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ZERO THEOREM-2013-
Nationalités : France / Roumanie / Grande-Bretagne
Titre VO : The zero theorem
Durée : 1h39
Date de sortie en France : 25/06/2014
Réalisation : Terry GILLIAM
Scénario : Pat RUSHIN
Prise de vues : Nicola PECORINI
Musique : George FENTON
Distributeur : Le Pacte / Wild Side Films
Résumé
"La capitale britannique, dans un avenir proche. Le monde est plus que jamais sous la surveillance d'une autorité invisible et toute-puissante grâce aux fantastiques avancées technologiques. Qohen Leth, génie de l'informatique, vit en reclus dans une chapelle abandonnée. Il y travaille sur un projet secret que lui a confié celui qu'il appelle Le Directeur et visant à enfin décrypter le but de l'Existence - ou son absence de finalité - une bonne fois pour toutes. Sa solitude est interrompue par les visites des émissaires du Directeur : Bainsley, une jeune femme mystérieuse qui tente de le séduire, et Bob, le fils prodige du Directeur. Qohen attend désespérément l'appel téléphonique qui lui apportera les réponses à toutes les questions qu'il se pose depuis si longtemps. Mais ce n'est que lorsqu'il aura éprouvé la force de la passion amoureuse et du désir qu'il pourra commencer à comprendre le sens de la vie"
Source : Matériel de presse
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Du "Brasil", en ce début d’été 2014, on en aura ingurgité à doses massives, Coupe du Monde oblige – y compris, plus subrepticement peut-être, sur grand écran, mais avec un Z comme le "Théorème" du scénariste anglais Pat Rushin et la dernière lettre du patronyme de son principal interprète, l’Autrichien Christoph Waltz. La boule à "Zéro", des fois qu’on aurait pas bien "capté", et pour la toute première fois déclassé depuis son avènement nazi (le Colonel Landa d’ Inglourious Basterds en 2009, salué à Cannes, puis aux Oscars), plus proche du "Lumpenproletariat" que de la "Race des Seigneurs" (fussent-ils odieux !), moins cynique que phobique, morose et psychorigide. En le voyant fulminer et grimacer en pure perte (de conviction), on comprend mieux, hélas, pourquoi les emplois de carpettes ou de victimes s’accordent si mal à sa mâchoire volontaire, ses yeux d’acier et son visage en lame de couteau.
Visionnaire parfois inspiré quand substance(s) de choix il y a, Terry Gilliam n’a certes jamais été un grand directeur d’acteurs et il le prouve ici une nouvelle fois, provoquant lassitude et embarras chez leurs admirateurs les plus indulgents, au détriment de toute réelle adhésion. Car le haut du panier ne suffit pas à faire illusion dès lors que, fort mal tenu, il se trouve agité sans frein. Oscillent donc également, entre l’outrance et l’insignifiance, notre Mélanie Thierry (petite poupée pulpeuse non moins factice en "live" qu’en ligne), David Thewlis (sous-chef très en-dessous de ses possibilités), Tilda Swinton (bouffonne et jamais drôle en psy virtuelle – la bien nommée Dr Shrink-Rom), Lucas Hedges (banal geek à papa échappé pour rien des films de Wes Anderson), les fidèles Matt Damon (décevant Management, sorte de Big Brother excentrique) et Peter Stormare (médecin carnavalesque à peine aperçu).
Le véritable drame, pourtant, c’est que le seul Américain natif des Monty Python (et leur patron au cinéma) ne parvient plus guère à surprendre, à générer rires ou rêveries, ni même à choquer. S’il se souvient ici explicitement du Sens de la Vie (raillé de concert en 1983), insaisissable objet de la quête conjointe du protagoniste (muré dans l’attente d’un mystérieux coup de fil révélateur – son Godot à lui, en quelque sorte) et de ses supérieurs hiérarchiques, il semble surtout ruminer, à un an d’écart, ses réminiscences de 1984 (le roman).
Nous devrions au demeurant tous commémorer le trentenaire de cette date emblématique dans l’histoire de la science-fiction, d’une croissante et très troublante actualité. Et comme Brazil (son chef-d’œuvre ?), une décennie tout rond auparavant, ce Zero Theorem puise en effet chez George Orwell ses éléments anxiogènes (caméras-espions partout, claustration servile, glaciation des cœurs et des esprits, aliénante haute technologie, stakhanovisme absurde et compartimenté), autant que ses sentimentales échappées oniriques : dystopie certaine contre fragile utopie.
