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LA FILLE DU PUISATIER-2010-
Nationalité : France
Durée : 1h45
Date de sortie en France : 20/04/2011
Theme
Réalisation : Daniel AUTEUIL
Scénario et Adaptation : Daniel AUTEUIL
Inspiration :
  • Ce film est un Remake du film LA FILLE DU PUISATIER -1940- de Marcel PAGNOL
  • Prise de vues : Jean-François ROBIN
    Musique : Alexandre DESPLAT
    Distributeur : Pathé Films
    Visa d'exp. : 125780
    Résumé
    Honnête remake du film éponyme de Marcel Pagnol (1940) qui raconte les vicissitudes amoureuses de la gracieuse Patricia Amoretti, la fille du puisatier, enceinte du fringant Jacques Mazel, pilote de chasse envoyé au Front durant le fameux conflit de la Seconde Guerre Mondiale.
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    La nuit et le jour ou deux façons d’envisager une fin heureuse : l’acceptation apaisée de la mort pour "Ma Compagne de nuit" ; la célébration réconciliée de la vie avec La "Fille du Puisatier". Mais le premier film signé Daniel Auteuil ne s’apparente en rien, 70 ans plus tard, au remake patrimonial d’un classique de Pagnol ; il s’agit là d’une résurrection solaire sans faute de goût ni accent mal placé et, disons-le tout net, d’un authentique chef-d’œuvre : celui d’un homme aussi grand derrière que devant la caméra.
    L’enfant exilé de Provence que le César d’Ugolin avait enfin rendu en 1986 à la famille de Pagnol revient ainsi sexagénaire et en pleine possession de tous ses moyens vers le cœur battant, quoique profondément enfoui, d’une très belle histoire pour lui seul requise. Bien vu, car il y avait, entre Salon et Aubagne, dans la France déconfite de Pétain et chez ces petites gens meurtries de la garrigue (une fausse fille perdue, son père aimant et son soupirant dévoué), trop d’échos personnels, de parfums, de valeurs et de sentiments communs pour que l’ex-partenaire avignonnais de Manon des Sources puisse se permettre de faire attendre notre cinéma davantage encore : ce projet soufflé comme un Mistral déjà gagnant, il le prendrait à bras-le-corps, de l’adaptation à la réalisation en passant, bien entendu, par l’interprétation. Or si le film fleuve de Marcel Pagnol (170 minutes), très ancré dans son actualité (celle de 1940), se trouve réduit d’une heure et d’une part de sa dimension politique, il n’a par bonheur subi aucune aléatoire actualisation et n’écrase même pas de ses comédiens hors normes (Raimu, Fernandel et Charpin) leurs sensibles successeurs (Daniel Auteuil, donc, Kad Merad et Jean-Pierre Darroussin). Aux côtés d’un Nicolas Duvauchelle plus audible et stylé (sans tatouages apparents) que d’habitude, c’est Astrid Bergès-Frisbey, 24 printemps, qui prend dans le rôle-titre (étrangement étrenné sur la scène de son premier cours de théâtre, six ans auparavant, à l’âge exact du personnage !) le relais pas si candide de la Belle Josette Day avec la fraîcheur frémissante, les moues boudeuses, les intonations et jusqu’au profil de la BB d’avant Vadim. Comment s’étonner alors que cette fille d’eau, révélée par Un Barrage contre le Pacifique (2008), se soit depuis faite sirène pour rejoindre les Pirates des Caraïbes en quête de La Fontaine de Jouvence ? Nous enveloppant dès son premier plan champêtre (fixe) du lyrisme mélancolique d’Alexandre Desplat ("césarisé" lui aussi, en février dernier, pour la musique de The Ghost Writer), le cinéaste débutant se gardera pourtant de tout excès, y compris dans son propre jeu, chantant certes, mais digne et de bout en bout bouleversant. Il ose néanmoins, grâce au chef opérateur Jean-François Robin (des Bronzés à Quelques jours avec moi), des images gorgées de lumière et de couleurs, quoique en privilégiant toujours, dès qu’il le faut, l’ellipse à l’exhibition : bref, au diapason de ses dialogues à demi-mot, cet art subtil de ne pas trop montrer pour mieux donner à ressentir, profondément. Son parti pris de désuétude sublimée, son évidente sincérité et sa parfaite rigueur d’exécution lui auront ainsi permis de façonner, en maître artisan, voire en compagnon du devoir, le "bijou" cinématographique auquel il voulait sans vanité aboutir.
