Antichrist ? Antéchrist ? En tous cas, comme antipasto, Lars von Trier nous sert un superbe prologue, d'une hallucinante beauté dramatique, rehaussé par un noir et blanc indiscutable et un intuitif ralenti dans la prise de vue, pour une exemplaire mise en images d'un infanticide et cruel destin. On s'installe confortablement, bien calé dans son émotion pour appréhender une suite forcément géniale et dévastatrice, à souhait. Hélas bien vite, malgré de constants efforts de disponibilité et de refoulement systématique d'une inhibitrice perception cartésienne, on ne peut que décrocher des phantasmes abscons du réalisateur qui, certes se relève selon ses dires, d'une pesante dépression, pouvant motiver du spectateur, quelques magnanimes mansuétudes. Mais quand l'ensemble vire au grotesque et au charabia ésotérico-diabolique, avec ou sans clé à molettes pour se libérer accessoirement l'esprit d'une ankylose fatale, on éprouve quelques chavirantes lassitudes et bien des difficultés à réfréner un chapelet de ricanements malséants, sans pour autant craindre d'offenser les mânes célestes du divin Tarkovski auquel le film est dédié, qui au grand jamais ne s'est égaré dans "la zone" des corpulentes fadaises tarabiscotées. Il est vrai que le chaos règne désormais dans notre civilisation et que cela permet toutes les aberrations scénaristiques. De toute façon, il y aura toujours quelques rares élus dans la salle, vendeur au rayon dvd de la Fnac ou pasionaria des causes perdues d'avance, qui crieront au chef-d'oeuvre, en inconditionnels foudroyés par la farce balourde du saint Danois, en pleine extase.