Beaucoup d'esbroufe et d'inconséquence dans ce film qui s'apparente, pour moi, en dépit de quelques évidentes qualités, à une laborieuse escroquerie artistique... Alors que The Artist, pur joyau ludique et bouleversant à la fois, empruntait les codes du cinéma muet et l'esthétique ancienne du noir et blanc pour en extraire, sans jamais les enfreindre, la quintessence et leur rendre, en même temps, leur populaire universalité, Tabou, beaucoup plus prétentieusement référencé (il vaut mieux revoir Murnau pour les images ou Out of Africa pour le romanesque! ), ne joue pas pleinement le jeu et s'enlise dans l'artificieuse gratuité. On s'ennuie vite à écouter la pesante voix off monocorde qui parasite la deuxième partie du film, faute de cartons et de dialogues. Et des questions se superposent à notre agacement grandissant: pourquoi des lèvres muettes dans un monde partiellement sonore, des chansons inscrites dans l'action sans musique de film (pourtant indissociable de tout "silent movie"!), un noir et blanc inadapté aux années 50-60 et peu travaillé (donnant l'impression d'une oeuvre en technicolor vue sur une vieille télévision impropre à la reproduire)? A quoi bon, enfin, une séquence de copulation certes émoustillante, mais fort peu romantique et surtout en complet décalage avec la pudeur suggestive que l'on est en droit d'attendre du désuet mode d'expression choisi? Les visages et le jeu des acteurs s'avèrent de surcroît trop modernes pour convaincre, même si certains critiques issus de l'intelligentsia de gauche ont sans doute pu inconsciemment fantasmer sur la troublante femme fatale campée, en flash-back, par Ana Moreira, quasi-sosie involontaire de Valérie Trierweiler... Quoique bipartite, ce drame apparaît de surcroît assez bancal, paradoxalement verbeux, d'une assez affligeante banalité (Madame Bovary aux colonies!)et plus risible que surréaliste (Patrice Leconte et Jean Teulé avaient oublié de fournir en crocos véritables leur Magasin des suicides!). Mais aurais-je osé briser un "Tabou" en ne l'adulant pas? Evidemment, à choisir, mieux vaut encore celui-là, vain et du moins inoffensif, que de nuisibles Intouchables!