Prix Jean Vigo en 2009 pour son moyen métrage Les paradis perdus, Hélier Cisterne signe son premier long métrage avec Vandal, film tourné à Strasbourg. Après avoir vu ce film, les spectateurs ne regarderont plus les graffitis sur les murs de la même façon.
Le tournage s’est déroulé entre l’Alsace et la Région Rhône-Alpes. Certaines séquences ont été tournées au lycée Le Corbusier, à Illkirch-Graffenstaden. D’autres dans des rues de Strasbourg. Un plan des toits de la ville rappelle que la cathédrale est décidément très belle, avec sa flèche unique. Nombreuses sont les séquences tournées de nuit, car c’est alors que les graffeurs agissent. La zone industrielle du Port du Rhin, ainsi que sa gare de triage ont été exploitées. L’ancienne usine Schutzenberger à Schiltigheim a rouvert ses portes pour les besoins du tournage. Pisco Logik, un artiste strasbourgeois qui se fit connaître dans les années 90, et Orka, un artiste parisien, ont collaboré au film pour lequel ils ont été coaches graffiti des comédiens. Lokiss, artiste multiforme, l’un des premiers graffeurs qui fit parler de lui en France dans les années 80, a également collaboré à ce film pour lequel il a réalisé la plupart des fresques.
Chérif a 15 ans. Adolescent renfermé et solitaire, mal dans son lycée, il se voit envoyé chez son oncle et sa tante à Strasbourg pour y reprendre un CAP en maçonnerie. Même si sa nouvelle famille d’adoption est bienveillante, il n’a pas trouvé d’apaisement. Il le trouvera grâce à une fille de sa classe devenue sa confidente et son amoureuse. Surtout, un autre monde s’ouvre à lui lorsque son cousin lui fait découvrir la vie nocturne des graffeurs qui oeuvrent sur les murs de la ville. Cette première séquence est l’une des plus intéressantes. Elle campe avec ces silhouettes en ombres chinoises, virevoltant devant un mur, un univers magique où la nécessité de la création artistique flirte avec le danger. L’interdit, l’urgence, la peur d’être pris par la police, tandis que, sur le mur, la fresque se déploie. Elle fascine Chérif et nous, spectateurs, découvrons autrement ces graffitis qui habitent les murs des villes, dans les lieux les plus improbables.
Mais Vandal n’est pas qu’un film sur les graffitis. Hélier Cisterne s’est intéressé à l’adolescence : « cet âge écartelé entre les univers familiaux, amicaux et amoureux que l’on sait être les espaces de toutes les confrontations. La scolarité aussi, qui est alors tendue par l’angoisse et les choix d’orientation et d’avenir. Loin de l’insouciance, cette période est pourtant encore traversée par des fantasmes et des aspirations qui subliment le quotidien. » Vandal est un film qui brise heureusement les clichés. Chérif n’est pas un délinquant, il n’est pas violent. Il fait un stage dans le milieu du bâtiment avec des hommes de la génération de son père – des nostalgiques d’une culture arabo-musulmane dont ils connaissent encore des chansons. Chérif les écoute parler en arabe, chanter leur tristesse mais il ne se sent pas concerné. Quant à Elodie, son amoureuse, elle est noire et en CAP maçonnerie. Ainsi s’oriente le film, autour de personnages incarnant une jeunesse qui a d’autres aspirations que leurs aînés. La bonne idée d’Hélier Cisterne fut d’encadrer ses jeunes interprètes vraiment prometteurs – Zinedine Benchenine et Chloé Lecerf – par Jean-Marc Barr, Ramzy et Marina Foïs. En peu de scènes, ils s’imposent et rappellent qu’on est au cinéma. Leur relation avec les adolescents, joue à la fois sur une incommunicabilité et sur beaucoup d’amour. Les adultes mettent les jeunes sur les rails de leur destin, ils sont leur force de vie. Enfin, la musique aussi emporte le spectateur dans un univers qu’il n’attend pas. Frank Beauvais, consultant musique, a ce talent-là. Lorsqu’il intervient sur un film, on reconnaît désormais sa patte. Strasbourg peut s’enorgueillir de l’avoir vu grandir.
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Son site : Ecrivain de votre vie)