là en substance avant nous se sont dit :
« Je suis Charlie ».
Mais qui donc ? Les deux anti-héros, pathétiques autant que parfois drolatiques, du sixième long métrage de Xavier Beauvois, précisément sorti ce 7 janvier, et leurs assez lointains modèles d’une réalité helvète moins paisible et ripolinée qu’on ne veut d’ordinaire nous la vendre. Deux hommes et un seul dieu, cette fois, universel et laïque, descendu de l’écran dans la tombe d’un plus doux exil que le leur : Charles Spencer Chaplin, mort le 25 décembre 1977, âgé de 88 ans, à Corsier-sur-Vevey, dans le bien nommé Manoir de Ban (investi, le temps de quelques scènes, par l’équipe du film – un gage de confiance valant estampille), son futur Musée (ouverture prévue au printemps 2016). Définitivement mis en boîte, donc, puis déplacé contre son gré comme si souvent il le fut – ironie du sort – dans la vraie vie et la fausse, lui l’emblématique Emigrant (dès 1917), tour à tour glorieux hôte anglais et proscrit « black-listé » d’Hollywood. A la figure éternelle du brave débrouillard sans le sou, de l’exclu du Rêve Américain, à l’idéal « ami » des moins que rien, ses soi-disant semblables d’infortune n’étaient-ils pas en droit, devant le refus obstiné (et trop lucide, peut-être) des banquiers suisses, de faire un « emprunt » à moindres frais, de le lui arracher plutôt en déterrant son cercueil pour l’enfouir un peu plus loin, sous un champ de maïs, et réclamer à sa riche famille le prix exorbitant de la consignation ?
On avait bizarrement presque oublié ce sordide et macabre fait divers qui tint l’opinion en haleine, plus de deux mois durant. Volé le 1er mars 1978, le cadavre du grand petit homme de La Ruée vers l’Or (1925) fut retrouvé, non sans tâtonnements cocasses, le 17 mai suivant, après l’arrestation des coupables imprudents : le réfugié polonais Roman Wardas (24 ans) et son complice bulgare Gantcho Ganev (38 ans), deux mécaniciens auto désireux de s’offrir un garage. Sur ce lamentable duo de « profanateurs de sépulture », a priori peu sympathiques (surtout pour un cinéphile), l’acteur-réalisateur chti du Petit Lieutenant (2005) a eu la belle et assez audacieuse idée de bâtir, avec son coscénariste Etienne Comar (nommé aux César en 2011 pour Des Hommes et des dieux, leur commun triomphe, et coproducteur, l’année dernière, de Timbuktu), un conte de Noël moderne, très moral en définitive et parfaitement en phase avec son humanisme compassionnel.
Aussi nos deux complices de plume se devaient-ils de prendre, pour la bonne cause, quelques libertés qu’on leur pardonnera d’autant plus volontiers que l’illustre « corps du délit », par divers autres biais ici exhumé (et célébré), y eût sans peine consenti. « Modernes » en effet, les « temps » changent et l’immigration qu’ils génèrent, de même : comme Merckx, Eddy (un Benoît Poelvoorde amaigri, terreux, maniaco-dépressif en diable) est belge ; Osman (le fidèle Roschdy Zem, droit et déchiré) algérien et on découvre que le premier a jadis sauvé le second (qui l’abrite désormais) de l’incendie de leur foyer grenoblois. A l’un, célibataire, l’initiative du forfait fin décembre anticipé (triste féérie oblige !), partant le rôle du « cerveau » tordu (celui d’un avide lecteur miné par la gamberge)) ; à l’autre, papa d’une fillette finaude (et honnête travailleur pauvre), son mobile qu’il convenait dès lors d’anoblir, presque de sanctifier : l’onéreuse opération de la hanche qu’espère subir son épouse (Nadine Labaki, toute en retenue) pour quitter son lit d’hôpital et refaire des ménages. De l’égarement temporaire à la rédemption artistique ou morale de ces deux authentiques « charlots » (parole d’avocat), la comédie sociale lorgne ainsi vers le mélodrame, si cher également à leur homonyme, sans jamais s’y abîmer. La « rançon » de son titre s’y entend au propre et au figuré, telles Les Portes de la Gloire que le même Poelvoorde, VRP bien membré, avait franchies en 2001 devant la caméra de Christian Merret-Palmair.
Mais ce sont d’abord les classiques de Chaplin que ce film convoque, naturellement : The Cure (1917), un court « vu à la télé », et deux chefs-d’œuvre en filigrane, Limelight (1952) pour son duo de clowns branlant et sa ballerine un temps paralysée, The Circus (1927) pour sa romance fragile du clown et de l’écuyère (campée à Vevey par Chiara Mastroianni). Outre sa facétieuse danse d’anthologie (le twist libérateur du duo en cuisine), il s’offre par ailleurs une fastueuse B.O.F. où alternent les thèmes irrésistibles du maître et les tonitruantes envolées d’un Michel Legrand ragaillardi, semble-t-il, par sa fraîche union nuptiale avec Macha Méril (qui prend la voix d’Oona au téléphone). Se joignent enfin à la foireuse parade : Peter Coyote en vedette américaine (juste après On a marché sur Bangkok d’Olivier Baroux) dans l’emploi d’un sourcilleux secrétaire (très) particulier et, pour quelques tours de piste, l’ami Olivier Rabourdin (promu médecin), Marilyne Canto (son assistante), Philippe Laudenbach (procureur « shakespearien »), Louis-Do de Lencquesaing (ardent défenseur) ou Arthur Beauvois, policier et fils de Xavier. Eugène Chaplin (61 ans), celui du défunt Charles, et sa nièce Dolores (38 ans), dans les petits rôles respectifs de l’intendant du cirque et de l’actrice Geraldine Chaplin (sa tante), fournissent l’imparable double caution familiale du projet tendrement mené à l’ancienne, sans effets inutiles, par leur metteur en scène.
Au risque de s’enliser quelquefois un peu, celui-ci en revendique la désuète lenteur rythmique jusqu’au ralenti clownesque répété d’un pugilat circassien opposant Benoît Poelvoorde grimé à son partenaire de vocation Roland Noirjean, travestis en mafieux rigolos. Médiocre Monsieur Loyal derrière eux à l’écran, il renoue du reste avec le mot « FIN » - un signe qui ne trompera que les spectateurs impatients de quitter la salle et privés ainsi, après le générique, de sa scène muette la plus burlesque (et chaplinesque ?) : le déboulonnage et le vol fictif, par trois autres lascars, de la statue de Charlot (signée John Doubleday en 1982) au bord du lac Léman. Mais qu’on ne s’en formalise pas davantage puisque l’hommage au prodigieux disparu s’avère tout du long manifeste et son legs artistique presque aussi encombrant, en définitive, que sa dépouille.
Humble et sensible, voici donc un bon film, faute de mieux. On l’eût en effet espéré grand, à l’aune de son sujet, dans le sillage perdu des paraboles sublimes de Frank Capra (La Vie est belle) et Vittorio De Sica (Miracle à Milan). Or un fossé toujours se creusera entre le talent et le génie, les hommes et les dieux.