Aucun résultat pour cette recherche
UNE NOUVELLE CHANCE-2011-
Nationalité : États-Unis
Titre VO : Trouble with the curve
Durée : 1h51
Date de sortie en France : 21/11/2012
Theme
Réalisation : Robert LORENZ
Scénario : Randy BROWN
Prise de vues : Tom STERN
Musique : Marco BELTRAMI
Distributeur : Warner Bros
Visa d'exp. : 134950
Résumé
Recruteur de talents pour l'équipe de base-ball des Braves d'Atlanta, Gus se fait vieux et perd la vue. C'est donc avec sa fille, une ambitieuse avocate, qu'il se rend en Caroline du Nord pour tenter de mettre sous contrat un joueur fort prometteur.
Source : Matériel de presse
Critique
Ajouter Votre
Critique/Commentaire
Critiques - Commentaires Public
"Une Nouvelle Chance" pour Clint Eastwood acteur aussi, après sa contre-performance scénique (à tort improvisée) devant les électeurs de Mitt Romney ? La réponse est oui, et le miracle manifeste. Mais en pressentait-il le besoin, après avoir proclamé s’être, devant la caméra, rangé des voitures – (poussive) Gran Torino comprise ? L’ayant enfin retrouvé tel qu’en lui-même, nous aimerions le croire.
Les belles Américaines demeurent en l’occurrence de la partie dans la très profonde, quoique montagneuse Caroline du Nord qu’elles sillonnent à leur rythme, inusables comme les vieux cow-boys d’antan, et nous ne parlons pas ici, bien sûr, de la resplendissante Amy Adams, mais de la Ford Mustang 66 rouge conduite cahin-caha par le "grumpy old man" qui la cabosse sans la moindre poursuite ("mon garage a rétréci", argue-t-il) et de la Buick noire décapotable où se consume (plus qu’il ne s’y pavane) le jeunot Justin Timberlake. Davantage que le base-ball, en soi assez rédhibitoire, elles constituent, avec le casting et les paysages (entre Atlanta et Asheville), l’un des réels attraits immédiats de Trouble with the curve (en V.O.).

Ce titre-là, sur le modèle de Ca va cogner (1980), dispensable récréation "red neck" de la star déjà confiée aux bons soins d’un vieux copain (le cascadeur Buddy Van Horn), on aurait pu littéralement le traduire par "Ca coince dans la courbe" et corroborer l’idée fausse qu’il s’agirait donc, derrière les très patrimoniaux "biopics" de Hoover et Mandela, d’un tardif opus mineur dans le parcours de l’ex-maire de Carmel, d’une escapade certes imprévue, mais surtout facile (voire paresseuse) et lucrative. Erreur sur toute la ligne ! Et ce malgré la perte d’un savoureux double sens (technique ou gérontologique) qu’aplanit, sur un mode plus optimiste, le recours fondé à la mythologie américaine triomphante. Or pourquoi passer derechef par les tractations et les gesticulations d’un sport à nos yeux abscons, si mal exportable, et que le cinéma yankee s’obstine pourtant à nous infliger depuis 1899 (Casey and the Bat) ? Peut-être parce que maintes mâles icônes hollywoodiennes lui ont elles-mêmes payé, à l’écran comme à l’école, leur tribut de citoyens "populaires" ; qu’il faut avoir tâté de la balle en cuir pour affermir le sien : un passage presque obligé dont surent vaillamment témoigner Gary Cooper (Vainqueur du Destin, 1942), James Stewart (Un Homme change son destin, 1949), Frank Sinatra (Match d’amour, 1949), Ronald Reagan (The Winning Team, 1952), Tab Hunter (Damn Yankees !, 1958), Robert Redford (Le Meilleur, 1984), Brad Pitt (Le Stratège, 2011), Kevin Costner à trois reprises et, sur le mode thérapeutique, qui d’autre qu’Anthony Perkins, Prisonnier de la peur chez Robert Mulligan en 1957 ?
Rassurons cependant nos compatriotes cinéphiles : opaques ou familières, les règles du jeu n’importent plus guère quand l’enjeu du film, sous divers angles, les dépasse, qui promeut l’échange humain direct, sans coupable inhibition ni aliénation technologique ; la patience à rebours de l’impatience ; la réconciliation, loin de toute vaine concurrence ; l’instinct face au calcul ; le terrain enfin, de préférence à l’ordinateur où s’asphyxie le monde.
