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MISTER BABADOOK-2013-
Nationalité : Australie
Titre VO : The Babadook
Durée : 1h33
Date de sortie en France : 30/07/2014
Genre : FANTASTIQUE
Réalisation : Jennifer KENT
Scénario : Jennifer KENT
Prise de vues : Radoslaw LADCZUK
Musique : Jed KURZEL
Récompenses
- Prix du Jury Gérardmer 2014, ex-aequo avec "Rigor Mortis" de Juno Mak .....
- Prix de la Presse, du Public et du Jury Jeunes, Gérardmer 2014
Distributeur : Wild Bunch Distribution
Visa d'exp. : 13972
Résumé
Travaillant dans un institut sanitaire pour vieilles personnes, la dynamique Amelia n'est pourtant pas au bout de ses peines, après une journée harassante, confrontée chaque soir à l'hyperactivité de son jeune fils Samuel, âgé de six ans, dont elle est seule à s'occuper, depuis le décès de son époux dans un dramatique accident de voiture alors qu'il l'emmenait d'urgence à la maternité. D'une ingéniosité à toute épreuve et d'une redoutable efficacité dans la conception d'armes diverses et variées, comme une arbalète miniature ou une catapulte portable, le gamin est sujet depuis peu à de récurrentes crises d'angoisse, en fait depuis la narration vespérale de sa mère d'un livre d'images trouvé sur une étagère et qui narre l'histoire d'une nocturne et monstrueuse créature, curieusement dénommée "Babadook" dont la perturbante spécialité est de hanter les nuits de ses éventuels et malheureux lecteurs. Après de vaines tentatives pour rassurer son fils de plus en plus tendu et sujet à une inquiétude désormais quotidienne, Amelia se sent elle-même envahie par un puissant trouble incompréhensible, bientôt parsemé de peur et d'agitation qui va peu à peu l'enfoncer dans une inquiétante et maladive agressivité que la fatigue et le manque de sommeil accumulés ne feront qu'amplifier.
Critiques et Commentaires
Critique de Jean-Claude pour Cinéfiches
Note Cinéfiches : 15/20
Une sympathique variante sur la thématique du boogeyman et autre croquemitaine de notre enfance, fortement teinté de culpabilité, de névroses et de dépression dont nous retiendrons surtout l'excellente, voire exceptionnelle prestation de l'actrice principale, véritablement habitée par un rôle complexe et difficile.
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Son nom bizarre, plus inuit que nocturne, à juste titre enfantin et gentiment réfrigérant, n’a l’air de rien, bien sûr : Babadook. Qui donc irait, de prime abord, l’associer au père absent (« baba » en mandarin), ce lent poison (« doku » en japonais), voire à quelque nouveau seigneur des ténèbres (le Comte Dooku de Sir Christopher Lee dans la saga Star Wars) ? Il suffit pourtant qu’il soit découpé à son image, lentement scandé, réverbéré dans les graves sépulcraux, pour que germe une vague inquiétude, et bientôt l’effroi.
La jolie Vahina Giocante, jurée de (bonne) fortune au 21e Festival International du Film fantastique de Gérardmer, en lieu et place de Béatrice Dalle et Tania Raymonde (toutes deux portées pâles), prit d’ailleurs un plaisir non dissimulé à s’en faire l’espiègle écho, en chœur avec les aficionados acquis : «Ba- Ba-dook-dook-dook !» Et Dieu sait si elles résonnèrent dans la salle et sur l’estrade de l’Espace LAC, ces syllabes menaçantes et malgré tout victorieuses, à jamais gravées dans la mémoire de chaque cinéphile, lors d’un Palmarès aussi injuste qu’absurde et contre-productif.
Pas de Grand Prix, en effet, pour le personnage éponyme rémanent du meilleur film en compétition, ni pour ses deux lointaines marraines australiennes (auteur à part entière et actrice sans pareille), recalées au profit illusoire d’une bancale Miss Zombie nipponne en noir et blanc. La faute au Président Jan Kounen, champion cabochard du contre-pied et de l’expérimentation à haut risque (génial quand il transcende 99F, navrant quand il trahit Blueberry) ?
