Puisque mon activité artistique estivale est au point mort, autant regarder des films... et je ne m'en prive pas. Récemment, j'ai sorti de ma DVDthèque "Lady Chatterley", le film de Pascale Ferran sorti fin 2006. A priori, cette histoire d'adultère façon "début du siècle" n'est pas ma tasse de thé... mais le bien qu'on m'en a dit, ajouté à son succès obtenu lors des derniers "César" m'ont donné envie de me faire mon avis. Il faut dire aussi que j'étais tombé quelques jours avant sur ce film diffusé sur "Arte"...La diffusion étant tardive et ayant raté le début, je zappais... me disant que je visionnerais trés vite le DVD. Pour info, le film de Pascale Ferran existe en version "TV" en deux parties pour "Arte". La version TV est sensiblement différente de la version "Cinéma"... scènes en plus ou en moins etc... Il existe aussi plusieurs versions filmées plus anciennes du célèbre et sulfureux roman de David Herbert Lawrence "L'amant de Lady Chatterley" sorti en 1928.
"Lady Chatterley", c'est d'abord trois comédiens... Il y a Marina Hands (Constance Chatterley)... elle est superbe tant au niveau de la plastique que du jeu. Elle a à la fois cette naïveté nécessaire au personnage et cette classe de femme du "monde" qui donne au film toute sa teneur psychologique. Il y a Jean-Louis Coulloc'h (Olivier Parkin), un acteur inconnu qui incarne ici l'amant... Sans être beau, il a cette présence animale qui le rend séduisant. Rustre, ambigu et mystérieux, il incarne l'homme à tout faire de la maison "Chatterley" parfait... d'ailleurs il fera même ce que son patron ne lui demande pas de faire. A noter aussi la présence d'Hippolyte Girardot (Sir Clifford) qui joue le mari paraplégique. On le voit très peu sur les écrans de cinéma ou de TV, lui pourtant promu jeune premier du cinéma français avec "Un monde sans pitié" d'Eric Rochant... c'était en 1989, déjà. Ici il est à sa place, il campe un "Sir Clifford" impuissant quand il s'agit de satisfaire sa femme ou de l'empêcher d'aimer l'autre... et pourtant il semble tout contrôler avec parfois cette perversité propre aux vrais cyniques.
Le film commence et se termine abruptement, sans transition. Sans explication, le spectateur est plongé dans l'univers de ce trio improvisé. Sans doute le parti pris par la réalisatrice de ne rien expliquer, juste laisser la place à l'histoire d'amour et de désamour qui va se nouer devant les yeux du spectateur. Les couleurs du film sont passées et lui donnent le côté rétro qui lui va bien (ou alors c'est mon DVD qui déconne...). Les personnages aussi sont bruts, pas de paroles ni de gestes superflux... chez ces gens là, on ne parle pas "Monsieur", on vit ! Les scènes d'amour sont présentes et impudiques parfois, pourtant elles ne choquent jamais, elles donnent juste le piment qu'il faut au film pour comprendre ce qui se trâme vraiment entre les deux "amants presque malgré-eux". Il y a aussi cette tension dramatique et psychologique, si présente dans le roman (il paraît, je ne l'ai point lu) et très bien rendue ici. L'amour entre la châtelaine et le garde forestier, c'est la dualité entre la noblesse et le prolétariat bien sûr, mais c'est aussi la belle et la bête, la ville et la campagne, Felix Gray et Didier Barbelivien...(aïe, je disgresse là !). Non, soyons sérieux, il faut pas oublier qu'à l'époque de la sortie du livre, en 1928, ce fut un énorme scandale et le tollé fut général. En ce temps là, le sujet de l'adultère qui plus est avec des protagonistes de classe sociale différente était tabou. Les choses ont-elles changées ? Oui... enfin un peu quand même, et pourtant, et c'est là le talent de Pascale Ferran, le film garde toute sa saveur et le goût de l'interdit.
Je ne veux pas plus m'épancher sur "Lady Chatterley", et ce n'est pourtant pas l'envie qui m'en manque...(c'est vrai que Marina Hands est très belle). Avec le recul, je pense que le film est une vraie réussite... et il n'avait pas besoin de tout ce tapage médiatique pour séduire un public, son public. Pascale Ferran et ses comédiens prouvent qu'avec un budget relativement modeste, on peut faire du bon et du beau... et surtout garder une âme !