Mais à la grisaille uniforme de l’Océania, l’incorrigible cinéaste baroque préfère le vacarme criard et coloré d’un univers urbain carnavalesque qui lui permet de recycler les accessoires et les costumes circassiens de son précédent « Imaginarium », celui du Docteur Parnassus en 2009. Le Parti unique néo-stalinien mis en accusation par l’auteur de La Ferme des animaux y trouve néanmoins son juste équivalent ultra-libéral dans une compagnie informatique toute-puissante, "Mancom", avide elle aussi de scruter et d’interpeller ses clients asservis. "Vise la réclame", chantait déjà Léo Ferré, ciblant "les murs qui bavardent" : couverts de grands écrans sonores et loquaces, bordés de défilants lumineux, ils traquent, un siècle plus tard, le piéton le long des trottoirs et l’empêchent de penser, le gavant comme une oie en sursis pour combler d’insanités sa moindre parcelle de cerveau disponible. "Nous sommes mourants", ne cesse d’ailleurs de gémir le protagoniste de la fable, génial ingénieur qui vendrait son âme – et risquera d’abord un "burn-out" assuré – pour goûter le privilège de travailler chez lui. Malheureux captif de cette société mercantile et numérisée à l’excès, il donne de notre existence une définition terriblement adéquate : "la divine obsolescence programmée."
Lui trouver sur ordre une autre signification, plus satisfaisante, relève dès lors de la mission impossible et on ne comprend plus très bien l’enjeu de l’agaçant duel, par écran interposé, entre le studieux anachorète et les chiffres ou les constructions virtuelles du Réseau Central Neuronal, tyrannique machine surdimensionnée qui gère le monde décadent où il se débat. On se sent assez vite floué, en outre, par son enfermement définitif à l’intérieur de la vaste église désaffectée où il a élu domicile, sous le regard d’un immense Christ en croix sans tête, couronné d’une caméra. La chatoyante dimension spectaculaire de l’oeuvre, proche du Cinquième Elément dans son premier tiers, se réduit ainsi, contre toute attente, à un huis clos foutraque qu’aèrent à peine les chromos de brèves et illusoires évasions en couple sur un bout de plage tropicale nappée d’un éternel soleil couchant, avatar exotique du « Pays Doré » de 1984 (« C’est mieux que réel : tu es dans ton ordinateur et moi dans le mien, il n’y a rien à craindre », s’enthousiasme tristement la pimpante partenaire récréative de l’informaticien).
Or, quoiqu’aussi raté, pour d’autres raisons, que Transcendance de Wally Pfister (peu crédible et trop ambigu dans sa charge contre l’emprise des ordinateurs sur nos destinées), mis à l’affiche la même semaine, le treizième long métrage de Terry Gilliam demeure tout compte fait plus stimulant que ses trois pensums précédents. En dépit de tous ses défauts, aggravés par son manque de rythme et d’émotion, particulièrement fâcheux, le pessimisme lucide qui l‘imprègne ( "La vérité n’est pas jolie, mais elle est libératrice") peut en effet emporter l’adhésion et susciter maints autres questionnements salutaires. L’insolite identité de son anti-héros fascine, sans cesse estropiée par les gens de pouvoir : Qohen Leth, le "dévoué mortel" (étymologiquement), qui convoque au choix son homonyme danois Jorgen Leth, le poète et réalisateur expérimental du célèbre court métrage The Perfect Human (1967), ou, en sens inverse, le ténébreux Leonard Cohen, possible guide du choix de son interprète ( "Take this Waltz" !).
Plus étrangement encore, The Zero Theorem lorgne, dès l’ouverture (un trou noir cosmique où l’acteur précité sombre en rêve), vers L’Autre Monde (2010), fort audacieux film français méconnu de Gilles Marchand : n’y était-il pas question du "Black Hole", jeu fatal en réseau, et de la quête suicidaire d’une "Plage" virtuelle, partagée par les avatars de Grégoire Leprince-Ringuet et Louise Bourgoin ?
Il y a deux ans, enfin, sortait Login de Sanjeev Reddy, drame indien exemplaire sur les ravages de l’internet aujourd’hui, dans le quotidien solitaire de trois êtres différents, mais pareillement condamnés. Sur l’affiche, sa phrase d’accroche proclamait : "Connected on life but disconnected in life". A moindres frais, on ne saurait mieux dire.
Bibliographie