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QUAND JE SERAI PETIT-2011-
Nationalité : France
Durée : 1h35
Date de sortie en France : 13/06/2012
Theme
Enfance
- cinéma français -
Réalisation : Jean-Paul ROUVE
Prise de vues : Christophe OFFENSTEIN
Musique : Emilie SIMON
Distributeur : Mars Distribution
Visa d'exp. : 123637
Résumé
"À l'occasion d'un voyage, Mathias, 40 ans, croise par hasard un enfant qui lui fait étrangement penser à lui au même âge. Profondément troublé, il se lance dans une quête insensée sur les traces du petit garçon qui risque bien de bouleverser son existence et son équilibre familial. Si l'on pouvait revivre son enfance, pourrait-on alors changer le cours des événements ?"
Source : Matériel de presse
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Sous ce joli titre plein d’allant, imaginez "une fois" les frères Dardenne dans La Quatrième Dimension et vous n’aurez qu’une non moins "petite" idée de la très sensible seconde réalisation du comédien Jean-Paul Rouve (toujours associé à Benoît Graffin, son coscénariste de Sans arme, ni haine, ni violence en 2008), miracle de conte nordique moderne qu’on ne saurait réduire ni au douloureux substrat familial qui le détermine, ni même à son postulat fantastique dont avec grâce et simplicité il se joue, solaire jusqu’au sublime.
Buissonnier dans l’âme, le Robin sorti des bois l’est donc toujours, le temps ici d’une suite de week-ends rétrospectifs à Dunkerque, sa vraie ville natale (et celle du Karnaval façon Thomas Vincent, son deuxième film d’acteur en 1998), et fort loin des tapageuses extravagances d’Albert Spaggiari (autre gamin trop vite grandi), le personnage dont il avait d’abord endossé le costume, après Francis Huster, sous son propre objectif de débutant. "Je t’aime, je t’aime, je t’aime, voilà les seuls mots qui me viennent", aurait-on aujourd’hui, sur le générique de fin, l’irrésistible envie de lui chanter – ainsi qu’à tous ses merveilleux interprètes – en chœur avec Emilie Simon, laquelle côtoie Albinoni au service de sa nécessairement "petite" musique (qu’éclaire Jean-François Zygel et conduit Sarah Nemtanu, l’authentique, la si vibrante violoniste du Concert, tous deux à l’écran). La jeune compositrice de La Délicatesse (entretenue cet hiver par les frères Foenkinos) nous met du reste au diapason d’une démarche cinématographique où ce mot trouve sa pleine résonance, sans abus de langage. Autant dire que nous nous trouvons là immergés dans un doux flot d’images beaucoup moins trouble que troublant, et qui n’a que faire "de rouille et d’os" ! Malgré l’omniprésence de la mer (et du père !), le naturalisme de l’approche, l’attention portée aux humbles, la place de l’hôpital enfin qui pourraient le rapprocher de Jacques Audiard, Jean-Paul Rouve ne s’abîme heureusement jamais dans un vain exhibitionnisme : ni impudeur ni afféteries chez lui ; pas d’effets spéciaux, nul soupçon de complaisance. En adepte positif de la ligne claire, il préfère puiser dans le hors champ et les non-dits la force émotionnelle croissante de son récit.
Préserve-t-on l’enfance en lui mentant, en occultant – pour combien de temps ? – la fin de tout, cette inacceptable mort qui, un jour ou l’autre, qu’on le veuille ou non, refait surface ? Pas si sûr, veut nous suggérer Quand je serai petit, car la gangrène étend ses insidieux ravages dans la frileuse procrastination quand la plaie vive se circonscrit et cicatrise sans autres dommages, ni plus profondes séquelles. A dix ans, Mathias, le futur paysagiste lunaire qu’incarne le cinéaste (suite au refus de l’acteur pressenti) n’a pu dire au revoir à son papa (Benoît Poelvoorde), emporté en douce par une tumeur cérébrale foudroyante : la faute à sa mère (Miou-Miou), qui, de son vivant, l’avait déjà effacé au profit de son amant brocanteur (le copain Gilles Lellouche, jeune et binoclard, puis Claude Brasseur, naturellement âgé). Trois décennies plus tard, doté à Paris d’une aimante épouse (l’Espagnole Arly Jover, radieuse attachée parlementaire) et d’une fille adolescente, pianiste en herbe (Lolita Offenstein, l’enviable enfant de son chef opérateur), nous le découvrons sur un ferry, entre Calais et Helsinki, tournant bientôt, ému et discret, autour d’un élève de collège qu’il reconnaît sans le connaître (Miljan Chatelain, Franco-Allemand, échappé au Ruban blanc de Michael Haneke) – et pour cause ! Ce timide gamin dunkerquois ressuscite celui qu’il fut, à l’âge exact de son premier deuil ; il porte d’ailleurs le même prénom et la même cicatrice que lui. En le suivant et en l’apprivoisant, chaque semaine, dans son modeste cadre de vie, il se liera d’entrée au double encore bien vivant de son propre géniteur défunt, animé par une passion identique pour les avions que le dimanche, comme d’autres vont pêcher, il photographie au décollage, en bordure des pistes. Mais se pourrait-il que ses jours soient pareillement comptés ?
