Je serais, pour ma part, encore plus sévère, même si l'avis proposé témoigne déjà d'une lucidité critique hélas fort peu partagée. Jacques Audiard, cinéaste depuis longtemps surévalué, semble en effet se complaire à enlaidir ses acteurs (qui, par je ne sais quel masochisme, se pressent pourtant sur son fangeux terrain! )et à réduire le spectateur au rang de simple voyeur. Malgré l'indéniable talent de ses interprètes du moment(qui ne lui appartient pas) et la puissante performance sans fard de Marion Cotllard, De rouille et d'os se révèle en l'occurrence un film OBSCENE, au sens le plus large du terme. On nous y montre tout, et pas toujours adroitement (l'accident de la dresseuse, très mal filmé, laisse perplexe: écrasée ou/et mordue, on ne sait trop); on exhibe les moignons (stupéfiants effets visuels qui court-circuitent dès lors toute émotion), les corps-à-corps violents et si virils (merci Patrice Chéreau!); on abuse des ralentis (au cas où on n'aurait pas assez bien vu), des cadrages gratuits pour épater la galerie (la caméra à flanc de camion sous la pluie); on touche même au gore le plus grotesque (le plan sur la molaire intégralement arrachée tournoyant sur le sol). Et, parce qu'il faut forcer l'empathie, autant que le dégoût, se succèdent les chansons de remplissage (comme dans les "romcoms" U.S. les plus formatées) et les péripéties mélo absurdes (la fausse noyade de l'enfant sous la glace). Le fils de Michel a décidément "mal tourné" et devrait aller voir le prochain - et magnifique - Quand je serai petit de Jean-Paul Rouve (le 13 juin) pour y prendre des leçons de modestie, de suggestion, de pudeur, de belle humanité et de vraie "délicatesse". L'absence de son "oeuvre" (comme du non moins factice Cosmopolis de David Cronenberg- sur le même sujet, Margin Call s'impose!)au dernier Palmarès cannois, en dépit de la pression des médias et du copinage (Emmanuelle Devos dans le Jury, tiens, tiens...)fut donc une excellente et très rassurante nouvelle.