Alors la le cinéma fait un grand pas, Marco Ferreri prend de force un marché sclérosé, avec des idées métaphysiques pour l'époque. Une génération de comédiens vieillissants accepte de se fragiliser dans un nouveau concept hyper dérangeant, détruisant une décennie de rôles plutôt conventionnels.La nourriture, principale ingrédient de cette déferlante de victuailles, devient une arme suicidaire. On n'ingurgite plus pour subsister, mais pour le gain d'une souffrance exigée, menant au trépas.Ces esprits délirants, suite aux hectolitres de vins absorbés, sombrent volontairement vers la nuit éternelle.Parasités intérieurement par le mal de vivre, ils se suppriment en malmenant leurs corps qu'ils veulent punir d'avoir pris le pouvoir sur une ligne de conduite d'esprit responsable.Cet hymne à la bouffe absorbée en masse est révolutionnaire, l'audace prend le pas sur une conventionnalité cinématographique lassante. Un nouveau voyeurisme s'exprime sans limites. Volontairement abject, "La grande bouffe" met en lumière un cinéaste hautement épicurien, hautain, paradant sur les marches du festival de Cannes, fier de son travail.Insulté, frappé, c'est un chemin de croix pour l'équipe du film, endurant jusqu'au bout le déferlement critique d'une foule menaçante et hystérique, non préparée."La grande bouffe" va permettre à certains comédiens de se remettre en question notamment Michel Piccoli, inaugurant en ces années soixante dix un changement radical dans le choix de ses personnages, acceptant des rôles complexes tel que dans "Grandeur nature" de Luis Garcia Berlanga."La grande bouffe" est un film bénéfique, novateur, tout est remis en question. Réalisateur et surtout comédiens renaissent par la provocation, un mot merveilleux, mouvementant des esprits endormis par les procédures basiques et sans surprises du métier.Un incontestable progrès cinématographique, une œuvre d'art surréaliste, emblème nauséabond d'une profession osant enfin titiller l'intolérable.