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LES LIP L'IMAGINATION AU POUVOIR-2006-
Documentaire
Nationalité : France
Durée : 1h58
Date de sortie en France : 21/03/2007
Themes
Milieu ouvrier
- cinéma français -
Distributeur : Pierre Grise Distribution
Visa d'exp. : 113500
Résumé
Créée en 1867, la manufacture générale horlogère, d'une future réputation mondiale, sise dans le quartier besançonnais de Palente, connaît ses premières difficultés structurelles cent ans plus tard, en 1967, sous la direction de Fred Lipmann alias Fred Lip qui est obligé de céder plus de 30% de ses parts à un gros consortium suisse "Ebauches S.A." qui devient le principal actionnaire en 1970. Trois ans plus tard, avec la pressante concurrence américaine et japonaise dans l'environnement de la montre de qualité et de précision, le patronat décide d'un drastique plan de licenciement (500 personnes) découvert inopinément par les salariés, qui se mettent immédiatement en grève (12 juin) avec séquestration des représentants de la direction, provoquant une intervention des forces de police, suivie peu après (15 juin) par une conséquente manifestation, regroupant près de 12.000 opposants. Devant la possible inanité de cette action revendicatrice, il est décidé (18 juin) d'une remise en route de la production de l'usine, sur le mode utopique et lumineux de l'autogestion, avec la constitution d'un stock de "guerre" composé essentiellement de milliers de montres subtilisées, cachées auprès de sympathisants de tous bords, allant de la discrète mère de famille à l'anonyme écclésiastique, en passant par l'insoupçonnable activiste. Bien sûr, les instances syndicales nationales (CFDT, CGT) sont totalement prises au dépourvu, dépassées par ces initiatives "individualistes", anachroniques, "irresponsables" (les membres du comité d'action des grévistes) ne rentrant pas du tout dans les arcanes de la revendication militante basique et "réglementaire". S'en suit la première paie sauvage. Le 2 août, le ministre du Développement Industriel de l'époque, Jean Charbonnel, nomme un médiateur, Henri Giraud dont le plan de restructuation impose toujours des licenciements et mène ainsi irrémédiablement vers un inévitable échec des pourparlers. Excédé, le pouvoir politique en place, envoie à nouveau les CRS qui cette fois, évacuent, manu militari, l'usine. Rapidement, la résistance s'organise dans des structures nouvelles, des lieux de réunion hors du cadre de l'entreprise, des collaborations inédites, et cela malgré les difficultés économiques de plus en plus prégnantes et d'insidieuses et détournées promesses de reclassement. Personne ne succombe aux sirènes du pouvoir, comme un vulgaire Bernard Kouchner*** au seuil de la pauvreté et de la déshérence. D'ailleurs, le 29 septembre, une impressionnante marche sur Besançon réunit 100.000 manifestants, sous une pluie et une conviction battantes. Quatre mois plus tard, avec le soutien de quelques chefs d'entreprises "progressistes", l'ensemble des activités est reprise par Claude Neuschwander, numéro 2 du groupe Publicis et membre du PSU, avec une promesse de réambauchage progressive de la totalité des ouvriers, via les fameux accords de Dôle. Au cours des deux années qui suivront, le pouvoir politique n'aura qu'une idée en tête, casser Lip pour éviter toute contagion revendicative sur le même modèle libertaire et fera tout (suppression des habituelles commandes nationales de pendulettes pour les voitures de Renault, désengagement discret pour des prêts de restructuration, réapparition judiciaire de dettes anciennes, etc..) pour mettre enfin un terme définitif au dangereux rêve de milliers de travailleurs d'ici et d'ailleurs, qui ont perçu dans cette lutte inédite, un semblant d'espoir pour des lendemains qui chantent et dansent. Mais les temps ont inexorablement changé et les c(h)oeurs transis appris à déchanter; nous sommes désormais dans un autre monde, comme le stigmatisait fort justement Claude Neuschwander, le président démissionnaire ou plutôt démissionné :
"Jusqu’à Lip, nous étions dans un capitalisme où l’entreprise était au coeur de l’économie. Après, nous nous sommes trouvés dans un capitalisme où la finance et l’intérêt de l’argent ont remplacé l’entreprise"...