    Le 22 mars, à l’invitation conjointe de Pathé et de l’UGC, Daniel Auteuil nous a également octroyé le rare bonheur de venir nous voir, en avant-première, puis de répondre, rayonnant et détendu, à nos questions :
    "Ce qui m’a donné la force d’y aller, c’est une volonté d’acteur, le plaisir d’interpréter un personnage du répertoire classique, au même titre qu’Arnolphe ou Scapin. Ainsi ne risquais-je pas de nuire à l’œuvre. Une fois les droits acquis, je me suis demandé ce que j’allais bien pouvoir en faire et puis, peu à peu, à force de relire le texte de Pagnol, des mois durant, je me suis approprié son histoire. Je connaissais, en réalité, chacun des personnages : j’avais été ce jeune homme qui raccompagne des demoiselles sur sa belle moto et je suis aujourd’hui ce père, face à ses filles... Alors comment ne pas rester figé dans la grande littérature ? En me racontant moi-même quelque chose : j’ai fait revenir le souvenir de la mère, dont l’auteur ne parle pas, et donné à mon puisatier une autre dimension, très maternante. J’avais aussi travaillé avec de multiples metteurs en scène et des plus grands j’avais retenu cette rigueur qui me permettrait de ne pas reculer devant les sentiments. Je voulais qu’il y ait du souffle, du lyrisme et de la fluidité, tout en préservant la simplicité du trait – comme si je possédais déjà plusieurs dizaines de réalisations à mon actif et que j’en étais arrivé au stade de l’épure. Je tenais également à être au plus près des corps et à faire entrer la nature, la vie avec eux, sans trop recourir aux mouvements d’appareils. Mon travail de préparation s’est étalé sur trois ans pour huit semaines de tournage. En vérité, pendant longtemps, aucune image ne me venait et le découragement me guettait : le plan initial du champ de coquelicots, je ne l’ai d’ailleurs trouvé qu’à la fin des prises, un week-end, par hasard... La chanson napolitaine "Core n’Grato" est en revanche arrivée très tôt lors de l’adaptation, mais avec des mandolines, par l’intermédiaire de Tino Rossi. Il faut savoir que le film de Pagnol répondait lui aussi à une commande : à travers la fictive famille Amoretti, venue de Naples, on lui avait demandé d’œuvrer à l’intégration des travailleurs immigrés italiens dans la France de l’époque, et moi qui suis fils de chanteur d’opéra, cela me touchait de passer par leur musique, si sentimentale. Mais je craignais le cliché : depuis 1911, tous les ténors ont chanté cet air-là ! Pourtant, je me suis rendu compte qu’autour de moi on ne le connaissait pas. J’ai alors choisi la version de Caruso parce que, mieux que les autres, elle faisait le lien avec mes parents et traduisait l’essence de mon film. Il y a deux compositeurs défunts que j’adore : Georges Delerue, bien sûr, et Bernard Herrmann, auquel j’avais emprunté des morceaux pour ma maquette initiale. J’aime quand la musique de film s’écoute, qu’elle prend le relais des images, et j’ai finalement proposé à Alexandre Desplat de travailler en ce sens, puis d’orchestrer « Core n’Grato ». J’attendais de la photo de Jean-François Robin une vibration comparable, qu’elle révèle notre grain de peau, mes rides et le rosissement des joues d’Astrid (Bergès-Frisbey). Sur le choix de mes acteurs, je ne pouvais me tromper, mais qu’allais-je leur dire ? Oserais-je seulement intervenir ? Moi, en tant que comédien, je n’aime pas qu’on me parle : ça me fatigue. Je pensais donc que je n’aurais pas à les guider beaucoup.
    Assez tôt je relève cependant chez Kad une intonation qui me déplaît et, m’approchant de lui pour en faire état, je saisis dans son regard ce que nous connaissons tous, dans ce métier : la peur ou du moins l’inquiétude. Afin de ne pas le bloquer, j’ai fait marche arrière et, comme un chef d’orchestre, je me suis contenté ensuite de donner le la. Jouer avec mes interprètes me permettait d’ailleurs de les mettre à l’aise et de leur faire comprendre que tout devait venir de l’intérieur. Pour incarner une jeune fille qui n’a jamais approché un garçon, qui monte pour la première fois sur une moto et se retrouve enceinte presque aussitôt, il fallait enfin quelqu’un dont l’innocence fût indéniable. Or l’innocence d’une actrice, c’est un moment très privilégié qui dure le temps qu’on la découvre. En s’habituant à sa façon de parler et de bouger, le spectateur fabrique lui-même Patricia. Une vedette devait au départ tenir son rôle : Mélanie Laurent. Mais elle n’a pas pu le faire et c’est avec une inconnue que le miracle s’est accompli. La pudeur m’importait, à cet égard, et j’ai tenu bon : j’ai quand même tourné deux fois avec Claude Sautet ! Montrer un baiser auquel on peut s’attendre, ça ne sert à rien. Une esquisse d’étreinte suffit. Pour moi, le summum de l’érotisme, c’était de voir Astrid remettre ses chaussures. Je le lui ai demandé parce que ce geste-là me troublait beaucoup personnellement. Lorsqu’elle dit : "L’odeur du vent m’a fait tourner la tête", je fonds en larmes. Et que cette phrase, aujourd’hui, dans une salle, puisse faire pleurer des jeunes filles suffit à me rassurer...
    Il était hors de question pour moi de tenter d’imiter ou d’égaler des génies de la trempe de Raimu ou de Fernandel ; mon pari, énorme, consistait plutôt à donner la sensation d’une première écoute du texte. C’était la guerre et pour chaque copain comédien qui passait, Pagnol avait la générosité d’écrire une scène, souvent sans autre raison. Celles-là, je les ai coupées et je n’ai gardé, en somme, que celles qui comblaient mes attentes. Mais actualiser le propos m’aurait contraint à changer le vocabulaire et la structure des phrases, or le film s’appuie sur une écriture spécifique et c’est un cinéma des mots avant tout. Pour moi qui suis très lent, mais encore jeune et prêt à poursuivre mon compagnonnage avec Pagnol, le sujet est arrivé au bon moment, comme mon bébé Zachary, qui a moins d’un an dans le film et ravit le public. Maintenant qu’il a dix-huit mois, ce n’est plus pareil : il est devenu exaspérant et hurle tout le temps ! Mais, pendant la grossesse de ma femme, c’est déjà le metteur en scène qui s’exprimait par ma bouche, disant : "J’espère qu’il ne sera pas moche, sinon je ne pourrai pas l’employer !". Résultat : il est blond aux yeux bleus et ressemble même à Nicolas Duvauchelle ! Un mimétisme que j’ai également observé chez ses partenaires puisque nous nous sentions bien ensemble et que je les dirigeais de la même façon... Je ne suis pas, au fond, quelqu’un de très patient, et en tant qu’acteur, j’aime bien qu’on me montre. Quand un cinéaste ne sait pas montrer, je pense qu’il ne sait pas ce qu’il veut."
    Bibliographie