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POUPOUPIDOU-2010-
Nationalité : France
Durée : 1h42
Date de sortie en France : 12/01/2011
Distributeur : Diaphana Distribution
Visa d'exp. : 118474
Résumé
A Mouthe, la ville comptabilisant chaque année le record de la plus basse température en France, l'improbable rencontre entre un auteur de romans policier en panne d'inspiration et une star de la publicité suicidaire qui se croit la réincarnation de Marilyn Monroe.
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Hivernale ironie du sort ? La faute à la neige qui dans Poupoupidou étouffe, épuise, réfrigère, recouvre tout, si, battant en retraite, le cinéaste isérois et son principal interprète nous privèrent à l’UGC CinéCité, le 20 décembre, de l’ultime avant-première accompagnée de 2010 ! Une défection d’autant plus regrettable que, desservi de surcroît par une bande annonce assez mal fagotée, leur film à maints égards captivant est de ceux qu’un tel coup de pouce public peut d’emblée préserver de l’ensevelissement... Thriller inattendu (dans notre cinéma hexagonal et le parcours buissonnier qu’y dessine son maître d’œuvre), certes, mais thriller quand même, deux fois rétrospectif et cependant limpide, étrangement douillet comme la poudreuse dont il se pare entre brumes et brillances, le deuxième long métrage transi de Gérald Hustache-Mathieu n’en lorgne pas moins vers la comédie, acide, finaude, référentielle à ravir, et se veut aussi tout entier tombeau de cinéphile pur et dur, monomaniaque en ses justes égarements. Il nous conte par troublantes strates successives, dans le périmètre morbide et glacial d’un rendez-vous manqué (celui d’un écrivain vivant et de sa défunte lectrice), une quête irrémédiablement parallèle de vérité et de sublimation. "Il aura fallu que j’attende d’être morte pour qu’un mec bien s’intéresse à moi" : à la voix off posthume de la victime (des autres, d’elle-même et peut-être de sa vie antérieure), fantastique écho rémanent d’un journal intime fatalement interrompu, se superposent ainsi les silences maussades et les interrogations opiniâtres de l’homme de plume vacant redevenu dans son ombre pisteur de sens. Peuvent alors se croiser, voire se bousculer au sein trop blanc d’un même "no man’s land" jurassien, entre Grand Sommeil et Boulevard du Crépuscule, Ellroy et Giono, Ramuz et Simenon, Mocky et Boisset, leurs petits notables lubriques, leurs fausses princesses abusées et leurs "rois sans divertissement". Car le premier trait de génie de l’auteur réalisateur (secondé à l’écriture par Juliette Sales) réside dans le choix essentiel du décor de son fait d’hiver à double détente, aussi authentique qu’innovant : Mouthe, moins d’un millier d’habitants, cette bourgade perdue du Doubs qu’un record national de température polaire (- 36,7° en 1968) a consacré, faute de mieux, "Petite Sibérie". Sa morgue lui ressemble, en somme, et c’est au frisquet Hôtel des Flocons où s’étiole seule une jeune vestale gothique du cru (Clara Ponsot) que tout naturellement viendra camper le protagoniste en rade, un fameux auteur de polars faciles qu’ont abandonné là compagne, inspiration et illusion d’héritage (un saint-bernard empaillé aussitôt mis à la poubelle). Enfin revenu de ses précédentes compositions excentriques, Jean-Paul Rouve excelle dans ce personnage d’anti-héros terne et tenace que l’on s’attache à voir sillonner, au volant de son incongru coupé clair décapotable, un désert noir et blanc de bois et de congères où il imprimera sa marque inquiète, comme sur les feuilles d’abord désespérément vierges de sa table de travail. Non moins génial apparaît le postulat qui fonde son enquête et sous-tend, avec une renversante rigueur et ce qu’il faut d’irréductible mystère, l’ensemble de la structure scénaristique. Le Hollywood de