Attention tout le monde sous la moquette, Miranda arrive. La secrétaire en titre croule immédiatement sous la charge des consignes débitées de manière doublement chaloupées par le débit et la démarche d’une responsable au regard vague. Andréa, nouvelle recrue, se doit de lire entre les lignes d’un texte hiérarchique constamment remanié, les classes sont dures, plusieurs urgences sont programmées en une seconde, quinze minutes pour déjeuner, cellulite à bannir, courses folles dans Manhattan bien souvent inutiles, gestion à la volée de fourrures et de sacs à main projetés avec désinvolture sur les bureaux.Rituels à respecter lors de livraisons à domicile, être sur le pont vingt quatre heures sur vingt quatre, Miranda est au fond de votre poche galbée dans la dernière technologie de dépendance en circulation.Il faut penser mode, se munir artificiellement du concept même en exécutant des taches subalternes, se prendre en main, encaisser les remarques désobligeantes, rebondir par l’orgueil, se transformer pour enfin basculer laminée mais conquise dans un univers impitoyable : la soumission à l’enseigne et ceci jusqu'à épuisement.On ne travaille pas dans l’univers de la mode, on est la mode, il faut être à la hauteur vestimentairement parlant même si le salaire ne le permet pas, pour cela il est nécessaire de se laisser rabaisser en espérant des remords d’une personne déterminante ayant accès au stock de robes.A la réflexion, "Ma vie privée ne tient plus qu’à un fil", on entend "Parfait, c’est ce qui se passe quand on fait bien son travail".Le petit copain des années sandwiches est sacrifié, les tentations sont fortes à condition de ne voir que soi, on ne pense plus qu’au job, à L’extérieur de cette sphère, tout est approximatif.Certains reconnaîtront une journée standard de leur quotidien. Cette gentille petite comédie américaine atténue au maximum un sujet dramatique. Les Américains ne savent pas faire des films douloureux, ici tout est soft, plaisant sans conséquences ni vibrations. Néanmoins cette petite oeuvrette transporte dans ses soutes un véritable débat sur l’aliénation professionnelle où la pire des difficultés est d’être soi-même dans un monde ne permettant pas de se construire hors de l’enseigne.Si vous avez quelque chose à dire gardez le pour vous, si vous avez quelque chose à faire, faites le pour moi.Au départ la situation est simple "au job qui paie le loyer" trinquent ces jeunes, avant de pénétrer sur le ring de l’investissement corporel et cérébral, ceci pour toute une vie où il faudra apprendre à se soumettre, puis conquérir afin d'éviter d'être broyer, c’est la loi.A la contemplation d’Andréa libérée, Miranda, un instant éveillée, s’offre un sourire en reprenant sans trop tarder un visage de cire sur la route de l’autodestruction.