Un chameau nous interpelle, avec un sourire à la Joconde... Impossible de manquer l’affiche de ce film atypique. Comme Nanouk l’esquimau, réalisé en son temps sur le même principe de mêler réalité et fiction, avec des acteurs non professionnels, ce "documentaire narratif", exerce un charme indéniable.
Ce devait être un film de fin d’étude : un documentaire de 60 minutes pour la télévision. C’est devenu un film de cinéma vendu dans le monde entier. Curieusement, alors que fleurissent les chaînes thématiques et que les spectateurs semblent déserter les salles obscures au profit d’une consommation de films à domicile, avec une préférence marquée pour les films “d’action”, il y a un réel engouement du public pour le documentaire auquel les salles de cinéma accordent désormais une place. Le succès des films de Michael Moore, du fort intéressant Supersize me, et, plus près, de Salvador Allende par exemple, est édifiant. L’histoire du chameau qui pleure conjugue la force brute du documentaire avec la pure émotion. On s’attache très tôt à cette petite famille qui vit sous une yourte et dont la seule source de revenu est l’élevage des chameaux. Lorsqu’une chamelle refuse d’allaiter son petit, c’est un drame : “Nul ne peut grandir sans amour, c’est le message de ce film, dans lequel on voit un bébé chameau qui ne pas survivre car il lui manque l’essentiel : l’amour d’une mère.” Or, en Mongolie, depuis des siècles que les nomades vivent auprès des chameaux, ils les connaissent si bien qu’ils savent les émouvoir, comme s’ils avaient su mettre à nu leur âme avec un langage secret. Pour éveiller le sentiment maternel d’une chamelle, il faut qu’un violoniste joue près d’elle et qu’une femme chante : “le rituel musical n’est accompagné d’aucune parole, seulement de quatre lettres “HOOS”. La chanson est une répétition continue de ces lettres. Le mot en lui-même n’a aucun sens, mais il produit un effet. [...] Pour un mouton, par exemple, on utilise les quatre lettres “TOIG”. Il faut répéter ces quatre lettres trois fois. A chaque animal correspond un son. Chacun a le sien. Et c’est sans doute ce son qui fait que l’animal se sent plus proche de l’humain. Je ne sais pas comment cela s’est développé, mais cette tradition est là, et tout le monde y recours en cas de besoin.” Et cela marche ! Laissez-vous emporter par l’émotion de ce chameau qui pleure à grosses larmes... sans trucage. L’histoire du chameau qui pleure est aussi une histoire d’amour entre quatre générations qui vivent sous le même toit, un document exceptionnel. On les regarde vivre, on s’émeut des rires des enfants, on mesure les ans d’une vie rude sur les visages tavelés et l’on écoute avec eux, tapis sous la yourte, le vent de la tempête qui gronde à l’extérieur. Lorsque les deux fils vont chercher le violoniste à la ville, le plus petit est subjugué par la télévision que tous ont ici et l’on sait déjà avec regrets que les programmes télé supplanteront bientôt la richesse de l’imaginaire dont font preuve ces nomades.
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Son site : Ecrivain de votre vie)