Benoît Poelvoorde, lui aussi marqué, dans son enfance, par le décès de son père, confère au film une part essentielle de son charme mélancolique et de sa chaleureuse humanité : on le savait prodigieux comédien, parfois en roue libre (et pas seulement sur le mémorable Vélo de Ghislain Lambert !) ; on ne l’avait peut-être jamais vu aussi simple, aussi nu et pudique à la fois – son fantôme étant de ceux qui vous réconcilient avec la vie, rappelant aux amateurs de surenchère que la grandeur du Septième Art se distille souvent mieux qu’elle ne s’étale ou ne se programme.
Aubaine pour nous et le public de l’UGC CinéCité : avenant, Jean-Paul Rouve y était venu porter son beau bébé en avant-première, le 24 mai, escorté de sa splendide épouse de cinéma. Vue dans le récent Millenium de son vieil ami David Fincher (qui, tout comme Tony Scott, lui fit un temps faire de la pub), Arly Jover débuta ballerine à New York, puis deux fois vampire à Hollywood (face à Blade, alias Wesley Snipes, et Jon Bon Jovi) avant de basculer en France, hélas doublée, via L’Empire des Loups (aux côtés de Jean Reno). Avec Poelvoorde elle avait d’ailleurs déjà oscillé, aérienne, entre Les Deux Mondes de Daniel Cohen en 2007. "Petites" explications à deux voix :
J.P.R. : Le film est né du croisement de deux éléments déclencheurs. Un fait réel d’abord, vécu par Elie Semoun : presque au même âge que Mathias, il n’avait, lui, appris la disparition de sa mère (décédée à 38 ans d’une hépatite) qu’après son enterrement. Je me rappelle sa terrible confidence : "Je n’en veux pas à mon père ; j’en veux à ma mère qui est morte". Une idée ensuite, surgie lors d’un voyage en train à Venise, devant un groupe d’enfants dont pas un, pourtant, ne me ressemblait ! Le projet s’avérant très difficile à financer, c’est pour des raisons économiques que j’ai ensuite transposé cette rencontre à bord d’un bateau : louer un train à la SNCF, avec son personnel, sur une ligne spéciale (Paris-Forbach !), coûte une fortune ! Et puis, ayant grandi à Dunkerque, je reste fasciné par les bateaux, ces grandes masses qui s’en vont. Quand un train part, tout semble encore possible : on peut en descendre, ce n’est pas pareil… Trois jours durant, nous avons ainsi bénéficié du merveilleux accueil de l’équipage de SeaFrance, dont on sait depuis le triste sort. Quant aux scènes d’aéroport (réduites au montage), nous les avons tournées à Ostende, où l’on peut encore s’asseoir près des pistes. Mais les photographes amateurs de décollages existent toujours et l’album de clichés pris par le père de Mathias est un vrai cahier de collectionneur ! Ce qui me plaisait dans cette activité, c’est qu’elle est futile, qu’elle ne sert à rien. L’avenir, pour moi, dépend de notre faculté à retrouver le goût de l’inutile. C’est aussi regarder ce qui se passe plus loin, trouver des signes de positivité. De ce point de vue, j’adorerais être croyant... Quand je serai petit, je souhaitais le dédier à mon fils et j’y ai vite renoncé parce que ce film, je l’ai voulu pour vous, avant tout. Alors je lui ai demandé de courir seul sur la plage déserte, sous le soleil, entre deux prises, et j’ai placé ce plan après le générique de fin, pour ne pas polluer l’attention du spectateur. C’est positif, un petit garçon qui file vers l’horizon, et ce n’est pas grave si on n’est plus là pour le voir… Je n’ai pas de nostalgie, seulement de la mélancolie. Je ne suis donc pas souvent revenu à Dunkerque, en dehors de ce tournage : je conserve la mémoire des gens, plus que des lieux. Mon histoire