"Rosine" et "Qui plume la lune" ? avaient révélé une réalisatrice à l’univers singulier, entre dure réalité et fantaisie. Avec Darling, Christine Carrière parle de la vie d’une femme meurtrie, à la personnalité exceptionnelle. Marina Foïs, dans ce rôle, échappe désormais à l’image de la fofolle rigolotte qu’elle donnait d’elle jusqu’à présent ; "Darling", assurément, marquera un tournant dans sa carrière.
Darling existe vraiment. En 1997, elle est allé à la rencontre de Jean Teulé qui travaillait pour Canal+ et elle lui a raconté son histoire. Il avait déclaré qu’il quitterait la télé s’il avait matière à un roman ; ce qu’il fit. Publié aux éditions Julliard, son roman éponyme, Darling, raconte la vie cauchemardesque de cette femme, entre horreur et drôlerie. Car Darling a le sens de l’anecdote. L’humour et la distance lui ont permis de survivre. L’adaptation que Christine Carrière a fait de ce roman est une réussite dans la mesure où elle n’est jamais tombé dans le travers du voyeurisme. Elle a rencontré cette femme et à partir de là, Christine Carrière a réalisé un film construit sur un équilibre entre les « différentes histoires : le roman, la vraie et dure réalité des propos de Darling qui continuait de subir une vie pas très rose et l’autre… le personnage qu’il fallait recréer pour passer au cinéma. » Darling est un personnage de femme brisée. De son enfance dans une ferme en Normandie, elle se souvient avoir été battue par son père et de ne pas avoir été aimée par sa mère. Petite fille obèse et analphabète, Catherine n’a qu’un désir, partir loin, dans l’un de ces nombreux camions-remorques qui passent à toute allure devant la ferme. La fillette trouve un réconfort auprès de la boulangère qui la prend à son service. La condition ayant été que la petite sût lire. On ne révèlera pas ici de quelle manière elle fait son apprentissage de la lecture. C’est l’une des innombrables bonnes idées de ce film qui n’invente rien pourtant. Darling finira par échapper à sa ferme bouseuse après avoir découvert le plaisir de la C.B. Le soir, elle raconte sa vie à ces routiers qui passent sans la voir. Désormais, elle s’appellera Darling. Comme dans ses rêves d’adolescente, elle finira par épouser l’un d’eux. La véritable descente aux enfers commence lorsque son beau Roméo doit quitter le camion à cause de son penchant pour la bouteille. Chronique ordinaire pour un destin malheureusement très ordinaire, Darling est l’histoire d’une femme battue comme il y en a autour de nous et que nous côtoyons sans imaginer ce qu’elles vivent au quotidien. Pour qui douterait de Darling, en pensant qu’elle maîtrise l’art de l’affabulation, le film s’ouvre sur une séquence clef à la lumière de laquelle tout le film doit se lire. Un médecin examine les radiographies du corps de Darling et s’étonne qu’elle puisse être encore en vie. Cette séquence a permis à la réalisatrice de ne jamais montrer la violence à l’écran car elle serait toujours en deça de la réalité. La violence est traitée hors champ et à travers le récit de Darling. C’est en cela que ce film est très intéressant et que Marina Foïs est bluffante. Elle allie l’humour à la douleur et elle a fait un travail physique qui rend crédible son personnage de femme meurtrie par la vie. Lorsque la vraie Darling a su qu’on allait l’incarner à l’écran, elle a exprimé le désir qu’on la fasse belle. Elle est belle car elle ne renonce pas. Quant à Guillaume Canet, dans le rôle de Roméo, il joue avec l’ambiguïté nécessaire la bêtise et l’ignominie qui le conduisent au pire. Autre jolie performance, celle de la petite Océane Decaudain qui joue Catherine, Darling petite fille. Elle occupe toute la première partie du film avec une énergie et un mordant convaincant.
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Son site : Ecrivain de votre vie)