*** Homme politique de gauche, faisant partie du staff de la candidate socialiste aux élections présidentielles de 2007 et qui rejoint quelques jours plus tard, après la promulgation des résultats, le camp adversaire (vainqueur) pour aller au maroquin "Judas", à la soupe "Brutus", au picotin "Ganelon", au portefeuille "Iago", auprès de celui (Sarkozy) qu'il traitait il y a peu, de "singulièrement dangereux, voire irresponsable qui n'éprouve aucune honte à pêcher dans les eaux de l'extrême-droite".
Critiques et Commentaires
Critique de Jean-Claude pour Cinéfiches
Note Cinéfiches : 16/20
C'était presque déjà le temps des cerises et celui des orgueilleuses luttes fraternelles, avec des femmes et des hommes remarquables, dignes, courageux et solidaires qui avaient comme noms Charles Piaget, Rolland Vittot, Raymond Burgy, Jean Raguenès, Fatima Demougeot, Jeanine Pierre-Emile avec en face d'eux des dizaines " d'Eric Besson, d'Hervé Morin, de Jean-Marie Bockel et autres consorts" *****
Nous reste au fond du coeur et de la mémoire, une inoubliable chanson (hélas absente du film) de l'incontournable Jacques Bertin sur cette période vivante de notre histoire et de notre éternelle jeunesse revendicative que nous vous recopions in extenso dans son intangible douceur et sa mélancolique pudeur :
A Besançon, cette année-là, un millier d'hommes et de femmes se sont levés
Est-ce qu'on fait des vers avec l'actualité immédiate
Poète, est-ce ton rôle de témoigner pour le feu qui naît
Est-ce qu'on peut écrire des chansons sur ces femmes
Qui se sont mises en dimanche pendant huit mois parce qu'il fallait
Montrer qu'on était des gens responsables
Et que la grève ce n'est pas le laisser-aller, mais la rigueur
Tu fais donc des vers avec la dignité des autres
Poète, depuis ta chambre parmi tes bouquins
Est-ce qu'il est digne de saluer la classe ouvrière
De loin quand peut-être tes vers elle n'y comprendra rien
Il va bien falloir s'y résoudre
L'étincelle ce n'est pas moi
Je vais de ville en ville
Je porte le feu, je suis le sang
O jeunes femmes qui descendiez sur Besançon
Cette année-là vers le quinze août en portant comme un sacrifice
Vos clameurs car c'était la première fois et vous aviez un peu peur
Je reste au bord de vous, timide, n'osant rien faire
Est-ce qu'on peut faire des vers avec la gravité de vos gestes et votre honneur
Vous vous êtes mis debout. Soudain vous étiez devenus l'espoir du monde
L'espoir du monde, vous, petite dame coquette et sans histoires, sans passion
Le premier jour l'un de vous a dit : la grève sera longue
C'est avec les pieds dans la neige que nous finirons
C'est donc facile de faire des vers sur le courage et sur la peur
On fait des vers avec l'espoir, avec la vie
Avec les ongles qui s'accrochent au réel
Avec des mots qui m'ont été soufflés cet hiver
A Besançon, parce que le vent souffle dans le dos du poète
Et le crible de mots qui ne lui appartiennent pas" .....
***** Oscillants hommes politiques de gauche ou du centre, benoîtement qualifiés de traîtres, félons, rénégats, fourbes, perfides ... alors qu'ils ne souffraient peut-être que d'appétence hiérarchique, d'indigence existentielle, de comateux troubles du discernement qui, après bien des ataxies idéologiques semblent avoir enfin (re)trouvé leur équilibre quinquennal dans une élyséenne cantine cinq étoiles de droite.
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Critique/Commentaire
Critiques - Commentaires Public
signature non-référencée
Bravo pour cette critique de qualité littéraire brillante et ce courage "citoyen"... époustouflant et fort !! Merci. ML.
Bibliographie