Dans son Honkytonk Man (1982) d’une ère révolue que cette Nouvelle Chance de Robert Lorenz en filigrane ressuscite, pareillement nomade, c’est d’un cancer des poumons dont se mourait Rod, le chanteur country auquel Clint Eastwood prêtait son suffoquant organe ; Gus, le recruteur ("scout") de base-ball qu’il campe, trente ans après, a par bonheur repris son souffle, ainsi que sa pugnacité (au saloon et au bureau !). Atteint de dégénérescence maculaire, il perd en revanche la vue, sinon son sens aigu de l’observation, et s’en défend, butant et pestant d’abondance contre un quotidien qui, de plus en plus, semble s’ingénier à lui faire obstacle. Le fossé des ans se creuse par ailleurs, inexorablement, entre ce modèle altéré et son patron d’une part, que courtise un piaffant successeur potentiel ; sa fille unique de l’autre, avocate tout aussi carriériste (au départ) qu’il a, veuf avant l’heure, chérie de trop loin, sans parvenir à l’apprivoiser. Et voici qu’échoit à notre bûcheuse en tailleur et talons aiguilles la mission pas si malvenue, au fond, de veiller sur son rugueux géniteur, une semaine durant, lors d’un ultime voyage de prospection : quête pour elle du secret enfoui d’un père ; pour lui d’un authentique joueur, d’un nouveau "natural" qu’il reviendra du reste à la jeune femme de dénicher par hasard, sous l’humble apparence d’un vendeur de cacahuètes hispanique (concession de Clint à son épouse Dina ?).
Au vrai rejeton Kyle dans le funèbre chef-d’œuvre précité (désormais contrebassiste de jazz volontiers réquisitionné par papa), se substitue de la sorte une idéale héritière de cinéma, la Mormone Amy Adams. On ne saurait louer assez le talent tout terrain, l’exquise sensibilité et la grâce enchanteresse de la princesse incarnée d’Enchanted (Il était une fois…, 2007) qui magnifie à chaque plan les deux duos pourtant prévisibles d’Une Nouvelle Chance : celui, familial, qu’elle retisse avec son protagoniste et l’autre, amoureux, dont elle distille la très graduelle complicité avec Justin Timberlake (ex-idole du boys band NSYNC, uni depuis le 19 octobre à Jessica Biel), épatant dans le rôle d’un tendre champion déchu en voie de reconversion. Hélas sous-employée Sur la Route, celle qui fut l’aviatrice Amelia Earhart (pour La Nuit au Musée 2) et la vedette absolue de Miss Pettigrew se prépare à faire revivre Janis Joplin devant la caméra de Lee Daniels. Elle nous rappellerait plutôt ici, avec davantage de fraîcheur, la Jane Fonda de La Maison du Lac (1981) face à son père Henry dont Clint Eastwood, autre altière figure westernienne (et "leonienne" !), paraît mieux que jamais emprunter le visage gris, émacié, beau et rébarbatif à la fois, les sursauts de rage et les orgueilleuses dérobades, l’étrange démarche ralentie d’échassier aux aguets.
Deux pleines décennies qu’il n’avait, à vrai dire, plus foulé le plateau d’un confrère ! Longtemps après Wolfgang Petersen, on peut donc rendre justice au faux débutant Robert Lorenz de l’avoir différemment replacé, à 82 ans, « dans la ligne de mire », faute de lui en reconnaître l’entier mérite : n’était-il pas, en tant qu’assistant réalisateur et coproducteur, son étroit partenaire de l’ombre depuis 1994 ? Sur un habile scénario du non moins obscur Randy Brown, il ose ainsi réinvestir son image émoussée, consensuelle, de cette âpreté réactionnaire et de ce mystère que ses anciens fidèles se désespéraient de ne plus guère discerner en lui. Parfois abrupt et maladroit, il va jusqu’à nous secouer d’entrée de jeu en le laissant converser, au-dessus du trône, avec son bégayant instrument urogénital, mais le convainc également de fredonner, les larmes aux yeux et la bouteille de bière à la main, une fameuse chanson de cow-boy ("You are my sunshine" de Jimmie Davies, reprise ensuite, sur la B.O., par Carly Simon et Ray Charles) devant la tombe de sa défunte épouse. Hormis le compositeur Marco Beltrami, plutôt inattendu entre stades et tavernes rustiques (où l’on s’essaie au « clogging », une sautillante danse montagnarde), s’avèrent au demeurant convoqués les "piliers" de la maison Malpaso – du chef opérateur Tom Stern aux monteurs Gary Roach et Joel Cox – que rejoignent sur la toile quelques "guest stars" de poids : Robert Patrick (Walk the Line ou Mémoires de nos pères, déjà), Ed Lauter (le majordome de Peppy dans The Artist), Matthew Lillard (le tueur de Scream, passé sans masque au business sportif) et surtout John Goodman (l’obèse abonné des sommets que sont The Artist, encore, ou Argo). Difficile dès lors d’admettre que, déchargé en surface des Pleins Pouvoirs, le cinéaste n’ait pas eu là, de sa voix rauque et contenue, son mot à dire, dans la coulisse...
Quoi qu’il en soit, lorsque sa divine partenaire de résistance finit par jeter son téléphone portable dans une poubelle publique, comme un esclave du Sud se serait jadis défait de ses chaînes, ce simple geste nous apparaît aussi admirable, aussi émouvant, peut-être, que l’ample lancer arrondi d’une future légende du base-ball. Or connaissez-vous beaucoup de films qui vous saisissent au point de vous donner une folle envie d’applaudir, quand les lumières se rallument ? Une Nouvelle Chance compte parmi ceux-là, même si c’est à pas lents, sur un banal trottoir, qu’en panoramique vertical Clint Eastwood s’y éloigne de nous, solitaire et un peu voûté, pour aller prendre le bus...
Bibliographie