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RESTLESS-2010-
Nationalité : États-Unis
Titre VO : Restless
Durée : 1h31
Date de sortie en France : 21/09/2011
Genre : DRAME
Réalisation : Gus VAN SANT
Scénario : Jason LEW
Prise de vues : Harris SAVIDES
Musique : Danny ELFMAN
Distributeur : Sony Pictures Releasing
Visa d'exp. : 129890
Résumé
Usque adeone mori miserum est ?
Traumatisé par le dramatique décès de ses parents, dans un radical accident de voiture où lui même fut gravement blessé et donc dans l'impossibilité d'être présent lors de leur inhumation, Enoch Brae court depuis les cérémonies mortuaires et les enterrements de quidams décédés dont il ne connait strictement rien de leur existence, sinon qu'ils sont morts et que leur mémoire est honorée par l'assistante présente aux célébrations funéraires. C'est lors d'une de ces habituelles manifestations de respect et de recueillement qu'il fait la connaissance de la délicieuse Annabel Cotton qui, comme lui, semble hanter les morgues, les cimetières et les funérariums. En effet, la demoiselle est atteinte d'un irrémissible cancer du cerveau et son espérance de vie s'amenuise de jour en jour, immanquablement. Une profonde complicité va rapprocher ces deux êtres en létale apesanteur, dans le monde aseptisé du milieu hospitalier et l'univers complice d'un ami imaginaire, nippon et kamikaze, en quotidienne proximité amoureuse.
Critiques et Commentaires
Critique de Jean-Claude pour Cinéfiches
Note Cinéfiches : 17/20
Une oeuvre lumineuse et tenace, d'une nonchalance romantique indéniable qui, au-delà de sa thématique mortifère et fataliste, s'irise d'une constante délicatesse, auréolée d'émotions diffuses et de grâce persistante, affirmant avec force et discrétion, que la mort n'est en fait qu'une (provisoire) séparation.
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Critique/Commentaire
Critiques - Commentaires Public
Concédons-le : pleurer devant un film de Gus Van Sant nous paraissait presque aussi improbable que de rire avec Lars Von Trier, tant abondent chez ces maîtres palmés grosses ficelles et puériles afféteries. Plus maintenant. Beau comme une couronne mortuaire, le 14e long métrage funèbre et lumineux du cinéaste de Portland (en son Oregon d’adoption) s’offre du reste tout entier à un récent disparu : le père de sa révélation masculine et son dédicataire, le déjà légendaire Dennis Hopper. Edward, son non moins illustre homonyme sur d’autres toiles, se serait d’ailleurs senti chez lui parmi les tendres images spectrales, un peu fanées, de cette douce élégie américaine. Elles nous dépaysent ici d’autant moins qu’elles émanent du fidèle chef opérateur Harris Savides (celui de Gerry, de Last Days et d’Elephant, mais également de Finding Forrester et de Harvey Milk, plus convenus), auquel Sofia Coppola confia l’an passé, dans Somewhere, son propre spleen west coast de petite fille riche. Ne nous y trompons point, cependant : marginaux ou dérivants, les deux jeunes protagonistes de Restless ne le sont cette fois pas, à proprement parler – et ce malgré un titre qui pourrait nous abuser, signifiant "sans repos", éternel ou non. Mais "recalés", oui, à l’évidence, pour reprendre le mot-clé de la composante la plus féminine du couple (sur un plan biologique, en tout cas) – et en cela fatalement complémentaires. "Recalée" de la vie avec un trop chiche sursis de trois mois : Annabel Cotton, une longiligne et diaphane étudiante en ornithologie, darwinienne de cœur, qu’une tumeur cérébrale bien entêtée condamne, après examen, à une phase ultime de grave légèreté, empreinte de petits défis gratuits (apprendre le xylophone, mémoriser les noms latins des oiseaux de mer, classer rationnellement les friandises d’Halloween et répéter sa fin prochaine) et de maux inutiles. "Recalé" de la mort après un profond coma d’une durée identique : Enoch Brae, un lycéen buissonnier, quoique cravaté et tout de noir vêtu ( "Je n’ai pas de couleurs gaies", commence-t-il par s’excuser), qui porte, autant que de lui-même, le deuil de ses parents, tués par un chauffard ivre dans un accident de voiture dont lui seul réchappa. Studieuse, elle connaît certes plus de choses que lui, au fond assez dérisoires ; lui, en revanche, sait ("J’ai été mort pendant trois minutes et il n’y a rien là-bas"), et se complaît quand même dans les cimetières, croit aux esprits ou veut y croire, car de son unique confident et partenaire de bataille navale, le fantôme d’un