La toujours fragile manifestation vosgienne avait pourtant besoin qu’une complète unanimité se fît autour d’une œuvre à l’évidence exceptionnelle, susceptible de conforter son renom et sa légitimité (hélas en deçà du défunt Avoriaz) en fédérant jusqu’aux plus rétifs des spectateurs. Centrée pour la troisième fois sur une affolante figure maternelle (après Babycall et Mama, vainqueurs somme toute moins accomplis en 2012 et 2013), elle eût enfin pu y saisir l’occasion de couronner une femme (rare à ce poste, sur ce terrain), faute d’avoir jamais propulsé son sexe à la tête du Jury Longs Métrages ou de s’être fendu d’un festif hommage à l’une de ses vivantes reines (Barbara Steele, par exemple).
Car, qu’on y répugne ou non, les superlatifs parfois s’avèrent de mise et, dans ce cas précis, cependant, ne suffisent pas davantage qu’un beau bouquet de consolation (les quatre prix du Jury ex-aequo, du Public, de la Critique et des Jeunes pour une fois unanimes !) à célébrer l’indicible, lorsque tous les talents convergent et que naît, puis perdure, non point la peur et ses effets connus, attendus, mais ce qu’on appelle le grand frisson, qui ravage et interroge en profondeur. Ainsi Mister Babadook marquera-t-il Gérardmer (et peut-être même l’histoire du cinéma fantastique) de son empreinte, autant qu’avant lui parmi les lauréats, dans des registres par bonheur fort variés, Photographing Fairies de Nick Willing, notre favori (et lui aussi Prix du Jury ex-aequo en 1998), Dellamorte, Dellamore (1995), Cube (1999), Dark Water (2003), Fragile (2006), Norway of Life (2007), L’Orphelinat (2008), The End (2013) ou le « cultissime » Scream (1997), son plus rentable succès.
Comme Mama de l’Argentin Andrés Muschietti, autre premier « long » assez logiquement distingué au terme de la précédente édition, il n’a, en l’occurrence, pas surgi tout droit du néant, mais émane, à une décennie d’intervalle, de l’unique court métrage de sa réalisatrice : un plus explicite Monster de dix minutes (déjà couvert de récompenses et applaudi dans une quarantaine de festivals internationaux) dont il constitue, sans rien en laisser paraître, l’intense et poignante extension (1h35 au total). Professeur d’art dramatique et comédienne à l’occasion (dans The Well de sa consoeur Samantha Lang et la suite de Babe : Pig in the City), Jennifer Kent a donc pris le temps de laisser mûrir et se développer sa cauchemardesque créature, nourrie à bon escient d’archaïques références, aussi exigeantes, par conséquent, que peu usitées. Celles-ci ne se révèlent du reste pas étrangères à l’immédiat pouvoir d’obscure fascination d’un croquemitaine plus suggestif et singulier que ses pairs, devenus prévisibles et trop exposés (tels l’inusable Freddy et le tueur ailé de Jeepers Creepers, jadis venus tous deux en personne dans les Vosges). Toujours à peine entrevu, il se dresse ou s’accroche au plafond, raide et immobile, mais demeure un personnage de carton, issu d’un pop-up, sans autre épaisseur que celle, considérable, de notre imaginaire et des souvenirs délétères qu’avec ses deux victimes nous projetons sur lui. Ne lit-on pas sur la dernière page du livre pérenne qui l’abrite et l’affranchit, mystérieusement apparu dans une bibliothèque d’enfant : «Vous regretterez de ne pas être mort quand vous découvrirez qui se cache derrière Mister Babadook » ? Gardons-nous ici d’écrire ce que chacun saura pressentir et qui trouvera, dans l’ultime métaphore de son épilogue exemplaire, sa très psychanalytique confirmation. Invasive et fugitive à la fois, sa soudaine proximité tient d’abord au caractère artisanal dudit Babadook : qu’il aille jusqu’à s’intégrer dans des films de Méliès, à la télévision, loin dès lors de nous surprendre, définit bien sa trompeuse évanescence, le tétanisant émerveillement dont, plein de malice, il joue. Quoique doté de la parole (y compris au téléphone), il combine en outre, à travers sa sinistre silhouette, deux hautes figures immortelles du muet : le rictus, la cape et le haut-de-forme de Lon Chaney (faux vampire de London after Midnight) ; les ongles griffus, la maigreur et la posture de Max Schreck (vrai Nosferatu). Au demeurant pointue et nostalgique dans tous ses emprunts (qui s’arrêtent aux Trois Visages de la Peur de Mario Bava, en 1963 !), Jennifer Kent a certes de qui tenir puisqu’elle descend en ligne directe des Carroll Brothers, prolifiques producteurs australiens des