demeure optimiste, au fond, même si je ne voulais pas d’une conclusion qui ne fût pas réaliste. Certes, nous avons tous la possibilité de « refaire », le problème n’est pas là. Les questions qui se posent alors sont celles-ci : qu’est-ce que je vais changer et est-ce qu’il faut changer ? Parce qu’il a foi en cette seconde chance et qu’il espère modifier « son » destin, Mathias met en péril son bonheur présent et devient presque obsessionnel. Or le cinéma seul peut opérer ce bouleversement auquel, dans la vie, il nous arrive tous d’aspirer. Il fallait donc au moins lui imposer une contrainte géographique, une longue route à parcourir. Moi, quand je tourne, j’ai beau refaire des prises, je finis presque toujours, au montage, par garder la première. J’en déduis que la première prise de la vie est souvent la plus belle… La musique fluctue davantage : j’envisageais d’utiliser « Space Oddity » de David Bowie avant de découvrir la jolie version qu’en a livrée Emilie Simon. Je me suis dès lors adressé à elle pour lui demander un mélange de Furyo (R. Sakamoto) et de 37°2 le matin (G. Yared) ; je ne m’attendais pas au cadeau de sa chanson ! J’avais en outre besoin d’un "tube" classique et j’ai choisi Tomaso Albinoni parce qu’il n’est désormais plus connu que pour la seule oeuvre qu’il n’ait pas écrite ! Mon scénario est construit sur un mensonge réitéré et nous devons en réalité l’illustre Adagio qui le traverse à un obscur musicologue italien, Remo Giazotto, qui l’a composé (sur la base d’un fragment de sonate) après la destruction de la plupart des partitions de son auteur pendant le bombardement de Dresde en février 1945… Mais plus fondamental, plus périlleux surtout me paraissait l’apport du petit Mathias. Dans les films, les enfants jouent souvent mal et ce que je demandais à Miljan Chatelain pouvait s’avérer très compliqué pour un garçon de dix ans. Ma peur m’a donc conduit à filmer nos échanges avec deux caméras, en essayant de lui voler des choses. J’avais demandé à ses parents de ne surtout pas lui faire apprendre son texte pour éviter qu’il ne le récite : il n’y a rien de pire ! On tournait sans dire "Moteur !" et je le reprenais régulièrement, je changeais même l’ordre des phrases pour trouver sa vérité.
A.J. : Moi, j’ai beaucoup conversé avec Jean-Paul avant le tournage. Son histoire m’avait émue dès la première lecture, même si, grâce à sa générosité, le film s’est révélé plus beau encore que le scénario. Je garde enfin le goût du fantastique : c’est ce genre qui m’a permis de naître au cinéma, je ne sais pourquoi, sans doute parce que j’avais une tête de vampire ! (Rires).Mais ce qui m’a plus particulièrement touchée, c’est l’amour qui m’unit à Mathias. Il se situe au-delà de l’ego et résiderait pour moi dans ces simples mots : "Je marche avec toi. Je veux comprendre, mais je suis là. Montre-moi". Elle ne s’indigne pas, ne se sent pas blessée, ne commet rien d’irréversible. Lui peine à se confier parce qu’il éprouve plus d’embarras dans sa situation qu’il n’en aurait eu à admettre un adultère. Dans la vie réelle ou supposée telle, comment avouer à la femme qu’on adore : "Je viens de me voir petit" ?
J.P.R. : Il se sent aussi incapable de lui en parler parce que ce n’est pas l’homme de quarante ans plutôt épanoui qui rencontre des difficultés, c’est l’enfant qu’il est quelque part resté, bloqué au seuil de ses dix ans, en dépit des apparences. Or à cet âge-là, il ne peut s’en ouvrir qu’à sa mère et résoudre avec elle, sans le regard de son épouse, ce problème d’enfant.
Bibliographie