kamikaze nippon mort en mission pendant la guerre du Pacifique (Ryo Kase, 36 ans, déjà vu sous l’uniforme dans les Lettres d’Iwo Jima de Clint Eastwood en 2006), on ne découvrira qu’au terme de l’histoire ce qu’il en est : pur fantasme ou ange gardien. Sa nouvelle amie, il l’aura auparavant croisée lors d’un ces nombreux offices funèbres qu’il parasite jusqu’au buffet, dans sa ville natale. Repéré aussi par le maître de cérémonies, il n’avait dû, ce jour-là, son salut qu’à l’intervention de la curieuse jouvencelle. Entre le ténébreux absent et la garçonne déjà manquante peut alors pas à pas se nouer, sans dolorisme ni tabous, une radieuse relation réciproque d’accompagnement palliatif dont la délicatesse de ton et la facétieuse morbidité ravive en nous l’immortel souvenir de Harold et Maude. Réduite à ses seules données initiales (le "pitch" de la tardive rencontre adolescente entre un orphelin et une cancéreuse), la situation d’emblée condamnée de ces deux-là laissait en vérité craindre le pire, pour eux comme pour leurs spectateurs, à savoir un mélo lacrymal du dernier mauvais goût. L’idée théâtrale en avait germé chez le scénariste Jason Lew sur les bancs de l’Université de New York, usés aux côtés de la future comédienne Bryce Dallas Howard, et c’est sa pièce devenue petit joyau de cinéma que celle-ci ne manqua donc pas de coproduire, avec son père, le populaire Ron Howard, Brian Grazer et Gus Van Sant himself. Dans sa mise en scène dépouillée de tous ses effets coutumiers (plans de nuages et travellings pédestres pareillement interminables, entre autres), à l’instar des défunts qui la peuplent, (pré)visibles ou non, ce dernier par bonheur vise l’épure, le murmure, et, loin de jamais s’appesantir, joue l’ellipse pudique (ni orgasme, ni agonie), les soyeux halos d’automne, les échanges feutrés que déchirent à peine élans et cris de révolte contre l’irrémédiable. Ainsi se souviendra-t-on longtemps du premier rendez-vous complice, folâtre sans provocation, dans la morgue de l’hôpital et de cette poignante séquence où Enoch propose à sa copine Annabel de lui faire rencontrer ses parents, la guidant vers leur tombe qu’elle va gentiment apostropher comme si de rien n’était. Faut-il souligner que le naturel subtilement décalé de leurs interprètes sert à merveille l’espiègle mélancolie du propos ? Echappée du Pays des Merveilles de Tim Burton, Mia Wasikowska (bientôt Jane Eyre) a coupé court les cheveux d’Alice, chimio oblige, et nous enchante en oscillant, fluette et stoïque, au bord d’une autre fosse que nimbent le folk ténu, inattendu de Danny Elfman (compositeur des Noces Funèbres, rappelons-le, parmi maintes pépites macabres du cinéaste précité) et la mélodieuse langueur rétro de Pink Martini ("Je ne veux pas travailler", bien sûr !). Mais l’arpenteur de Paranoid Park, qui s’y connaît en éphèbes introvertis, confie surtout là au sensible et beau Henry Hopper, 21 ans comme sa partenaire, un premier grand rôle d’exception (après l’obscur Kiss & Tell en 1996) celui d’un personnage hanté dont il magnifie ombres et demi-teintes avec une fascinante retenue. A l’image de son père, l’acteur réalisateur hippie d’Easy Rider viré républicain, Restless se révèle au demeurant étonnamment réactionnaire en ce sens qu’il veut ignorer le progrès, qui peut être celui de la maladie, mais aussi des nouvelles technologies (lesquelles, par maints aspects, en constituent une autre !), absentes d’un cadre pourtant très contemporain. Les appels n’y passent pas par le portable, les jeux s’y pratiquent sans écran vidéo ; les baisers y redeviennent effleurements de lèvres ; le goût d’apprendre supplante la tentation hédoniste ; à la tyrannie négligée du "streetwear", enfin, s’oppose une résistante et quasi désuète élégance d’allure, de maintien. Trop intimiste, trop fragile pour le grand cirque cannois, l’œuvre de Gus Van Sant y apparut, évanescente, sans y concourir. Lui manquait peut-être aussi ce supplément de grandeur (et parfois, disons-le tout net, d’absconse enflure) que possédaient, à n’en pas douter, The Tree of Life ou Melancholia, poids lourds plus bancals par ailleurs. Oui, mais pas ce si précieux supplément d’âme dont se dispensèrent hélas tant de palmes récentes, de son trop formaliste Elephant (2003) à l’indigent Entre les murs (2008). Pas cette humble et terrible limpidité qui l’exalte le mieux et nous renvoie de l’écran, dans notre obscurité partagée, sa vacillante lumière.
Bibliographie