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WE ARE WHAT WE ARE-2013-
Nationalité : États-Unis
Titre VO : We are what we are
Durée : 1h46
Genre : HORREUR
Réalisation : Jim MICKLE
Prise de vues : Ryan SAMUL
Résumé
Dans un village isolé, la famille des Parker vit recluse des autres concitoyens, avec une prédominance autoritaire du paternel qui va encore s'accroître après le décès de la mère, avec la nécessité de perpétrer à nouveau une ancestrale coutume.
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Outre l’indispensable malaise que progressivement, presque en douceur, elle distille et installe, trois raisons au moins concouraient à faire de cette mise en bouche forcément cannibale ("Zombie Walk" oblige, arrosée comme elle ! ) l’idéale ouverture de la 6e édition du FEFFS – le Festival Européen du Film Fantastique de Strasbourg.N’affichait-elle point à l’écran, juste après son générique de début, un grand "Vendredi", bien plus humide encore que ce 13 septembre 2013 qui réunissait à nouveau, en sa prometteuse soirée cérémonielle, aficionados, officiels, jurés et maîtres d’œuvre dans la grande salle d’un Star Saint-Exupéry toujours complet ? Sous son titre anglais aussi fataliste que sibyllin, mais fort emblématique, au fond, de la tribu – volontiers pittoresque – d’amateurs drainée par la manifestation, We Are What We Are dissimulait de surcroît le "remake" (ou plutôt l’élégante transposition homonyme) d’un petit film trash mexicain récompensé à Gérardmer en 2011 : Sonos Lo Que Hay (VF : Ne nous jugez pas) de Jorge Michel Grau, Prix du Jury ex aequo avec une autre boucherie familiale, The Loved Ones (irremplaçables ceux-là) de Sean Byrne. Ainsi le passage de flambeau (ou de sanglante soupière, en l’occurrence) entre le festival vosgien (lui-même transféré d’Avoriaz) et son petit voisin alsacien gardait-il, après les visites communes du légendaire Roger Corman ou, cette année encore, de la fidèle Marina de Van ("Mention spéciale" pour Dark Touch), une viable légitimité. Malgré la très littérale "crudité" des deux séquences grand-guignolesques qui l’encadrent (peu après le générique, l’éviscération de la mère sur une table d’autopsie et, sur celle de la salle à manger, la dévoration finale du père nourricier par sa progéniture), cette oppressante plongée au cœur de la bigoterie autistique d’une Amérique profonde passablement névrosée s’avérait enfin assez fédératrice dans sa facture (splendide) et son propos (social autant qu’oedipien) pour transcender les conventions du genre. En compétition au FEFFS, il y a deux ans, avec le "survival" post-apocalyptique d’un Stake Land plus balisé (et primé à Toronto), son réalisateur Jim Mickle n’eut-il pas cette fois, avant Strasbourg, les honneurs d’une sélection à la Quinzaine des Réalisateurs cannoise ?La mise en place très lente du récit renforce en l’occurrence la chape d’obscurantisme et de brumeuse mélancolie qui semble peser, dès les premières si tranquilles images de ciel maussade et pluvieux, de nature sylvestre et détrempée, sur un Comté du Delaware où le temps paraît s’être grippé, enfermant derrière leurs ruisselantes vitres des êtres juvéniles ou rancis aux visages lourds de secrets. Piano et violoncelle se marient d’ailleurs pour en prolonger profondément la langueur, le temps d’un prélude quasi bergmanien, et nous imprégner d’un doux spleen contagieux que viendra toutefois fissurer l’élément perturbateur attendu : le désarroi d’une femme de quarante-sept ans qui, sortie de son austère foyer dans un état second, erre, convulsive, par les rues de la modeste localité voisine avant de s’effondrer et de se noyer, le crâne meurtri, dans une flaque de boue. Cette mort demeurée longtemps inexpliquée nous permet de faire connaissance avec la famille très religieuse qu’elle endeuille, résolue à perpétuer les rituels de jeûne, de prière et de sacrifice auxquels la défunte la soumettait : un père complice et visiblement illuminé, Frank Parker (qui doit à Bill Sage, impressionnant, sa robustesse opaque et sa barbe de prophète), deux trop angéliques adolescentes, Iris et Rose (respectivement incarnées par Ambyr Childers et Julia Garner – déjà vue dans Electrick Children, Le Dernier Exorcisme II et l’excellent Monde de Charlie – que leur belle et bientôt inquiétante blondeur rattacherait presque à un autre Village : celui des Damnés de Wolf Rilla, puis de John Carpenter), et leur plus innocent frère cadet Rory (le petit Jack Gore, au patronyme prémonitoire).Point n’est alors besoin d’être grand clerc pour opérer un troublant rapprochement entre la vingtaine de jouvencelles volatilisées aux alentours, un hypothétique serial killer, les ossements humains que déterrent ou charrient peu à peu les incessantes précipitations et ce patriarche renfrogné qui, au souper, régale sa maisonnée d’un épais brouet grumeleux couleur d’hémoglobine. Admis dans le "Saint des Saints" (si l’on peut dire), le spectateur dispose certes d’éléments de plus en plus accablants que tarderont hélas à collecter et à associer les deux tenaces enquêteurs du cru : un shérif adjoint juvénile (l’adéquat Wyatt – mais oui – Russell), épris pour son malheur de l’aguicheuse aînée, et l’intrépide médecin légiste campé par le vétéran Michael Parks ("le plus grand acteur du monde", selon Quentin Tararantino). Le diagnostic décisif de ce dernier laisse au demeurant rêveur puisqu’il fait de l’anthropophagie une cause non négligeable des symptômes propres à Parkinson et aux maladies à prions. Or il faut bien un chasseur pour nourrir sa meute et pieusement concélébrer à la lueur des bougies, dans la solennelle intimité du cercle familial, le "Jour de l’Agneau" que nous peinerons pour notre part, pauvres mécréants horrifiés, à distinguer de celui de la Bête, chez Alex de la Iglesia…Fort de ses fascinants interprètes, de sa ténébreuse dimension mystique et de son esthétisme malsain, zébré d’atroces éruptions barbares, We Are What We Are surclasse ainsi l’original, un peu brouillon et plus sommairement politique. Non sans quelques longueurs, mais au diapason d’un toujours séduisant contrepoint musical (néo-classique ou country), il préfère jouer de l’ambiguïté des appétits et des sentiments, scrutant les dérives et les fatales conséquences du sectarisme dévot où volontiers renaît toute espèce de barbarie. Devant l’allure physique et vestimentaire des deux sœurs finalement meurtrières (et affranchies ?), on pourra en outre se remémorer la jeune Amish inquiète que fut jadis, dans Witness (1985), leur protectrice voisine de maintenant, Kelly McGillis, méconnaissable pour les fans ultérieurs de Top Gun (1986) qui l’avaient depuis presque perdue de vue. La présence rustique et carrée de l’ancien sex-symbol, devenue matrone de substitution, ne relève pourtant pas ici du seul hasard : elle interprétait déjà la vaillante bonne sœur du Stake Land de Jim Mickle (qui l’y confrontait à une épidémie vampirique) et semble avoir trouvé au sein du fantastique son seul espoir de survie professionnelle (le médium de The Innkeepers en 2011, c’était elle également !). Il passe pourtant, dans We Are What We Are, par une horrible mort de cinéma, la gorge tranchée en des circonstances qu’il vous appartiendra de prévoir ou de découvrir... Bon appétit !