Vertigo s’y trouve convoqué au regard de la métempsycose, avec sa part de factices lumières et de ténèbres entretenues. On va jusqu’à nous y proposer, puisque "Poupoupidou" il y a (susurré par la chanteuse Ava), une fort convaincante résolution (mi-politique, mi-accidentelle) du mystérieux décès de Marilyn Monroe. Elle y réapparaît ici, littéralement ou presque, sous les traits, la coiffure, la candeur et les tourments secrets d’une pauvre beauté autochtone qu’un photographe de mairie propulse pin-up de calendrier (au feu les pompiers !), puis starlette publicitaire ("la" désirable fromage "Belle du Jura" !), Miss Météo locale – tendance Louise Bourgoin – et maîtresse un peu trop publique du Président de région. Mêlant avec une rare finesse et beaucoup de tendresse la dérision à l’émotion, le film suit de la sorte, sur l’emblématique air enregistré de "California Dreamin’", le parcours balisé de deux destinées tragiques en miroir que relie, au choix, un triste rêve d’identification ou un capricieux processus de réincarnation (favorisés chacun par un 1er juin, jour de naissance commun). Pas une rencontre privée fondatrice n’y manque : des deux illustres maris dissemblables (le sanguin champion sportif Lyes Salem et l’instructif chroniqueur littéraire Eric Ruf, de la Comédie-Française, suppléant Joe di Maggio et Arthur Miller) aux deux frères politiques complices (faute de Kennedy, le préfet Antoine Chappey et, vu dans OSS 117, le franco-américain Ken Samuels, carnassier Président JFB tué, deux ans après, d’une balle de… golf en pleine tête !), sans omettre l’envahissante psychanalyste (Arsinée Khanjian), tous parfaitement adéquats. Convoquée également, bien sûr, pour transposer la star en province et nous hanter de sa troublante présence sans jamais la singer, l’actrice fétiche de Gérald Hustache-Mathieu (figure centrale de ses trois autres opus, deux courts et un long), Sophie Quinton, comme d’habitude très à l’aise en d’incertaines contrées (Qui a tué Bambi ?, L’Empreinte de l’ange et l’alsacien Müetter), fait merveille sur tous les registres, amuse, aguiche, affole et bouleverse – "Happy Bithday to you" inclus. Mais le jeu de rappels et d’allusions mis en place par le cinéaste ne s’arrête pas là puisqu’il lorgne aussi vers l’Eve de Mankiewicz (Anne Baxter devant Marilyn) et s’étend à l’onomastique : Candice Lecoeur, pseudonyme transparent de sa Norma Jean Baker franc-comtoise, "citrouille transformée en poupée blonde", dissimule la déjà très révélatrice Martine Langevin (souvenons-nous d’Avril et de la Chatte andalouse, deux fois bonne sœur devant sa caméra, ou de sa Gueule d’ange ailleurs, dans La Maison Tellier ) ; quant au fictif écrivain David Rousseau, s’étonnera-t-on de trouver Voltaire et Roselyn (le prénom de Monroe dans The Misfits) parmi ses personnages récurrents ? Plus superfétatoire et désormais convenue nous a semblé être, en revanche, l’homosexualité latente qui sous-tend certains plans et tout particulièrement les rapports que peu à peu développe – sans succès – avec ce dernier le jeune et ambitieux brigadier au demeurant bien interprété par Guillaume Gouix (omniprésent l’an passé dans Copacabana, L’Immortel et Belle Epine). Que le gros plan initial de Poupoupidou, glamour, ralenti et comme embué, ne résonne pas des sensuelles onomatopées de Certains l’aiment chaud ne saurait à l’inverse déconcerter. "I wanna be loved by you" ? Non, "I put a spell on you", feule plutôt Screamin’ Jay Hawkins, ne nous laissant aucune échappatoire. Or d’envoûtements il sera avant tout question, en effet : de ceux que peuvent exercer sur nous et nos projections imaginaires, outre la beauté, la mort, les fantômes du passé et le meilleur cinéma. Un art du cœur et de l’intelligence, tel qu’a su le pratiquer ici Gérald Hustache-Mathieu.
Bibliographie