années 20. Face au « Monster » qu’elle a elle-même créé, digne de côtoyer les grands modèles d’Universal, il fallait des victimes de tout premier choix, compatibles et non moins dérangeantes, voire effrayantes à leur manière. Point de couple conventionnel (candides jeunes mariés dans leur nouveau nid d’amour ou duo d’aventureux parapsychologues), ni d’insupportables adolescents en goguette, non : une veuve surmenée, infirmière dans un asile de vieillards, contre son turbulent fils unique de six ans, ingérable au lit comme à l’école et – sans absolution aucune – indirectement responsable de la mort de son mari à sa naissance (victime d’un accident de voiture en l’emmenant accoucher à la clinique – la première séquence fondatrice du film, rêvée au ralenti), avec un brave toutou nécessairement condamné pour seule concession scénaristique. Loin du moindre angélisme, en revanche, et des diktats du « politiquement correct », la réalisatrice ne craint pas ainsi d’aborder de front les écueils majeurs d’une société moderne en perte de repères, rongée par ses démons au quotidien : la fatigue nerveuse et le désarroi éducatif des mères isolées qui travaillent, le narcissisme accaparant des enfants-rois hyperactifs, l’impuissance croissante de l’institution scolaire, la pénurie d’écoute médicale et l’aveuglement commode, les préjugés non assumés des voisins ou des agents de contrôle. Gageons donc qu’Incommodés par tant d’abcès brutalement crevés, les coupables adeptes de feue Françoise Dolto seront les premiers à hurler ! Or le fantastique prospère dans l’inconfort émotionnel et intellectuel, quand se brouillent peu à peu les repères entre le songe et la veille, le réel et l’irréel, le bien et le mal – l’acceptable et l’insoutenable. Sans le sale gosse et son appétit de lectures maternelles au coucher, pas de Trois Petits Cochons, ni, par conséquent, de Méchant Loup, puis de Babadook. Parfaite tête à claques, Noah Wiseman fait toutefois souffler le chaud et le froid dans le rôle difficile du petit Samuel. Passant inopinément de l’exaspération compulsive à la tendre effusion, il incarne la malédiction de sa génitrice (dans la lignée de Damien ou du bébé de Rosemary), autant que son intrépide chevalier servant, bricoleur d’armes destructrices pour terrasser les dragons dont il peuple, dans son esprit tordu, la maison. Admirablement construit sur une série de lents crescendos horrifiques, le script finit même par inverser les rôles. N’a-t-on pas vu souvent la terreur changer de camp ? En sombrant ici dans l’insomnie et la dépression, l’ange de miséricorde se mue en diablesse hystérique et, désormais persécuté à tort, la pesante progéniture en victime expiatoire. Tressons de ce fait les lauriers qui s’imposent à la prodigieuse Essie Davis, actrice tasmanienne découverte en 2006 par les festivaliers géromois, au cœur de la rurale Isolation irlandaise générée par Billy O’Brien, Grand Prix du cru. Rendue depuis peu plus familière chez nous par la diffusion dominicale, sur France 3, de la savoureuse série rétro Miss Fisher enquête (elle y tient le rôle éponyme d’une coquette détective anglaise à Melbourne), elle avait déjà décroché un Laurence Olivier Award sur la scène londonienne (dans Un Tramway nommé Désir en 2004) et, entre deux Matrix et Australia au cinéma, campé l’épouse jalouse de Vermeer, peintre de La Jeune Fille à la Perle (2003). Pour sa brillante compatriote, elle donne tout, sans retenue ni cabotinage (un exploit en soi) : aussi impressionnante en définitive que le Babadook qui la traque, l’obsède et la possède, son Amelia prend un bain tout habillée, entre en transe, hurle, s’arrache une molaire, vomit de l’encre noire et brise la nuque de son petit chien. De la détresse profonde à la monstrueuse cruauté, elle va plus loin que Mia Farrow et Piper Laurie devant Sissy Spacek (sa fille Carrie). Elle bouleverse et sidère, nous abandonne pantelant de stupeur et d’admiration. Osons le proclamer : à l’égal de Meryl Streep (Un Eté à Osage County), Cate Blanchett (Blue Jasmine) et, en Francophonie, d’Emilie Dequenne (Pas son Genre) ou Marion Cotillard (Deux Jours, Une Nuit), sa magnifique performance compte, tous styles de films confondus, parmi les meilleures compositions dramatiques de l’année. Sans minorer les multiples qualités cinématographiques de Mister Babadook, le principal effet spécial de ce sombre joyau, c’est elle, assurément. Vous voilà prévenus